Que dire de plus ? J'ai repris le post et essayé d'en tirer quelques têtes de chapitre, pistes d'envol pour vos posts... à titre stimulatif, indicatif et non du tout limitatif, bien sûrandrex65 a écrit : Comment te parler de mon expérience? La chronologie peut-être? L'avant, le pendant et l'après.
Les points importants de l'avant sont les causes et les signaux précurseurs.
Je diviserais les causes en deux catégories. Les causes extérieures, l'environnement professionnel principalement, et les causes intrinsèques, celles liées à la personnalité du sujet, sa sensibilité et les tensions plus ou moins grandes qui l'habitent, sa capacité d'apporter des réponses satisfaisantes à certaines situations.
Les signaux précurseurs sont importants, leurs détections permettraient d'anticiper une réaction avant qu'il ne soit trop tard, avant que l'on soit engagé trop loin dans la spirale destructrice qu'est le burn-out, car alors la logique de ces étapes est très difficile à contrer.
Ils sont nombreux, Mise sous pression accrue qui rend la réalisation de son travail plus difficile, accroissement du temps qu'on y consacre, diminution progressive des capacités intellectuelles d'où difficulté de réaction, perte de l'équilibre entre vie privée et activité professionnelle, rejet et blocage progressif des émotions, refus des échappatoires que sont les moments de bien-être.
Ce point est important car il est, à mon sens, un des signaux les plus clairs qui signale que s'il n'est pas trop tard, il est temps de réagir. Pratiquement, on refuse de manière répétée les invitations à faire ce qui d'habitude nous plaît et nous détend. J'adore lire, suis passionné de cinéma, apprécie les longues ballades en forêt, les bons restaurants, plein de choses en fait. Dans les mois qui ont précédé le crash, je n'ai plus pris un livre en main, mis les pieds dans une salle, terminé un film à la maison... malgré les sollicitations de ma compagne et de mon entourage.
Ensuite viennent l'irritabilité et les colères, la fatigue, les troubles du sommeil, l'épuisement.
Je me rappelle avoir dit à mon compagne sept mois avant la rupture que je n'en pouvais plus, que j'allais imploser. Elle m'a proposé des solutions, des plus simples-, se faire plaisir, renouer avec nos moments de détente,- aux plus radicales, arrêter ce travail qui "me dévorait". Je les ai toutes rejetées. Ce refus des solutions et des alternatives semble être une constante dans les symptômes "avancés".
Le pendant.
Pour qualifier le burn-out, j'ai parlé de crash et de rupture. Cela traduit je pense la brutalité soudaine des premiers moments, qui envoient littéralement au tapis, et la violence de ceux qui suivent.
Le "pendant" est très dur à vivre, à la limite du soutenable par moment. De toutes les pathologies mentales, le burn-out est celle qui a le taux de morbidité le plus élevé, je peux comprendre pourquoi. Elle est aussi celle qui provoque le plus d'incapacité permanente, plus de 30% des cas,
Il y a la fatigue intense, l'absence presque totale de sommeil, la perte des capacités intellectuelles. Je parlerais de "zombification" de l'individu. Lorsqu'on arrive à se lever, on traîne les pieds, abruti. Et on espère alors qu'il n'y ait pas un fan de "The Walking Dead" ou un joueur d'Evil Dead qui passe par là, pendant que l'on se rend au café du commerce discuter longuement et passionnément de la rupture entre Garou et Lorie (c'est pas bien ce qu'il a fait)![]()
Surtout, il y a la douleur. Terrible et intense par moment, lancinante, inexplicable.
Là où je vis, une clinique universitaire dispose d'un département pluridisciplinaire spécialisé dans la diagnostic et le traitement du burn-out.
Après deux entretiens avec un psychiatre, j'y ai passé une batterie de test. Nombreux et divers questionnaires psychologiques bien sur, examens physiologiques aussi. EEG, prise de sang, l'état de burn-out est caractérisé par des marqueurs spécifiques (important car ils le distinguent de la dépression), stress musculaire, quelques autres encore.
Le verdict est tombé, sans appel. Burn-out très sévère, 7 sur 8 sur l'échelle X (je ne me rappelle plus le nom, le rapport est dans une caisse,, je suis en plein déménagement), j'ai basculé à 8 sur 8 ensuite, souffrance ressentie très importante, pas d'état dépressif. C'est déjà ça...![]()
Cela peut paraître étonnant, mais ce diagnostic a eu, dans un premier temps, des aspects rassurants. La maladie était définie, et je savais dès lors contre quoi je devrais me battre.
La chronologie.
La rupture date de décembre 2010, le premier contact avec cette clinique a eu lieu à la mi-janvier pour un rendez-vous à la mi-février. Suite à cet entretien, le psychiatre a rapidement retenu le burn-out comme cause probable de mon état, s'est inquiété de quelques points, suicide et risque d'AVC, J'ai passé les tests fin avril, reçu le diagnostic début mai. Rencontre avec un psychologue ensuite qui m'informe que les solutions thérapeutiques intensives, un ou deux modules de thérapies cognitivo-comportementales en petit groupe, 8 ou 12 heures par semaines pendant 4 mois, débuteraient fin septembre. Plusieurs personnes me vantent leurs qualités et leurs résultats, j'en espère beaucoup et attends avec impatience la fin de l'été.
Entre temps, on me propose des entretiens individuels auxquels je me rends sagement.
Première désillusion, il s'agit de séances de psychanalyse. Bien avant la lecture de Onfray ou du "Black Book de la psychanalyse", je n'ai pas encore lu Bénesteau, j'ai toujours considéré cette discipline comme l'une des plus grandes supercheries intellectuelles du 20ième siècle. Ces lectures ont renforcé mon opinion... Malgré le désappointement, je continue ces séances quelques semaines, jusqu'à ce que mon psychologue/psychanalyste, également responsable des thérapies de groupe, m'annonce que le nombre de places est très limité, 14 à 16 places en deux groupes, que le nombre de demandes est très important, une centaine, et enfin, que mon profil ne correspond pas et sera un obstacle à l'homogénéité du groupe...
Deuxième désillusion. L'espoir d'une solution s'envole, et je me retrouve un peu seul et un peu con, huit mois après, toujours à l'état de zombie.
J'ai fait alors la seule chose qui restait possible. Me secouer et me prendre en main. Avec une certaine urgence liée à ma situation professionnelle, mes clients n'attendraient pas éternellement mon retour, et une urgence plus criante encore, je ne me sentais pas capable de continuer ainsi longtemps encore.
J'ai dans un premier temps retrouvé le sommeil. Pour y parvenir, un léger somnifère pendant trois mois.
J'ai également, honte sur moi, pratiqué des exercices de relaxation à base de plantes vertes prohibées. Je ne le conseille dès lors pas, même si cela m'a temporairement aidé à lâcher prise. Enfin, ce n'est pas mon truc, et j'ai arrêté ces exercices assez rapidement (trois mois environ).
Parallèlement, j'ai lu et relu toute la littérature scientifique que j'avais accumulée (je conseille les publications du Docteur Philippe Corten).
J'ai confronté les causes et les effets du burn-out à mon histoire générale et à ma situation professionnelle, sans complaisance ou culpabilité, afin de mieux comprendre comment j'en étais arrivé là, et surtout essayer de dégager quelques solutions.
La première a été de m'obliger à reprendre très progressivement les activités que j'appréciais, afin de réactiver des mécanismes de bien-être, et de retrouver ainsi un minimum d'équilibre. Au départ, cela fut un vrai "forçage".
J'ai abandonné l'idée d'urgence professionnelle, et la pression qu'elle induisait, et accepter l'idée que "cela prendrait le temps qu'il faudrait". Choix difficile mais indispensable et logique.
Enfin, j'ai laissé revivre mes émotions, une petite engueulade avec Madame par exemple (humour) afin de combattre "l'appétence émotionnelle" qui est une des caractéristiques du burn-out (Corten parle de "communication grillée" des émotions).
L'après.
Une certitude, il vient très progressivement, et il ne faut surtout pas le brusquer.
Petit à petit, la douleur s'est effacée, mon neurone a recommencé à fonctionner, lentement d'abord mais cela rassure quand même, et j'ai retrouvé un certain équilibre dans ma vie et mes émotions.
Mon travail se décompose en deux grandes étapes.
La première est analytique, et repose sur l'observation, la déduction, une certaine expérience et parfois l'intuition.
La seconde est principalement décisionnelle et stratégique. Des décision rapides plusieurs fois par jour, dont l'appréciation de la justesse est immédiate. La pression liée à cette partie lui est donc inhérente et assez forte. Enfin, certaines émotions, principalement la peur et l'espoir, doivent impérativement être exclues.
Dans un premier temps, 13 mois après le crash, je me suis donc concentré sur la partie analytique.
Dur... je ne "lisais" et ne comprenais plus rien. Terrible constat, avec un "est-ce définitif" un poil angoissant. Surtout, après quelques heures, les symptômes réapparaissaient, alors que je travaillais sans aucune pression. Trop tôt.
Un oeil distant pendant deux mois, et je m'y suis remis. Et cette fois cela a fonctionné. Quelques jours de travail, et j'ai senti que j'étais dans le bon. Une fois terminée, j'ai pris le risque d'envoyer mon analyse à mes clients, et en publication. Elle s'est avérée juste. Cela m'a fait un bien fou. Je n'étais pas cuit, j'avais retrouvé mon "ciboulot", j'avais réussi.
Le retour au décisionnel a demandé plusieurs mois encore, la pression devenant très vite trop forte. Cela s'est donc fait très doucement, étape par étape.
Aujourd'hui, j'ai adapté mon travail, modifié mon approche afin de réduire la pression, que je n'encaisse plus aussi bien qu'avant.
Je ménage ma monture avec rigueur. Horaires stricts, finis les marathons; séparation vie privée/professionnelle avec coupure obligatoire du courant lorsque je quitte mon bureau (plus facile à dire qu'à faire parfois, mais je m'y oblige). Réactivation de mes loisirs, au point que je m'expatrie bientôt afin de retrouver mon éternel amour de jeunesse, la Méditérranée.
La résilience et la douance dans tout cela?
La résilience, "cette capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit d’une adversité qui comporte normalement le risque grave d’une issue négative (Boris Cyrulnik)", résultant d'une enfance chahutée, donne au résilient la croyance qu'il peut surmonter n'importe quel obstacle. Ce "Merveilleux Malheur", livre que je conseille, m'a beaucoup aidé dans cette situation.
La douance est à la base de mon travail, et m'a aidé, je pense, dans des conditions difficiles à une introspection "constructive" qui a conduit à la mise en place de solutions efficaces.
Voilà LuluPoudre... une réponse bien longue à laquelle j'espère tu trouveras quelques intérêts.
Je te souhaite une très bonne journée.
- Avant : causes extérieures à repérer et à essayer d’éliminer pour éviter que ça arrive/s’aggrave ; facteurs intrinsèques (associés à ou) favorisant la survenue de BO (ça veut pas dire Biarritz Olympique !) ; signes précurseurs (prenez vous en charge, si…)
- Pendant : brutalité, manifestations à la phase « d’état », échelle d’intensité, risques, prise en charge (comment, par qui)
- Après : comment on se rend compte qu’on est vraiment « après », le retour à la vie, les « solutions durables » (non chimiques par exemple)
- mediagraphie (?) : lectures & videos conseillées
- douance et burn-out : quelles caractéristiques fréquentes/absentes chez les HP favorisent le BO ; quelles caractéristiques fréquentes/absentes chez les HP devraient aider à prévenir ou traiter le BO...
J'ai fait un peu de teasing en signalant ce post aux membres retrouvés par la recherche du terme... héhéhé...
