Au printemps des monstres de Philippe Jaenada.
Où il est question de Lucien Léger qui fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir étranglé le jeune Luc Taron, 11 ans, en 1964.
Premièrement, je ne vois pas comment on peut résister à un titre pareil. Il provient d'un des messages que "l'étrangleur" a envoyé pendant plusieurs mois aux médias et à la police française (je ne m'en souviens pas, je n'étais pas née) : "Je suis de la graine qui pousse au printemps des monstres. Mais si je pousse, c'est parce que mes racines sont dans le fumier de la société, dans laquelle vous aussi pataugez."
Deuxièmement, j'ai découvert Jaenada avec le grand public en 2017 pour
La Serpe (qui a reçu le prix Femina). Je me souviens de mon haussement de sourcil devant la description (à quelques pages du début) sur 3 pages de son état d'esprit en face du voyant rouge qui s'allume au tableau de bord de la voiture que Jaenada loue pour se rendre sur les lieux de son enquête (j'exagère à peine

). A ce moment, plusieurs réflexions surviennent : d'abord, que certaines personnes accordent une vraie importance à ce type de signal ; ensuite, que cet homme est probablement un peu obsessionnel ; troisièmement, que je dois choisir maintenant si j'accepte de suivre le cheminement digressif et exhaustif de sa pensée ou non. J'ai choisi de le suivre, et bien m'en a pris car j'ai passé 600 pages de plaisir dans ses méandres. Il y a chez Jaenada du Modiano (l'humour en plus) et du Perec (celui de
La Vie mode d'emploi, la poésie en moins). Depuis la lecture de
La Serpe, j'ai lu quelques autres romans, qui m'ont également plu. Je me les procure très facilement car ils sont régulièrement présents à la recyclerie Emmaus où je me fournis (tout près de chez moi).
Troisièmement,
Au printemps des monstres m'attendait dans une "boîte à livres", lieu éminemment recommandable que je fréquente régulièrement. La présence d'un chat noir sur la couverture n'a joué aucun rôle dans mon choix

. J'ai été intriguée par l'éditeur que je ne connaissais pas, Mialet-Barrault, maison fondée en 2020 par deux personnes expérimentées dans le monde de l'édition (
https://www.mialetbarrault.fr/la-maison/). Je me suis lancée dans la lecture, et je retrouve avec plaisir l'écriture de Jaenada qui, sous un ton neutre et journalistique, cache une finesse d'analyse psychologique et un humour pince sans rire. Les protagonistes prennent vie avec une épaisseur concrète, chaque détail conduisant à la découverte d'autres détails, chaque porte s'ouvre sur une autre porte, comme sur internet on peut ouvrir un infini de fenêtres. J'apprécie l'opiniâtreté de Jaenada à tracer un sillon, à avancer dans la direction qu'il a choisie et que je ne devine pas à l'avance, m'obligeant à cheminer à ses côtés et à avancer à une vitesse de fourmi. En résumé, une lecture que je recommande (aux patients)

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