Dans les paragraphes qui suivent je me base essentiellement sur Molecular and Cellular Mechanisms of Sperm-Oocyte Interactions Opinions Relative to in Vitro Fertilization (IVF) (Mécanismes Cellulaires des Interactions Spermatozoïde-Ovocyte, Opinions Relatives à la Fécondation In Vitro), qui est la review la plus récente publiée sur le sujet. Toutefois, il n'est pas question d'aller aussi loin dans le détail que l'article le fait ; la multiplicité des molécules impliquées serait tout à fait indigeste. Je me contenterais donc d'une présentation simplifiée des dernières étapes qui aboutissent à la fécondation.

Une fois que le spermatozoïde a traversé l'ensemble des voies génitales féminines, il rencontre l'ovocyte qui est entouré par la zone pellucide et le cumulus oophorus (qui se sont formés au niveau folliculaire, et sont toujours présents après ovulation). La zone pellucide est un maillage protéique qui entoure la membrane de l'ovocyte, et le cumulus oophorus est une couronne de cellules provenant du follicule.
Le spermatozoïde doit donc traverser ces deux couches « protectrices » avant d'atteindre l'ovule. Pour cela, il est équipé d'enzymes qui lui permettent de détruire les liens entre les cellules du cumulus oophorus et le maillage de la zone pellucide. Les enzymes qui détruisent la zone pellucide sont emmagasinées dans la tête du spermatozoïde, dans une poche appelée acrosome. La libération des enzymes de l'acrosome est un one shot, une fois libérés le spermatozoïde ne pourra pas réutiliser les enzymes contenus dans l'acrosome. Une fois en contact avec l'ovocyte, il faut encore que les protéines membranaires des deux gamètes entrent en contact (se reconnaissent) et déclenchent la fusion des membranes (ce qui réalise ainsi la fécondation). L'ovule déclenche alors la réaction corticale qui le verrouille et empêche qu'un autre spermatozoïde le féconde.
L'ensemble de ces processus permet d'expliquer pourquoi le premier spermatozoïde arrivé là où se trouve l'ovocyte ne le féconde pas forcément. Tous les spermatozoïdes ne traversent pas le cumulus oophorus et la zone pellucide. De plus, on pense que la libération des enzymes de l'acrosome d'un seul spermatozoïde ne suffit pas à traverser la zone pellucide. Il faudrait donc que les protéines de la zone pellucide soient déjà en partie digérées par quelques spermatozoïdes avant qu'un autre puisse la traverser et féconder l'ovocyte.
Ainsi, je défendais cette position, dans laquelle l'ovocyte n'a aucun mécanisme qui permet de sélectionner un spermatozoïde sur un critère quelconque . En revanche dans ce modèle, le spermatozoïde qui féconde l'ovocyte est sélectionné par une suite d'événements aléatoires qui lui permettent de traverser les obstacles le séparant de l'ovocyte.
La position selon laquelle l'ovocyte trouve plusieurs justifications. Elle se base sur la constatation que le premier spermatozoïde atteignant l'ovocyte ne le féconde pas toujours. Pour certains, il s'agit d'un mécanisme qui sélectionne le spermatozoïde pour choisir le meilleur matériel génétique. Ce qui ne tient pas, d'une part par le fait que des maladies génétiques ont tout de même été identifiées, d'autre part parce que ce genre de mécanisme aurait tendance à diminuer le brassage génétique (qui est entre autres un des mécanismes de l'évolution). Pour d'autres, il s'agit d'une preuve idéologique, montrant que l'ovocyte n'est pas passif et par extension que la femme n'est pas passive non plus. A mon avis, associé l'idée de la femme, ou de l'homme, à une cellule qui n'est pas douée de conscience est bien pire que le machisme dans l'histoire du chevalier allant secourir la princesse prisonnière de sa tour. De plus, il y a de bien meilleurs arguments pour appuyer l'importance de l'ovocyte : son verrouillage après la réaction corticale, le rôle déterminant de l'ADN mitochondriale maternel, etc.
Lors de la conversation sur le chat, il a également été soulevé le cas de la polyspermie (quand plusieurs spermatozoïdes fécondent le même ovocyte). Dans ce cas, le cas général est la mort de l'embryon (c'est ce qui est présenté dans la review). Toutefois, en considérant la possibilité qu'un des deux noyaux spermatiques soit conservé, il est possible d'imaginer qu'un autre mécanisme aléatoire entre en jeu (le plus proche du noyau de l'ovocyte est conservé, ou alors il s'agit du premier à être pris en charge par le cytosquelette de l'ovocyte).