Débitage et assemblage du bois
Biber ça tombe
Les spécialistes vous le diront, il vaut mieux abattre un arbre lorsque la sève descend, c’est-à-dire de la fin de l’été à la fin de l’hiver mais surtout pas au printemps. Oui, car la toute grande plupart des utilisations du bois, depuis le chauffage jusqu’à la sculpture nécessite un bois sec. Or, la sève c’est essentiellement de l’eau (et des sels minéraux etc.) et l’eau ça mouille ! Donc si on peut éviter trop de sève c’est mieux et le bois sèchera plus vite. D’où la coupe à sève descendante ou hors-sève qui correspond à la période de repos végétatif. Mais ce n’est pas tout, les techniques ancestrales préconisent aussi une coupe à lune descendante. Coupé juste avant la nouvelle lune, le bois sèche plus vite, se fend moins, et est moins sujet aux champignons et autres moisissures. Vous n’y croyez pas ? Vous savez que c’est la lune (et le soleil) qui crée(nt) les marées, l’eau est attirée par les astres donc pourquoi pas l’eau qui est contenue dans les arbres ?
Une fois abattu, l’arbre doit être rapidement protégé des éléments et surélevé pour éviter un excès d’attaques fongiques et d’insectes.
Pour mieux comprendre la suite voici la structure d'un tronc d'arbre (en 2 versions,il y a des infos intéressantes sur les 2):
Structure-interne-dun-tronc-darbre.png
la structure de l'arbre.JPG
Petit rabougri
Un premier séchage du bois vert rapide est généralement opéré avant tout débit. Puis le débit grossier est effectué et viendra ensuite un deuxième séchage. Le premier séchage sert essentiellement lorsqu’on n’a pas pris garde de couper l’arbre à la bonne période. En le débitant tout de suite, l’arbre va relâcher une importante quantité de sève qui va inonder les appareils et machines.
Il y a plusieurs types de débits qui créent des planches et chevrons. Certains débits sont plus qualitatifs que d’autres. Cela s’explique par l’orientation de la planche par rapport au cœur de tronc. Le débit radial est le plus qualitatif, mais pour avoir moins de pertes, en pratique le débit moreau est utilisé. Notons que même avec une coupe en plot ou sur dosse, il y a toujours 1 ou 2 planches qui sont coupées de manière radiale.
débit du bois.JPG
Le débit choisi influence la perte de volume subie par le bois lors du séchage (dessiccation). Il est à noter que même lorsque le bois est sec, la modification de l’hygrométrie ambiante aura un impact sur le volume du bois qui peut gonfler ou rétrécir. Ce gonflement et rétrécissement se fait sur la largeur et sur l’épaisseur d’une planche, mais tellement peu sur sa longueur que généralement ce fait est ignoré.
On considère un bois comme sec lorsque son taux d’humidité s’équilibre autour de 12% à 20°C et 65% d’humidité de l’air.
Exemple : Un peuplier fraîchement abattu bois vert) possède une part d’eau de jusqu’à 220% de son poids sec. Donc fraîchement abattu il fera jusqu’à 320% de son poids et sec il fera 100% de son poids. La part d’eau d’un hêtre ou d’un chêne va jusqu’à 110% de son poids sec. La quantité d’eau contenue dans un arbre est relative à sa densité brute. Le peuplier fait partie des bois tendres avec sa densité r
0 = 0,52g/cm
3. Le bois dur est comme le hêtre (r
0 = 0,88g /cm
3) et le chêne (r
0 = 0,93g/cm
3) sont donc considérablement plus denses. L’eau se trouve en fait dans les espaces intercellulaires et les membranes cellulaires.
histologie feuillus.jpg
Histologie: structure cellulaire pour un arbre feuillu
structure du bois résineux- histologie.JPG
structure cellulaire pour un arbre résineux
Voici un petit comparatif du rétrécissement selon les espèces et le sens :
rétressissement des bois.JPG
Tout ceci explique que si on veut utiliser du bois pour un ouvrage qui n’est pas censé rétrécir après livraison il faudra travailler avec du bois sec. D’où le deuxième séchage. Celui-ci peut s’opérer naturellement ou alors en séchoir ventilé chauffé. Travailler avec un séchoir chauffé présente un avantage concernant la durée de l’opération. Il est difficile de dire dans l’absolu combien de temps un bois doit sécher parce que c’est dépendant de l’essence mais aussi de l’épaisseur des morceaux. Si j’ai une planche de 1,5 cm d’épaisseur ou de 8 cm d’épaisseur ce ne sera pas pareil. Et puis ci-dessus on a vu que la quantité d’eau contenue dans le bois vert est très variable. Ce qui est sûr, c’est que dans de bonnes conditions un séchage naturel durera plus longtemps qu’un séchage en séchoir (genre entre 200 et 20 fois plus longtemps) mais ce séchage plus lent est moins « stressant » pour le bois et il y a moins de tensions qui se forment (qui dit tensions dit fentes potentielles). Ce qui est sûr aussi c’est que lors du séchage, c’est d’abord l’eau capillaire (donc l’eau des interstices intercellulaires) qui s’évapore. Ce n’est qu’après que l’eau liée (l’eau des membranes cellulaires) s’évapore. Ce n’est que lorsque l’eau liée s’évapore que le bois rétrécit.
Le rétrécissement du bois entraîne un gauchissement. Selon le débit choisi le gauchissement est plus ou moins important. Pour contrecarrer le gauchissement il faut raboter les planches. Ce qui les aplanit à nouveau (mais en réalité c’est théorique parce que si l’hygrométrie change le bois bouge et se gauchira à nouveau).
gauchissement.jpg
On peut voir que surtout les planches qui ne sont pas coupées de manière radiale gauchissent.
rabotage du bois gauchi.jpg
Pour aplanir, la méthode est de raboter.
S’il est évident que l’ébénisterie, la marqueterie, la lutherie et la peinture sur support bois ont besoin de planches, cela peut sembler moins évident pour la sculpture. L’idée n’étant pas de « sortir une forme du bloc qui l’emprisonne » ? Oui, mais si on prend un bloc épais, les tensions créées lors du séchage par la différence de contraction du duramen (bois de cœur) et de l’aube (bois de périphérie) vont engendrer des fentes dans le bois. Pour beaucoup de sculpteurs ce n’est pas grave parce que la nature de leur œuvre accepte ce genre d’expression libre du bois. Mais ne parlez pas de ce genre de phénomène à un sculpteur qui travaille avec la technique ancestrale des sculpteurs baroques.
20181120_210432.jpg
Alors, une manière de contourner le problème (il en existe plusieurs) est de trouver comment faire un bloc avec plusieurs planches, qui elles sont plus fines, subissent moins de delta de déformation sur leur épaisseur et présentent donc moins de potentielles fentes. Pour cela la technique la plus fréquemment utilisée est le lamellé collé. C'est une technique dérivée du sciage, qui consiste en un aboutage de grande longueur de lamelles de bois sèches et rabotés ayant en général des caractéristiques mécaniques, hygrométriques, et une densité très proche.
Donc en gros, on commence par débiter l’arbre, on le sèche, puis on rabote les planches et on le remonte en lamellé collé. Fou ? Tordu ? Ben, je vous laisse juger…
bois lamellé collé.jpg
Bois lamellé collé
Danser, collé, serré… (comment c’est déjà dans la chanson ?)
Sinon assembler du bois est aussi extrêmement utile pour élargir des planches, créer des angles, ou allonger les planches. Je ne vais pas vous parler ici de techniques avec des clous ou des vis, uniquement la colle et le bois sont tolérés.
Voici quelques techniques principales (il y en a d’autres) :
Le collage à plat joint ou joints vifs : le plus simple des collages, on enduit les champs de la planche de colle, met les planches champs contre champs et on fait prendre la colle sous pression (serre-joint). Cet assemblage sert à créer des panneaux, donc élargir la surface, mais on pourrait aussi créer des angles avec cet assemblage.
Le collage en rainure et languette : dérivé du plat joint, les champs des planches sont travaillés avant assemblage pour créer un côté mâle : la languette et un côté femelle : la rainure. Par ce procédé, la surface de contact entre les deux planches augmente, donc la tension sur chaque cm² de l’assemblage descend et l’assemblage devient plus solide. Cet assemblage sert également à créer des panneaux, donc élargir la surface, mais on peut aussi créer des angles avec cet assemblage.
L’assemblage à tenons et mortaises est dérivé des rainures et languettes mais sert que pour créer des angles. Cela reste un emboîtement simple à mettre en œuvre, par rapport à l’illustration ci-dessous, il est aussi possible de créer 2 pièces femelles, donc 2 mortaises et 1 pièce qui s’enfoncera de part et d’autre qu’on appelle alors faux-tenon. Cet assemblage présente l’avantage qu’il est invisible de l’extérieur de la pièce, on a l’impression qu’il s’agit de joints vifs.
L’assemblage par tourillons est aussi dérivé du principe tenons et mortaises, mais comme pour le faux-tenon, les 2 morceaux de bois sont femelles et donc le tourillon est une pièce séparée. Mais contrairement au faux-tenon (rectangulaire) le tourillon est de forme cylindrique. C’est assemblage particulièrement facile à mettre en œuvre est aujourd’hui largement utilisé pour le montage de meubles en kits.
L’assemblage par enfourchement est aussi destiné à créer des angles et est aussi dérivé de la rainure et languette. La différence réside dans le fait que la partie femelle est creusée sur toute sa largeur, contrairement à la mortaise décrite ci-dessus. C’est un assemblage traditionnel simple pour créer des châssis. La surface de contact entre les 2 morceaux de bois est maximisée, par contre c’est un assemble visible.
L’assemblage en onglet, ou flottage, toujours destiné à créer des angles est un peu la version 2.0 de l’assemblage par enfourchement. Utilisé pour créer des châssis, notamment les châssis qui vont accueillir les toiles à peindre, leur avantage réside dans la coupe à onglet des pièces qui aide à maintenir les pièces à angle droit.
L’assemble à mi-bois : un des assemblages les plus simples, il sert à créer des croisillons, renforts de soutient etc. Les deux pièces sont creusées à mi-bois (en réalité on jouer sur la profondeur pour assembler des éléments d’épaisseur différente), puis assemblées avec de la colle.
L’assemblage en queue d’aronde, alors là, on commence à vraiment faire appel au savoir-faire de l’artisan. La queue d’aronde est une sorte de tenon dont la forme n’est pas rectangulaire mais en forme de queue d’oiseau, donc trapézoïdale. Il faut alors évidement que la partie femelle soit adapté, dans le cas d’un angle ce n’est pas seulement une empreinte négative à plat, il faut prendre en compte la tridimensionnalité de la chose. Cet assemble reste néanmoins visible de l’extérieur. Une astuce pour contourner ce fait est alors de tailler les parties mâles et femelles que jusque à mi-bois, on peut même pousser le vice pour tailler le reste du bois en onglet.
assemblages.jpg
Les différents assemblages
Joinery-halfblinddovetail.gif
assemblage en demi-queue d'aronde
Exemples:
tenon-mortaise.jpg
Assemblage en tenon et mortaises
Chassis de peinture.JPG
Assemblage d'un châssis pour peinture en onglet.
coffre Michel Meurisse.JPG
Assemblage en queue d'aronde (coffre par Michel Meurisse)
J'ai bien envie de vous parler des différents types de colle, mais ce sera pour un autre jour ou carrément un autre sujet.
PS: maintenant que je vous ai donné un peu de grain à moudre, les épisodes seront un petit peu plus espacés

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Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.