Je parle du coaching enseigné à l'université. L'université des Sciences de l'Education. Le coaching est une discipline d'accompagnement éducatif pour les professionnels des Sciences de l'Education. Éduquer, c'est instruire et accompagner. L'instructeur est en posture de sachant, l'accompagnateur en posture de non sachant. Accompagner, c'est marcher à coté de l'autre dans sa propre recherche de sens et être un ami critique, une ressource sur laquelle l'autre peut s'appuyer pour penser autrement. Il n'est pas question d'être mieux, on ne peut pas prévoir d'avance les résultats. Mais il s'agit de devenir autre, en accueillant la surprise. Et ce changement, seul l'accompagné peut l'évaluer, de façon individuelle et unique. Et rien ni personne ne peut prévoir d'avance ce qui va se passer. Comme quand on éduque un enfant. Si on respecte son humanité, on sait qu'on est là pour qu'il puisse inventer sa vie mais qu'on n'a pas le contrôle dessus.
Les autres coachs sont essentiellement (pas tous) formés dans des formations privées où on leur apprend à répondre aux besoins de l'entreprise : rendre les employés plus performants, plus communicants, moins autoritaires, moins bordéliques, .... bref où on pense en terme d'objectif à atteindre et d'évolution (être plus ceci et moins cela, même si ce n'est pas formulé comme çà...), le tout évalué par des grilles échelonnées (que le coaché, le coach et le commanditaire vont remplir et comparer). C'est ce qu'ils appellent changer. Changer ici relève du pilotage pour devenir plus conforme à un idéal de performance, il s'agit de croire que devenir autre, c'est être mieux et que ce mieux se voit sur la grille. Il n'est pas question de surprise, on sait ce que l'autre doit devenir d'avance. C'est du guidage en fait, puisque le coach sait vers quel objectif précis il doit conduire l'autre. Même s'il dit qu'il est non-sachant. Le coaché doit être capable de faire une présentation publique, point. Quoi qu'il se passe, le coach doit amener l'autre à ce point là. Et s'il sait où on va, alors il est sachant.
Et c'est en cela que c'est problématique et que selon comment on est formé, on a une vision complètement différente de ce métier. Faire croire qu'on est un non-sachant alors qu'il y a un objectif à atteindre, c'est pas compatible et on essaie de nous faire croire que oui...Si on est un non-sachant, un accompagnateur donc, on sait que c'est l'autre qui invente son chemin et qu'on n'a pas la moindre idée de là où on va. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'on va parler de tel thème et travailler autour de tel sujet. Et où arrivera-t-on après ? Ailleurs, c'est tout ce qu'on peut dire. Il sera ailleurs et en cela il aura changé. Mais on ne fait pas croire aux gens qu'ils sont parfaitement libres d'aller seuls là où l'entreprise a déjà choisi à leur place et pour cela se paye les services d'un guide déguisé en non-sachant. Parce que là, personne ne sait à quoi on joue, personne ne sait quelle est sa posture et ça commence à sentir mauvais...
Je ne sais pas si c'est plus clair comme ça :
Objectif à atteindre : guidage pour plus de conformité et de performance, posture d'expert et de sachant, coach formé pour répondre aux besoins de l'entreprise. Devrait s'appeler conseiller/expert en développement des compétences RH.
Visée et thème de travail : accompagnement, posture d'éducateur non-sachant, coach formé pour favoriser le changement de l'humain, la reliance, la création de plus d'humanité pour moins de souffrance au travail.
Ce sont en réalité deux métiers différents réunis sous une même terminologie.
Edit : j'avais pas vu le message de Cyrano...
Je comprends ton inquiétude. Alors, l'université des Sciences de l'Education forme des éducateurs, des intervenants sociaux, des cadres de santé, des formateurs, des ingénieurs de formation et des accompagnateurs (soit des coachs et consultants en ressources humaines).
Les Sciences de l’Education sont un ensemble de « pratiques sociales (qui ne se cantonnent pas à l’Education nationale) qui visent à obtenir plus d’humanité, par l’instruction d’abord (la transmission de la culture) et par l’aide au développement des potentiels de l’éduqué, pour davantage d’autonomie, de fonction critique, d’émancipation. » (Michel Vial, Conférence : « Penser le complexe », en pdf sur internet)
Alors, éduquer, ce n'est pas seulement dire aux autres ce qu'ils doivent faire. C'est une partie de l'éducation : instruire. Mais l'accompagnement, ce n'est pas dire aux autres ce qu'ils doivent faire. (Il n'est donc pas question de prendre le pouvoir sur la vie de quelqu'un.) C'est l'autre partie de l'éducation, mettre en place un processus permettant à l'éduqué de se relier au groupe, de créer du sens autrement, etc...
Une petite conférence d'un prof de Sciences de l'Education qui parle de tout ça, de la différence entre guidage et accompagnement. Et puis sur la relation d'aide et de soin, ça permet de faire les distinctions nécessaires entre tous ces postures.
http://www.michelvial.com/boite_06_10/2 ... Suisse.pdf
"Porter la liberté est la seule charge qui redresse bien le dos." Patrick Chamoiseau