Le Larousse me dit : "Action de mettre à la portée du plus grand nombre, des non-spécialistes des connaissances techniques et scientifiques."
Je trouve cette définition assez juste, j'en ferai donc la base de mon raisonnement et de mes réflexions.
Lorsqu'on apprend une science (et ce n'est pas valable qu'en science), les concepts sont expliqués les uns après les autres. Avant d'introduire les espaces vectoriels en mathématique, il faut apprendre ce qu'est un nombre, ce que sont les opérateurs mathématiques simples comme l'addition et la soustraction, ce qu'est une fonction, etc. Avec cet apprentissage des concepts vient un apprentissage du jargon scientifique approprié, qui permet d'accéder très rapidement et sans confusion à des concepts très pointus. Ce sujet mériterait un fil dédié.
Pour des vulgarisations pointues, transmettre l'intégralité des concepts ayant permis d'arriver à ce degré de connaissance et du jargon qui s'y applique est impossible. Le travail du vulgarisateur est donc d'utiliser des mots compréhensibles, des concepts simples et accessibles. Vulgariser, c'est donc bien sûr d'abord reformuler.
Ceci se fait, bien sûr, au prix d'une partie de l'information initiale. C'est comme si on créait des ponts, sortis de nulle part, vers des connaissances pointues.
Cette information reçue de manière lacunaire devrait, je trouve, être rajoutée à la définition initiale, car elle permet de différencier la vulgarisation de l'enseignement pur et simple, qui doit fournir les outils nécessaires à la compréhension de l'information en plus de l'information elle-même.
Il ne faut pas pour autant confondre vulgarisation et connaissances empiriques, car alors on a bien le côté lacunaire de l'information (on sait ce qui se passe, mais pas comment), et cette connaissance peut être transmise à un non-expert. La nuance vient peut-être de la part du fait que l'information est alors transmise en totalité, mais je ne me risquerai pas plus loin...
Les limites de la vulgarisation me semblent floues. Si on en reste à la définition du début, une vulgarisation peut certes porter sur des sujets pointus comme la physique quantique ou le fonctionnement du cerveau, mais elle peut aussi porter sur des sujets plus simples. Par exemple, vous savez qu'il ne faut pas regarder le soleil directement parce qu'il va vous brûler la rétine. Vous ne connaissez pas forcément, en revanche, le mécanisme précis qui grille le fonctionnement de vos cellules.
S'agit-il alors encore de vulgarisation ? Une connaissance a bien été mise à la portée du plus grand nombre...
Vulgariser permet à une population non-experte d'accéder à des connaissances d'experts. Même si cette connaissance n'est que partielle, elle peut avoir des utilisations directes dans la vie quotidienne, notamment pour des questions techniques. Par exemple, savoir que l'eau salée se transforme en glace à une température plus faible que l'eau pure permet de comprendre comment fonctionne le salage des routes (et pourquoi ça ne marche plus en-dessous d'une certaine température), même si on n'a pas accès aux calculs qui permettent de connaître précisément la température de fusion de l'eau.
Accéder à des connaissances vulgarisées permet aussi de satisfaire un certain besoin de connaissance, de compléter sa culture générale, d'avoir l'impression de connaître plein de choses, etc.
Quels sont les risques de la vulgarisation ?
Pour moi, une mauvaise vulgarisation est avant tout une vulgarisation qui n'est pas vraie sur le plan scientifique. C'est le cas pour beaucoup (la plupart ?) des articles publiés dans des journaux dont le but n'est pas, justement, la vulgarisation (et même certains dont c'est le but...). On avait, par exemple sur ce forum, le cas de cet article, mais le phénomène est vraiment omniprésent (les erreurs sont souvent peu conséquentes, heureusement). Le danger, c'est alors bien sûr que ça mène à la désinformation.
Une mauvaise vulgarisation peut aussi être orientée. Dans ce cas, soit l'information est erronée, soit elle n'est que partielle (c'est particulièrement facile à faire pour la vulgarisation, vu que le lecteur (l'auditeur ? Le visionneur ? Le récepteur ?) n'a, par définition, accès qu'à une partie de l'information). Dans ce cas, la désinformation sert une cause (je vous renvoie sur cette vidéo et sur celle-là, toutes les vidéos de cette chaîne sont très bien, mangez-en).
Enfin, pour illustrer le dernier risque, je vais prendre un exemple explosif : celui de la manipulation génétique.
Le grand public, en Europe, en a une image très négative. Il pense que les OGM sont dangereux, parce qu'on ne connaît pas leurs conséquences, parce qu'ils sont poisons, parce qu'ils transmettent le cancer. Il condamne le clonage en avançant par exemple qu'il peut mener à la création de nouveaux organismes dangereux.
Certains de ces arguments sont faux, ou valables uniquement dans des contextes très spécifiques. Par exemple, peu de gens sont au courant que le clonage n'a rien à voir avec la création génétique de toute pièce, puisqu'il s'agit alors uniquement de la création d'individus ayant le même génome. Les clones sont très répandus dans la nature, puisque la plupart des plantes utilisent (mais pas exclusivement) le clonage pour se répliquer, et que même nous autres humains sommes capables de produire de vrais jumeaux, qui sont des clones. De même, certains OGM auraient très bien pu apparaître naturellement sans intervention de l'homme, celui-ci ne faisant qu'accélérer le processus naturel.
Attention, ceci n'est pas un plaidoyer pour le génie génétique. Il existe des critiques fondées du "grand public" contre ces pratiques, et d'autres critiques plus pointues sont soulevées par la communauté scientifique. Cependant, cela montre bien qu'une mauvaise vulgarisation, et que la désinformation en général, peuvent avoir des conséquences importantes dans la prise de décisions et l'opinion générale, et impacter des domaines aussi variés que ceux de l'éthique, de la santé ou de la recherche fondamentale.
J'ai eu beaucoup de mal à trouver des documents critiques sur le sujet. La page Wikipedia française m'a bien donné quelques idées, mais elle renvoie sur une version de l'Encyclopedia Universalis à laquelle je n'ai pas accès. Le reste n'est qu'une synthèse de mes propres réflexions sur le sujet, je ne pourrai donc pas vous fournir plus de sources.
Le sujet est très large, mais ses différents points me semblent intrinsèquement imbriqués, c'est pourquoi je n'en ai fait qu'un seul.
Je voulais m'excuser pour le côté très "exposé". Je ne voyais pas comment lancer le débat sans contextualiser un concept aussi large, ni donner mon point de vue sur le sujet.
Qu'est-ce que c'est, pour vous, la vulgarisation ?
Qu'est-ce qu'une bonne vulgarisation ? Quels sont les risques d'une vulgarisation mal menée ?
En quoi êtes-vous en désaccord avec moi ? Que que voudriez-vous rajouter ?
Au plaisir de vous lire
