Zyghna a écrit :Quant au titre, je ne vois pas son rapport avec le développement qui suit.
Un fait historique n'a de réalité que par rapport à celui qui le vit. Sa mise en texte sera quoiqu'il arrive TOUJOURS une interprétation.
Je suis tout à fait d'accord avec toi : tout fait (pas seulement historique) n'a de réalité que par rapport à celui qui le vit.
Mais ce que je soulève, et critique (parce que c'est ça que je critique), ce n'est pas l'interprétation, mais une réécriture, que j'ai découverte en m'intéressant au sujet de manière plus "scientifique", notamment la Résistance féminine (qui apparemment serait un anachronisme).
L'action des femmes dans la Résistance, les Justes de France, ou encore la déportation : tous ces faits ont eu des reconnaissances tardives, et je trouve que ces périodes de latence, ni le pourquoi de ces périodes, ne sont pas expliquées. Je trouve qu'il y a trop d'ellipses, qui ne permettent pas d'aller au plus près de la compréhension de cette période. D'où le titre que j'ai choisi.
Il est vrai que cela peut apparaître comme du pinaillement, et sûrement cela en est, mais la Résistance me tient tant aux tripes que je voudrais pouvoir être au plus proche de ce qui était à cette période-là.
Zyghna a écrit :Et puis quand tu écoutes les paroles des grands résistants, De Gaule jour toujours un rôle conséquent dans leur engagement.
Pas tout le temps : la Résistance a eu un effet domino. Peut-être ceux qui ont commencé l'ont fait sous l'impulsion de l'appel de De Gaulle, mais par la suite, dans les témoignages écrits, beaucoup se sont engagés parce que leurs copains, des membres de leur famille, ou "simplement" des connaissances étaient engagés. Pour les femmes, il est arrivé qu'elles s'engagent simplement parce qu'elles étaient amoureuses d'un résistant. Après, il est vrai que dans leurs actions, ils font référence à De Gaulle, mais le sentiment que j'en ai c'est une référence à une figure abstraite, dont on ne sait pas vraiment le pouvoir qu'il a, mais on se dit qu'il en a beaucoup. La croyance quelque part a nourrit l'action.
Cyrano a écrit :Il y a plusieurs échelles pour appréhender une période. Je ne pense pas qu'on puisse balayer l'impact du général sur la résistance, sous prétexte qu'il ne l'a pas vécue personnellement. Il faut des chefs, des symboles. Sans lui, je ne suis pas sûr que cette résistance aurait été organisée comme elle le fut, ni que les alliés auraient fait appel à elle dans les jours qui ont précédé le débarquement (De Gaulle avait une image exécrable auprès des alliés, mais tous ont bien été obligés de reconnaître sa légitimité).
Il est vrai qu'il y a plusieurs échelles d'analyse, et que je ne les intègre pas dans mon analyse/jugement.
Je ne dis pas qu'il n'a participé en rien dans la Résistance, qu'on a pioché son nom au hasard et qu'on l'a transformé en icône pour raviver le patriotisme français. Ce que je dis c'est que j'ai l'impression qu'on lui prête un rôle plus important que les résistants eux-mêmes, que de la Résistance, c'est lui que l'on retient essentiellement. Sans lui, peut-être la Résistance n'aurait jamais été ou aurait été moins "forte" (parce qu'il a lancé un appel au patriotisme, parce qu'il véhicule une image, et comme tu le dis, les symboles, les grandes figures sont nécessaires en ce qu'elles rallient)... mais si, à l'inverse, son appel n'avait pas été suivi, et si la Résistance ne s'était pas structurée comme elle l'a été, De Gaulle aurait-il eu le même impact, le même rôle après la guerre ?
Quant à l'organisation de la Résistance, il apparaît plus que ce soit une structuration par le bas, qu'une structuration par le haut.
Cyrano a écrit :Encore une fois, j'ai cette bizarre impression que tu taxerais presque le Général de Gaulle de lâcheté. J'ai du mal à comprendre cette opposition de deux échelles de l'Histoire (Micro et Macro). [...] Mais le chef, le symbole de ce qu'il reste de la France digne, celui qui parle avec tous au nom de la France, celui-là...ne pouvait pas se promener avec des tracts dans un berceau de bébé à Paris en 42.
C'est pour cela que j'ai dit "injustement" : parce que dans les manuels d'histoire, j'ai vraiment l'impression que l'on en retient que l'échelle macro, quelque chose de grandiose, à côté duquel des tracts dans un berceau de bébé apparaissent tout à fait triviaux, alors que dans cette trivialité apparente, il y avait un réel danger.
J'ai vraiment eu un sentiment de culpabilité quand j'ai creusé le sujet d'avoir eu de l'admiration pour les grandes figures de la résistance, et d'avoir occulté tous les anonymes. Ce sujet me touche sincèrement, et j'ai mal supporté l'injustice de ma mémoire.
Zyghna a écrit :Enfin, je ne me permettrais jamais de juger les actes de cette époque. Parce que oui les Résistants sont glorifiés parce qu'ils étaient du côté des vainqueurs.
Je ne me permettrais pas de juger non plus, ni de faire des liens automatiques. Il y a une histoire qui m'a particulièrement touchée d'une jeune résistante lyonnaise qui a été arrêtée fin août 1944 par la Gestapo, et enfermée à Montluc. A cette période, les nazis se savaient condamnés en ce que les alliés progressaient sur le territoire français, et ils ont voulu "liquider" le plus de résistants possibles (à Lyon). Ces prisonniers étaient appelés les "Sans bagage", car lorsqu'on les appelait et que leur nom était suivi du terme "sans bagage", cela signifiait qu'ils allaient se faire exécuter du côté de Saint Genis Laval. Cette jeune fille a été appelée et au moment de monter dans le camion, un milicien français (un collabo) l'a reconnue, l'a faite sortir du camion, l'a mise dans un autre véhicule, et ce véhicule l'a déposée dans le centre de Lyon, et est reparti.
De la Résistance, ce que je retiens le plus, c'est moins la victoire, que leurs actions, parfois drôles (le boycott du concert d'un Orchestre Philharmonique Berlinois à Lyon, où les résistants ont acheté le plus de places qu'ils ont pu, pour que la salle soit vide le jour venu), et leur volonté (le mouvement de Résistance Chrétien a mis en place, à partir de 1943, des cours clandestins de science politique, d'histoire, d'administration, etc., pour pouvoir préparer et faire participer les résistants à ce qui serait la France d'après-guerre). J'aime l'idéal auquel ils ont cru et qu'ils ont voulu mettre en place.
Zyghna a écrit :Bref, tout est question d'interprétation.
Et de sensibilité
Et c'est peut-être cela qui vient biaiser ma vision des choses, ou n'en appréhender qu'une partie au lieu du tout : l'histoire de la Résistance me prend vraiment aux tripes.