Du fait historique à sa réécriture politique

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Midget_Jones
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Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Midget_Jones »

J'ouvre ce sujet suite à la discussion entamée avec Cyrano. Le titre est assez général pour qu'au fil des envies et du temps, le sujet s'étoffe et évolue :-)

Je vais commencer ce fil donc avec la Résistance.

Je tiens à préciser que ce n'est nullement politique (dans le sens où ce n'est pas l'expression d'une opinion politique), et que c'est mavision des choses, après lecture de beaucoup d'ouvrages et la réalisation d'une petite enquête sur la Résistance (le sujet me passionne).

De Gaulle est perçu comme l'image, le symbole de la résistance... alors qu'il a quitté la France en 1940, et n'y a remis les pieds qu'en 1944 pour célébrer la Libération. A mon sens et à mes yeux, la vraie résistance était celle qui agissait en France, avec les tracts (que les femmes cachaient notamment dans les couches de leurs bébés), les boycotts, les actions militarisées, les journaux clandestins, le fait de cacher des juifs, etc., avec ce risque incessant de se faire prendre, torturer, emprisonner, exécuter ou déporter. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le seul pays qui a résisté à la conquête allemande, c'est l'Angleterre, grâce notamment à sa flotte. Donc on ne peut pas vraiment comparer les résistants qui se trouvaient en France, et ceux qui sont restés en Angleterre.

Par ailleurs, l'appel du Général De Gaulle à la résistance ce fameux 18 juin 1940 n'a pas eu d'effets immédiats. Les actions résistantes étaient au début de la guerre indépendantes des unes des autres, pas vraiment structurées, ni très réfléchies. Ce n'est qu'à partir de 1942 que les réseaux ont commencé à se structurer, et à devenir efficace. Il me semble que c'est à partir de 1942 que la Résistance est devenue un mouvement national (ne serait-ce que parce qu'au moment où les Accords de la Rothonde ont été signés en juin 1940, les français ont longtemps pensé que Pétain jouait un double-jeu, qu'il y avait une stratégie politique derrière cette capitulation).

C'est pour cela que j'ai dit "injustement" : parce que la réécriture de l'histoire n'est pas du fait de De Gaulle, mais des gouvernements qui se sont succédés et qui ont voulu faire oublier la période "Vichy". Et, plusieurs éléments doivent être gardés en tête :
  • Pendant la guerre, il y avait plusieurs "types" de résistance. La vraie résistance était la résistance militarisée, armée, et essentiellement masculine. Donc, il est quasi anachronique de parler de résistance "féminine" (qui avait une sociologie particulière);
  • Le terme de "Justes", nom qui a été donné aux personnes qui avaient caché des Juifs pendant le conflit mondial, n'a été donné qu'après les années 50... donc là aussi il y a eu une nomination et une reconnaissance quasiment 10 ans parès la Libération (mais on oublie souvent cette période de latence);
  • Enfin, De Gaulle avait promis que si la France était libérée, les femmes auraient le droit de vote... ce qu'elles ont eu. Mais au moment de la constitution du gouvernement issu des mouvements résistants, alors que des femmes avaient participé à des actions résistantes, aucune n'est rentrée dans le gouvernement.
Voilà, pour moi De Gaulle est moins représentatif du mouvement résistant, que de sa réécriture, anachronique, romancée, et romanesque.

Pour ceux que cela pourrait intéresser, je mets un lien vers l'enquête sur archives que j'ai réalisée lors de mon Master Recherche sur la conception politique de la Résistance féminine.
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Cyrano
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Cyrano »

Midget_Jones a écrit : De Gaulle est perçu comme l'image, le symbole de la résistance... alors qu'il a quitté la France en 1940, et n'y a remis les pieds qu'en 1944 pour célébrer la Libération. A mon sens et à mes yeux, la vraie résistance était celle qui agissait en France, avec les tracts (que les femmes cachaient notamment dans les couches de leurs bébés), les boycotts, les actions militarisées, les journaux clandestins, le fait de cacher des juifs, etc., avec ce risque incessant de se faire prendre, torturer, emprisonner, exécuter ou déporter.
Je ne pense pas qu'on puisse aller si vite...

De Gaulle a traversé la Manche avec le peu de dignité qu'il restait au pays dans ses valises. Il a incarné une résistance militaire, et a permis à La France de rester française à la libération, et pas administrée par les alliés, comme ce fut le cas pour Berlin.

Il y a plusieurs échelles pour appréhender une période. Je ne pense pas qu'on puisse balayer l'impact du général sur la résistance, sous prétexte qu'il ne l'a pas vécue personnellement. Il faut des chefs, des symboles. Sans lui, je ne suis pas sûr que cette résistance aurait été organisée comme elle le fut, ni que les alliés auraient fait appel à elle dans les jours qui ont précédé le débarquement (De Gaulle avait une image exécrable auprès des alliés, mais tous ont bien été obligés de reconnaître sa légitimité). C'est aussi grâce à lui que la fameuse "2ème DB" (commandée par le général Leclerc) a pu s'intégrer au corps d'armée du Général Patton, et ainsi être la première à entrer dans Paris.

Vichy déportait les juifs, les opposants, les communistes, et a été un régime puant, et une tâche indélébile sur l'histoire du pays. De Gaulle, c'était la France. Toute le France. Celle des résistants, des combattants, et un interlocuteur crédible auprès des alliés. Alors il n'a pas participé à la résistance non...Mais il l'a rendue possible en redonnant à certains le gout de se battre.
Midget_Jones a écrit : Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le seul pays qui a résisté à la conquête allemande, c'est l'Angleterre, grâce notamment à sa flotte. Donc on ne peut pas vraiment comparer les résistants qui se trouvaient en France, et ceux qui sont restés en Angleterre.
Encore une fois, j'ai cette bizarre impression que tu taxerais presque le Général de Gaulle de lâcheté. J'ai du mal à comprendre cette opposition de deux échelles de l'Histoire (Micro et Macro). C'est assez bizarre cette façon de voir les choses en fait...
Il y a eu des héros oui bien sûr...(Il faudrait entrer dans le détail, parce que la résistance a aussi causé des milliers de morts parmi les civils français) et des échelles de résistance innombrables...mais le chef, le symbole de ce qu'il reste de la France digne, celui qui parle avec tous au nom de la France, celui-là...ne pouvait pas se promener avec des tracts dans un berceau de bébé à Paris en 42.
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par TourneLune »

Je ne comprends pas bien cette oppostion non plus...

Le symbole permet le ralliement, il est clairement utile meme s'il ne met pas les mains dans le camboui. Mais clairement il n'a pas les mains aussi "libres" pour agir.
S'il était resté il serait juste mort et donc? N'etait-il pas plus utile à l'abris que mort? Si ca se trouve, ca l'a rendu malade de quitter le pays mais c'est comme ça qu'il pouvait le mieux assumer son rôle.

Personne ne limite la resistance à De Gaulle je pense, il en est juste le symbole. Je ne vois pas trop en quoi ca occulte le comportement de tous ceux qui ont risqué leur vie. Ca se complète juste.

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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Zyghna »

Je suis d'accord avec Cyrano et Tournesol.
Quant au titre, je ne vois pas son rapport avec le développement qui suit.
Un fait historique n'a de réalité que par rapport à celui qui le vit. Sa mise en texte sera quoiqu'il arrive TOUJOURS une interprétation.

Là où je ne suis pas du tout d'accord avec toi, c'est quand tu expliques pourquoi que les gouvernements d'après-guerre ont voulu faire oublier Vichy: ils l'ont fait, parce que c'était alors la seule chose à faire. Ce n'est pas pour glorifier De Gaule, et lui donner un rôle plus important qu'il n'avait réellement eu, c'était pour apaiser les âmes de tous les Français, pour éviter de partir dans une guerre civile ou un procès à l'échelle du pays.

Et puis quand tu écoutes les paroles des grands résistants, De Gaule jour toujours un rôle conséquent dans leur engagement.

Enfin, je ne me permettrais jamais de juger les actes de cette époque. Parce que oui les Résistants sont glorifiés parce qu'ils étaient du côté des vainqueurs. C'est là aussi que l'on voit que la limite est très floue quand même entre résistance et terrorisme.
Bref, tout est question d'interprétation.
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Midget_Jones »

Zyghna a écrit :Quant au titre, je ne vois pas son rapport avec le développement qui suit.
Un fait historique n'a de réalité que par rapport à celui qui le vit. Sa mise en texte sera quoiqu'il arrive TOUJOURS une interprétation.
Je suis tout à fait d'accord avec toi : tout fait (pas seulement historique) n'a de réalité que par rapport à celui qui le vit.
Mais ce que je soulève, et critique (parce que c'est ça que je critique), ce n'est pas l'interprétation, mais une réécriture, que j'ai découverte en m'intéressant au sujet de manière plus "scientifique", notamment la Résistance féminine (qui apparemment serait un anachronisme).
L'action des femmes dans la Résistance, les Justes de France, ou encore la déportation : tous ces faits ont eu des reconnaissances tardives, et je trouve que ces périodes de latence, ni le pourquoi de ces périodes, ne sont pas expliquées. Je trouve qu'il y a trop d'ellipses, qui ne permettent pas d'aller au plus près de la compréhension de cette période. D'où le titre que j'ai choisi.

Il est vrai que cela peut apparaître comme du pinaillement, et sûrement cela en est, mais la Résistance me tient tant aux tripes que je voudrais pouvoir être au plus proche de ce qui était à cette période-là.
Zyghna a écrit :Et puis quand tu écoutes les paroles des grands résistants, De Gaule jour toujours un rôle conséquent dans leur engagement.
Pas tout le temps : la Résistance a eu un effet domino. Peut-être ceux qui ont commencé l'ont fait sous l'impulsion de l'appel de De Gaulle, mais par la suite, dans les témoignages écrits, beaucoup se sont engagés parce que leurs copains, des membres de leur famille, ou "simplement" des connaissances étaient engagés. Pour les femmes, il est arrivé qu'elles s'engagent simplement parce qu'elles étaient amoureuses d'un résistant. Après, il est vrai que dans leurs actions, ils font référence à De Gaulle, mais le sentiment que j'en ai c'est une référence à une figure abstraite, dont on ne sait pas vraiment le pouvoir qu'il a, mais on se dit qu'il en a beaucoup. La croyance quelque part a nourrit l'action.
Cyrano a écrit :Il y a plusieurs échelles pour appréhender une période. Je ne pense pas qu'on puisse balayer l'impact du général sur la résistance, sous prétexte qu'il ne l'a pas vécue personnellement. Il faut des chefs, des symboles. Sans lui, je ne suis pas sûr que cette résistance aurait été organisée comme elle le fut, ni que les alliés auraient fait appel à elle dans les jours qui ont précédé le débarquement (De Gaulle avait une image exécrable auprès des alliés, mais tous ont bien été obligés de reconnaître sa légitimité).
Il est vrai qu'il y a plusieurs échelles d'analyse, et que je ne les intègre pas dans mon analyse/jugement.
Je ne dis pas qu'il n'a participé en rien dans la Résistance, qu'on a pioché son nom au hasard et qu'on l'a transformé en icône pour raviver le patriotisme français. Ce que je dis c'est que j'ai l'impression qu'on lui prête un rôle plus important que les résistants eux-mêmes, que de la Résistance, c'est lui que l'on retient essentiellement. Sans lui, peut-être la Résistance n'aurait jamais été ou aurait été moins "forte" (parce qu'il a lancé un appel au patriotisme, parce qu'il véhicule une image, et comme tu le dis, les symboles, les grandes figures sont nécessaires en ce qu'elles rallient)... mais si, à l'inverse, son appel n'avait pas été suivi, et si la Résistance ne s'était pas structurée comme elle l'a été, De Gaulle aurait-il eu le même impact, le même rôle après la guerre ?
Quant à l'organisation de la Résistance, il apparaît plus que ce soit une structuration par le bas, qu'une structuration par le haut.
Cyrano a écrit :Encore une fois, j'ai cette bizarre impression que tu taxerais presque le Général de Gaulle de lâcheté. J'ai du mal à comprendre cette opposition de deux échelles de l'Histoire (Micro et Macro). [...] Mais le chef, le symbole de ce qu'il reste de la France digne, celui qui parle avec tous au nom de la France, celui-là...ne pouvait pas se promener avec des tracts dans un berceau de bébé à Paris en 42.
C'est pour cela que j'ai dit "injustement" : parce que dans les manuels d'histoire, j'ai vraiment l'impression que l'on en retient que l'échelle macro, quelque chose de grandiose, à côté duquel des tracts dans un berceau de bébé apparaissent tout à fait triviaux, alors que dans cette trivialité apparente, il y avait un réel danger.
J'ai vraiment eu un sentiment de culpabilité quand j'ai creusé le sujet d'avoir eu de l'admiration pour les grandes figures de la résistance, et d'avoir occulté tous les anonymes. Ce sujet me touche sincèrement, et j'ai mal supporté l'injustice de ma mémoire.
Zyghna a écrit :Enfin, je ne me permettrais jamais de juger les actes de cette époque. Parce que oui les Résistants sont glorifiés parce qu'ils étaient du côté des vainqueurs.
Je ne me permettrais pas de juger non plus, ni de faire des liens automatiques. Il y a une histoire qui m'a particulièrement touchée d'une jeune résistante lyonnaise qui a été arrêtée fin août 1944 par la Gestapo, et enfermée à Montluc. A cette période, les nazis se savaient condamnés en ce que les alliés progressaient sur le territoire français, et ils ont voulu "liquider" le plus de résistants possibles (à Lyon). Ces prisonniers étaient appelés les "Sans bagage", car lorsqu'on les appelait et que leur nom était suivi du terme "sans bagage", cela signifiait qu'ils allaient se faire exécuter du côté de Saint Genis Laval. Cette jeune fille a été appelée et au moment de monter dans le camion, un milicien français (un collabo) l'a reconnue, l'a faite sortir du camion, l'a mise dans un autre véhicule, et ce véhicule l'a déposée dans le centre de Lyon, et est reparti.
De la Résistance, ce que je retiens le plus, c'est moins la victoire, que leurs actions, parfois drôles (le boycott du concert d'un Orchestre Philharmonique Berlinois à Lyon, où les résistants ont acheté le plus de places qu'ils ont pu, pour que la salle soit vide le jour venu), et leur volonté (le mouvement de Résistance Chrétien a mis en place, à partir de 1943, des cours clandestins de science politique, d'histoire, d'administration, etc., pour pouvoir préparer et faire participer les résistants à ce qui serait la France d'après-guerre). J'aime l'idéal auquel ils ont cru et qu'ils ont voulu mettre en place.
Zyghna a écrit :Bref, tout est question d'interprétation.
Et de sensibilité :-)

Et c'est peut-être cela qui vient biaiser ma vision des choses, ou n'en appréhender qu'une partie au lieu du tout : l'histoire de la Résistance me prend vraiment aux tripes.

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Cyrano
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Cyrano »

Pour être sincère, je ne comprends toujours pas cette opposition que tu fais.

Tu sembles regretter le fait que les anonymes de la résistance n'aient jamais été reconnus à leur juste valeur. Bah s'ils sont anonymes, je dirais que c'est logique. La résistance en tant que "mouvement" est largement plébiscitée par l'Histoire. Je dirais même trop.

Il se trouve que le rôle réel de la résistance a été très largement surestimé quant à son efficience au plan macro du conflit. Normal ? Évidemment. La résistance, ainsi que De Gaulle, ont permis à la France de garder la tête haute.

La résistance, c'est une multitude de faits, et de gens, dont la majeure partie est restée dans l'ombre. Ce sont des français, des espagnols, des communistes, des chrétiens, des juifs, des musulmans, des allemands, des polonais etc. La liste est infinie, et vouloir rendre hommage à chacun est tout bonnement impossible.

En revanche, il existe une infinité d'ouvrages, de témoignages, d'analyses, de romans qui témoignent de cette période. Je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'il y ait beaucoup de périodes de notre histoire qui soient si bien documentées.

La reconnaissance tardive que tu déplores est naturelle dans une Europe dévastée, qui panse ses plaies, et qui n'aspire qu'à oublier tout ça.

Je lis entre tes lignes que les résistants de l'ombre n'ont pas moins de valeur (voir plus) que le Général de Gaulle. Et que tu déplores la mise an avant de l'homme au détriment des autres. Mais c'est L'Histoire qui veut ça. Quelle que soit la période. Les grands Hommes ont façonné l'Histoire par leurs décisions, leurs erreurs, et des millions d'autres en ont subi les conséquences.

Je pense que c'est un débat stérile. Si on va par là, et qu'on veut parler des oubliés, on peut évoquer les allemands morts d'avoir un dictateur à leur tête, des civils français tués par milliers par les frappes alliées, ou en représailles aux actes de résistance.

Il y a l'Histoire, et les histoires qui sont chacune poignantes, révoltantes ou tristes.

Quant au point de vue des vainqueurs que tu évoques Zyghna, et qui ferait passer de résistance à terrorisme suivant le point de vue, je ne suis entièrement d'accord. L'histoire immédiate aurait taxé les résistants de terroristes, mais la seule qui vaille, c'est à dire celle qui, dépassionnée, analyse les faits, aurait reconnu la résistance comme une réaction héroïque à un acte d'agression.

Avec le recul, et malgré les défaites ou victoires, tout le monde aujourd'hui reconnait plus ou moins, suivant les tensions politiques qui existent encore ça et là, les faits historiques dans leur essence.

C'est une erreur je crois de penser que les victoires interprètent l'Histoire.
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Zyghna »

Mes modèles sont tous des pacifistes, pour moi, la résistance, à partir du moment où elle met des vies en jeu, que ce soit celles de soldats allemands, ou de proches, ne sera jamais pleinement justifiable.
Tout comme le fait que les collaborateurs ne soient pas tous condamnables.
Je trouve juste que la tendance à ne retenir que les côtés positifs ou négatifs (suivant de qui on parle) est encore trop forte. Il y a tellement d'histoires à prendre en compte là dedans...

Les Français se sont fait agresser mais ils sont loin d'être blancs dans cette guerre.

Pour en revenir à De Gaule, je rejoindrai Cyrano: la littérature est abondante sur cette période. Si tu trouves que ça manque de données, tu sais ce qu'il te reste à faire ^^
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Midget_Jones »

J'avoue ne pas apprécier cette tendance au "vedettariat", et c'est sûrement pour cela que je m'offusque de la non reconnaissance, ou du moins plénière, des anonymes. Je n'aime pas ce terme de "Grands Hommes", où il y a comme une nécessité de devoir personnifier : un mouvement, une époque, une pensée, un courant, etc, et de rendre, à celui qui en a le visage, tous les hommages. Ce besoin d'admiration, quasi inconditionnelle, d'une personne, d'un humain m'échappe. C'est aussi peut-être pour cela que les "anonymes" me touchent plus : parce qu'ils me ressemblent, et parce que j'arrive à me projeter dans leur masse indifférenciée. C'est comme si l'Histoire m'était plus proche, plus accessible, et qu'elle faisait corps avec la période que je suis en train de vivre. L'Histoire qui nous est racontée et apprise m'apparaît plus être une Histoire des "élites".

Je repense à ta remarque Cyrano sur les différentes échelles d'appréhension d'un fait historique (micro/méso/macro), échelles que je n'avais pas prises en compte, et la question que je me pose maintenant c'est : étudie-t-on leurs intéractions, et la conséquence de ces intéractions ?
Zyghna a écrit :Pour en revenir à De Gaule, je rejoindrai Cyrano: la littérature est abondante sur cette période. Si tu trouves que ça manque de données, tu sais ce qu'il te reste à faire ^^
Où je trouve que ça pêche un peu, d'un point de vue historiographique, c'est la contextualisation de la manière d'appréhender les faits. Je trouve qu'on nous laisse comprendre l'histoire, avec des schémas de pensée contemporains.

Après la question est de savoir le réel intérêt de tout cela :lol: à part un intérêt heuristique.

(A écrire ce paragraphe, tant d'idées se bousculent dans ma tête, je voudrais pouvoir les relier à des considérations et des questionnements plus généraux comme : les schémas de pensées et la Bible, la personnification et le monothéisme, l'apprentissage de l'Histoire et la pédagogie... mais ces considérations se forment puis s'évanouissent, réapparaissent parfois et disparaissent complètement, comme de véritables écrans de fumée... suis frustrée :( ).
Zyghna a écrit :Mes modèles sont tous des pacifistes [...].
Zyghna, quels sont tes modèles ?

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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par TourneLune »

Ben oui mais que toi tu n'aimes pas est une chose, que ça te choque que d'autres aiment en est une autre.
Et si ils ont besoin de symboles, où est le mal?

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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Midget_Jones »

Tournesol a écrit :Ben oui mais que toi tu n'aimes pas est une chose, que ça te choque que d'autres aiment en est une autre.
Et si ils ont besoin de symboles, où est le mal?
Avoir des symboles ne me choquent pas. Je pense qu'on en a tous, chacun se rattache à quelque chose pour donner du sens à ce qu'il vit. Ce qui m'échappe (mais ça ne me choque nullement) c'est la nécessité d'avoir une icône et de lui rendre hommage... presque de la vénérer. Mais il est tout à fait vrai qu'il n'y a rien de mal à ça (tant que la référence a une action positive sur l'individu).

Cet extrait de Ainsi parlait Zarathoustra, résume bien ma pensée. Ce que Nietzsche applique à l'Etat, je l'étendrai à ce terme de "Grands Hommes", que je critique :
DE LA NOUVELLE IDOLE

[...]

L'Etat est partout où tous absorbent des poisons, les bons et les mauvais: l'Etat, où tous se perdent eux-mêmes, les bons et les mauvais: l'Etat, ou le lent suicide de tous s'appelle - "la vie".

Voyez donc ces superflus! Ils volent les oeuvres des inventeurs et les trésors des sages: ils appellent leur vol civilisation - et tout leur devient maladie et revers!

Voyez donc ces superflus! Ils sont toujours malades, ils rendent leur bile et appellent cela des journaux. Ils se dévorent et ne peuvent pas même se digérer.

Voyez donc ces superflus! Ils acquièrent des richesses et en deviennent plus pauvres. Ils veulent la puissance et avant tout le levier de la puissance, beaucoup d'argent, - ces impuissants!

Voyez-les grimper, ces singes agiles! Ils grimpent les uns sur les autres et se poussent ainsi dans la boue et dans l'abîme.

Ils veulent tous s'approcher du trône: c'est leur folie, - comme si le bonheur était sur le trône! Souvent la boue est sur le trône - et souvent aussi le trône est dans la boue.

Ils m'apparaissent tous comme des fous, des singes grimpeurs et impétueux. Leur idole sent mauvais, ce froid monstre: ils sentent tous mauvais, ces idolâtres.

Mes frères, voulez-vous donc étouffer dans l'exhalaison de leurs gueules et de leurs appétits! Cassez plutot les vitres et sautez dehors!

Evitez donc la mauvaise odeur! Eloignez-vous d'idolâtrie des superflus.

Evitez donc la mauvaise odeur! Eloignez-vous de la fumée de ces sacrifices humains!

Maintenant encore les grandes âmes trouveront devant elles l'existence libre. Il reste bien des endroits pour ceux qui sont solitaires ou à deux, des endroits où souffle l'odeur des mers silencieuses.

Une vie libre reste ouverte aux grandes âmes. En vérité, celui qui possède peu est d'autant moins possédé: bénie soit la petite pauvreté.

Là où finit l'Etat, là seulement commence l'homme qui n'est pas superflu: là commence le chant de la nécessité, la mélodie unique, la nulle autre pareille.

Là où finit l'Etat, regardez donc, mes frères! Ne voyez-vous pas l'arc-en-ciel et le pont du Surhumain?

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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par TourneLune »

Hé ben.... ça laisse songeur....

J'ai envie de dire "pourquoi tant de haine"....

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Cyrano
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Cyrano »

Nietzsche est un trublion génial qui s'amuse avec nos croyances, et ce qui fait notre mode de vie. Il est génial parce qu'il fait réfléchir. Mais pour bien le lire, il faut se battre contre lui, et pas accepter ce qu'il dit comme parole d'évangile.

Les grands Hommes sont ceux qui, par leur génie, par leurs capacités, leur charisme etc, entraînent les autres dans leur sillage et font l'Histoire. Pourquoi nier leur influence (voir même leur existence) ? Et pourquoi les mettre en opposition face à d'autres ?

Je ne vois pas ce que ça enlève aux autres en fait.
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par Fabs le vaurien »

Cyrano a écrit : Et pourquoi les mettre en opposition face à d'autres ?
Je suis assez d'accord. Je ne sais pas mais il semble évident que Gustave Eiffel n'a pas serré chaque boulon de sa tour, qu'un système ne fonctionne que par la division des taches, qu'il y'a d'un coté les décisionnaires, de l'autre les exécutants et qu'aucune place n’est ingrate ou dévalorisante dans l'absolu. Après, les phénomènes de leadership existent aussi dans les dynamiques de groupes et c'est quelque chose de presque naturel dans tout système (du petit groupe à la grosse organisation). Je ne sais pas si il existe des sociétés sans chef...ou à défaut d'une quelconque hiérarchie ou ascendance légitime, sans représentant.

Ce que je veux dire c'est qu'on retrouvera cette injustice (supposée), ce fossé entre les chevilles ouvrières et ceux qui les représentent dans tout les domaines et ce n'est pas parceque le chef ne va pas au charbon directement qu'il sera moins méritant. Au contraire, ce n'est pas non plus de tout repos pour les épaules que de porter les décisions, de se positionner et d'influer sur le bon (ou pas ) déroulement des évènements, d'avoir la responsabilité des autres..C'est interconnecté de toutes façons.

bref, de Gaulle est un symbole en plus d''avoir été un personnage politique et militaire de poids...Une sorte de guide à un moment où il fallait absolument rassembler les troupes...Et c'est sur ce principe là qu'un président de la république sera élu. Incarner le rassemblement, la serenité, l'espoir et le désir.

Evidemment que tonton marcel a énormément fait et qu'on a touts dans nos familles des héros de guerre inconnus mais quand je pense au grand charles, je ne pense pas à l'humain, je pense à ce qu'il incarne, une époque, des évènements, des bouleversements sociétaux , une réalité historique dont il faut se souvenir. Je pense donc à tout ceux qui ont abondé dans le sens du general, de ses commandants au petit paysan qui luttait à sa façon aussi.

si on ne fêtait pas les armistices, honorer pas les personnages héroïque, on finirait par oublier, ne plus rien transmettre
et nos sociétés ne s'ancreraient plus dans une historicité..ce serait horrible. On vivrait dans un point. Et on se souviendrait encore moins de tonton marcel..
Tout le monde peut se mettre en colère. Mais il est difficile de se mettre en colère pour des motifs valables et contre qui le mérite, au moment et durant le temps voulus. (Aristote, Ethique à Nicomaque).

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pixelvois
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Re: Du fait historique à sa réécriture politique

Message par pixelvois »

Pour rebondir sur la nécessité des symboles et sur l'exemple de la résistance française pendant la seconde guerre mondiale pris dans le post initiant ce topic, je vous livre cette citation de Robert Guédiguian, que l'on trouve à la fin de son excellent film L'armée du crime ( au sujet de ceux qui ont composé la célèbre affiche rouge ) :
Robert Guédiguian a écrit :Pour approcher au plus près la vérité profonde de l'engagement des étrangers dans la résistance française, j'ai du modifier certains faits et bousculer la chronologie.
C'était nécessaire afin que cette histoire vraie devienne une légende pour aujourd'hui, pour qu'elle nous aide à vivre ici et maintenant.
"Dans un monde où chacun triche, c'est l'homme vrai qui fait figure de charlatan." ( André Gide - Les faux monnayeurs )

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