Sur la question de départ (« est-ce bien sérieux ? »), si par sérieux on entend validité scientifique, alors je crois que tout a été dit. Pour ma part j’ai du mal à voir en quoi ça pourrait donner quelque-chose de crédible - sauf dans le cas d’un scientifique de la discipline qui tenterait de se prendre lui-même comme sujet d’étude : au moins saurait-il quelles erreurs et quels biais il devrait tenter d’éviter.
Sur l'idée selon laquelle on ne passerait pas une WAIS « par hasard » :
La psychologie est, par excellence, l'un des domaines pour lesquels je n'avais aucune attirance, et envers lesquels j'éprouvais, pour tout dire, une grande méfiance. Je ne risquais certes pas, de ce fait, de me lancer dans la lecture d'un livre « grand public » provenant d'un quelconque rayon de psychologie de la Fnac (à plus forte raison parce que dans ce type de librairie, ça voisine voire se confond avec le rayon de « développement personnel » ou autres appellations peu attrayantes), et encore moins du fameux ouvrage de JSF dont le titre seul, d'emblée, m'aurait immédiatement évoqué un risque de généralisation hâtive. On va dire que seule la prise de conscience de l'existence des notions de neurobiologie et d'éthologie avaient un peu commencé à m'inciter à porter un intérêt à ce qui peut bien se passer dans un cerveau.
Il y a quelques années, face à des difficultés se cristallisant dans le cadre professionnel, je me rends compte que je suis en train de suivre les traces, à peu de choses près, d'une personne qui se reconnaîtra peut-être et qui, pour sa part, avait fini par consulter. Du coup j'en arrive à me dire que l'avis d'une discipline au sujet de laquelle je suis particulièrement inculte ne pourrait pas me faire de mal, et qu'éventuellement j'apprendrais des choses. Le petit jeu des similarités avec le parcours de la personne susnommée et la persistance de quelques stéréotypes dont j'étais fatalement un peu au courant (vu qu'ils ont infusé dans la société), du genre facilités scolaires insolentes ou encore la fameuse « hypersensibilité », m'empêchent de conserver un regard totalement vierge sur la question de la douance, mais je pars du principe que je ne peux certainement pas dire quoique ce soit sur moi-même, et encore moins avec les outils d'une science dans laquelle ej suis tout particulièrement inculte. Voulant tant que faire se peut rester sceptique et méthodique, je prends rendez-vous avec une psychologue sans évoquer la question, je reste à la description la plus factuelle possible de mes difficultés présentes et la praticienne me pose en retour des questions dont certaines ne me semblent avoir aucun rapport. Elle m'indique la WAIS comme faisant partie de la batterie de tests la plus habituelle qui soit en toutes circonstances, et c'est parti – avec la dose irrépressible de mauvaise foi qui me taraude tout en me donnant mauvaise conscience : à ce stade, non seulement j'espère profondément qu'on me répondra « vous n'avez aucune particularité, contentez-vous de changer de contexte et de boulot » ; mais peut-être encore plus, j'espère que ça va donner un résultat tellement hétérogène que ça (me) prouvera que ça n'est pas très sérieux.
Et donc j'en sors avec un diagnostic, que par réaction de défense je prends initialement sur le ton de la plaisanterie, parce qu'il me dérange profondément et me donne l'impression de devenir « un cas pour la médecine ».
Je débarque ensuite ici en n'ayant absolument rien digéré, avec une inculture crasse en la matière (dans les premiers temps on m'avait même fait remarquer sur le tchat que j'avais un vocabulaire totalement désuet pour aborder les choses de la psychologie, j'en étais encore au dix-huitième siècle, en substance). Je ne dirai pas que depuis je m'intéresse vraiment à la question (et à la discipline toute entière), mais disons que la fréquentation du forum a fait rentrer ces considérations dans le champ de ma curiosité ordinaire (et que je suis donc un peu moins inculte).
Pour moi, la part de hasard là-dedans, c'est la survenue de difficultés personnelles à un moment donné, et le fait de connaître quelqu'un qui avait rencontré des difficultés assez similaires ; sans ça, je n'aurais pas même eu connaissance de ces histoires de diagnostic.
Une fois cette dimension acceptée (plus ou moins de bonne grâce), en revanche, c'était tout ou rien : diagnostic passé de manière rigoureuse dans le cadre des connaissances actuelles, ou pas de diagnostic. À cette période, le principe d'une « auto-évaluation » m'aurait été à la fois odieuse et absurde : comment peut-on envisager d'utiliser sur soi-même les mots et les critères d'une discipline qu'on ne connait pas ? Je n'y aurais vu que la porte ouverte à tous les biais de confirmation de l'univers, et en conséquence, en admettant que j'obtienne un résultat, il m'aurait semblé invérifiable et donc impossible à créditer de la moindre confiance que ce soit.
Avant je me fichais bien de savoir. Ensuite j'ai eu des soucis et il a fini par me sembler logique de vouloir comprendre ce qui m'échappait – et donc j'ai fini par vouloir savoir. Et une fois que je veux savoir, je ne vais certainement pas rajouter une angoisse de plus sous la forme de l'approximation.
Si à l'inverse j'avais découvert les gens qui composent ce forum « par hasard », j'aurais très bien pu ne jamais passer de tests, et rester ici sur le simple constat qu'il m'est plaisant et facile de discuter avec les gens (sur le mode : je ne sais pas trop ce que sont les surdoués sinon que j'ai plaisir à les fréquenter) et ça aurait suffi à mon bonheur. Sauf que le serpent se mord la queue puisque je n'aurais pas eu l'idée de chercher un forum de surdoués, et que cette seule dénomination à fondement psychologique aurait eu pour effet de m'éloigner.
Et si la difficulté avait été le financement de la consultation, je ne vois pas comment un « auto-diagnostic » aurait pu jouer un quelconque rôle de compensation, même partielle ; au contraire, il n'aurait alimenté que plus d'incertitude. Donc je n’aurais sans-doute rien entrepris du tout.