Préambule
Comme j’ai choisi un titre un peu ironique et légèrement abscons, je vais préciser le sujet et le contenu de la question.
Je signale tout de suite pour éviter d’éventuels malentendus qu’en ce qui me concerne, la réponse serait plutôt la troisième hypothèse (avec une touche de la première tout de même dans la mesure où certains films que j’ai pu voir sont très médiocres).
Par ailleurs, je masque mes avis personnels détaillés pour alléger le message et permettre de voter sans avoir à subir ma prose.
Quoi qu'il en soit, les films de l’Univers Marvel constituent un corpus de cinéma de divertissement populaire à la fois très vaste (32 films et une trentaine de séries sortis à l’heure actuelle) et très intéressant par son histoire, ses thématiques, sa structure et ses interprètes.
Un peu d’histoire
La franchise a débuté en 2008 avec
Iron Man et s’inspire librement des comics publiés par Stan Lee et Jack Kirby dans les années 40. Outre les personnages, elle leur emprunte l’idée du « multivers », c’est-à-dire un ensemble d’univers spatio-temporellement éloignés mais connectés les uns aux autres de diverses façons, en sorte que le matériau narratif et psychologique puisse circuler entre les mondes ainsi reliés et les amener à fonctionner en interdépendance, c’est-à-dire à s’influencer mutuellement.
Le thème des univers multiples et des distorsions spatio-temporelles qu’ils permettent est une des bases essentielles de la Science-Fiction au moins depuis H.-G. Wells ; mais les auteurs de Marvel, dans les BD puis dans les films et les séries, se les sont appropriés de façon originale et particulièrement efficace. L’ensemble de la franchise est, pour le moment, réparti en deux « Sagas » (terminologie intéressante en elle-même mais je ne m’y attarderai pas pour le moment) divisées chacune en trois « phases » : la
Saga de l’Infini et la Saga du
Multivers.
Cinéma ou attraction ?
En 2019, Martin Scorsese a jeté un pavé dans la mare en donnant au
New-York Times un entretien où il affirmait que les films du MCU ne relevaient pas du cinéma mais du parc d’attraction. C’est une opinion quelque peu polémique -elle a suscité son lot de répliques indignées- mais intéressante : selon Scorsese, les films ne proposent au public qu’un divertissement bénin, une expérience sensorielle et ludique, construite autour de la répétition mécanique d’intrigues stéréotypées, dépourvue de profondeur narrative, de complexité psychologique et de mystère. « Rien n’y est en danger », déclarait-il notamment, une condamnation sans appel de la part d’un homme pour qui l’angoisse humaine face à l’instabilité du monde et aux multiples dangers qu’elle suscite, corporels, sociaux, moraux et métaphysiques, constitue la principale raison de filmer.
Alors, Scorsese dit-il vrai ?
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Eh bien, à mon avis de spectatrice moyenne et peu informée sur le sujet (j’ai vu une quinzaine de films et deux séries seulement) il s'est trompé : je pense qu’on peut assez facilement révoquer son point de vue, même sans avoir regardé beaucoup de films du MCU ni les apprécier particulièrement. Les arguments qu’on peut lui opposer sont multiples :
- le caractère potentiellement philosophique de toute narration construite sur des espaces-temps troublés, espaces-temps qui constituent la matière fondamentale des deux sagas,
-la richesse des thématiques familiales abordées (dans Thor, dans Black Panther ou dans la série Loki par exemple),
-les usages de références mythologiques, littéraires, cinématographiques et autres foisonnantes, d’Eschyle aux séries télévisées des années 50 en passant par Shakespeare,
- la complexité psychologique et les contradictions internes de nombreux personnages souvent mélancoliques (tout ce qui tourne autour de Hulk ou de l’idylle improbable et précaire entre Wanda et Vision, entre autres),
-le caractère angoissant et tragique de plusieurs arcs narratifs où le sentiment de danger constitue le moteur même de l'action, le plus frappant étant évidemment celui du démiurge géant Thanos, dieu de la Mort mettant en péril l’avenir des mondes mais rongé par l’amour douloureux de sa fille adoptive,
-les références géopolitiques malicieuses (le Wakanda et la Sokovie) et les nombreux échos que les films trouvent avec des problématiques actuelles, comme celle de l’écologie.
On pourrait prolonger la liste.
Et les navets dans tout ça ?
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On ne peut pas se le cacher, il y a évidemment de nombreux défauts au MCU : sans être à proprement parler des navets, beaucoup de films m’ont paru assez peu satisfaisants. Scorsese me semble avoir raison au moins sur un point, l’usage excessif de techniques narratives éculées : il y a trop de twists, trop de schémas sacrificiels, trop de trahisons et de remords, trop d’alternances rapides entre batailles grandioses et plaisanteries douteuses, trop d’explosions enfin pour que les deux sagas soient des chefs-d’œuvre, même dans leur propre champ, celui du divertissement grand public. Certains réalisateurs de talent s’y sont malheureusement embourbés, notamment Kenneth Branagh ou Chloé Zhao. Visuellement, c’est variable : il y a des plans magnifiques, notamment des vues de l’espace impressionnantes ou des paysages grandioses (le Wakanda est très réussi), une poésie visuelle parfois exquise (la ville mentale de Wanda Vision) mais l’excès d’effets spéciaux et de décors de synthèse est agressif pour les yeux, et la tendance à trop découper les scènes d’action les rend souvent peu lisibles ou ennuyeuses. La direction d’acteurs varie également beaucoup entre des réussites formidables (Tom Hiddleston en Loki) et des ratages à hurler de rire (je ne donne pas d’exemple par charité).
Bref, à boire et à manger mais pas de navets pour moi.
Des avis de votre côté ?
Le renard sait beaucoup de choses, le hérisson n’en sait qu’une grande. (Archiloque)