Visiblement, les anglo-saxons n'hésitent pas à créer des graduations dans la douance et ils disent qu'une personne avec un QI de 160 est autant en décalage par rapport à une personne à 130 de QI que celle-ci par rapport à la population moyenne. On parle de THQI à partir de 145 sur échelle de Wechsler tout en supposant un seuil à ce chiffre qui serait dû à la rareté de ces personnes. Dans le groupe des surdoués, les THQI sont représentés à la même fréquence que les surdoués dans la population moyenne.
Toute la réflexion sur la douance repose sur la rareté statistique et le principe qu'à partir de deux écarts type, il y a des différences non seulement quantitatives mais aussi, voire peut-être surtout, qualitatives. Il faut donc s'attendre à de nouvelles différences pour les THQI. Mais lesquelles?
Et c'est là que les choses se compliquent: vu le petit nombre, on manque de données et le gros des études dont on dispose vient des US et porte sur des enfants. En plus, l'échantillon de référence de la WAIS IV est assez réduit, ce test risque donc d'être peu pertinent aux extrémités de la courbe de Gauss. Si j'ai bien compris, c'est pourtant le seul test disponible en Français qui a en plus l'inconvénient de plafonner à 150 pour les adultes. Ce n'est donc pas le test qui donnera des indications quant à ses spécificités de fonctionnement à un adulte au plafond. L'échelle de Wechsler pour enfants s'arrête à 160, ce qui ne change pas grande chose à ce problème si ce n'est déplacer la zone de non-savoir de 10 points.
Se pose ensuite le problème que les études concernant les enfants et adolescents ne peuvent donner que des pistes de réflexion pour les adultes français THQI car j'imagine qu'on est très peu nombreux à avoir été dépisté enfant et encore moins nombreux à avoir été encadré d'une façon adaptée.
Je pense qu'on peut s'accorder pour dire que la douance est avant tout une façon d'être dans le monde sur trois grandes lignes, à savoir plus de pensées, plus de sensations, plus d'émotions, le tout visible en imagerie médicale sous forme d'une activité neurologique atypique. La différence se situerait alors surtout dans l'intensité du vécu, qu'il soit intellectuel, sensoriel ou émotionnel. Donc s'il y a un nouveau seuil vers 145, ça devrait être cette intensité qui aurait encore pris une autre qualité.
De cette façon, on pourrait aussi expliquer le contraste étonnant que j'ai constaté dans certains témoignages entre une très grande vulnérabilité d'une part et une force énorme pour s'en sortir de l'autre.
Par contre, les descriptions des caractéristiques que j'ai pu lire ne me paraissent pas très concluant, quand on les regarde une à une, quasiment tout le monde peut s'y reconnaitre. On parle beaucoup de solitude p.ex. mais de toute évidence ce ne sont ni les THQI ni les surdoués qui en ont le monopole. A moins que là encore, la différence se situe dans l'intensité du vécu ou du ressenti de la solitude.
Sans vouloir verser dans le catastrophisme, je pense que la rareté des THQI peut être la source d'un certain nombre d'écueils, notamment pour ce qui est de la construction de l'image de soi. En l'absence de personnes qui fonctionnent de la même façon, cette construction doit être difficile car elle se fait pour une bonne partie par la comparaison avec les autres. J'imagine donc le risque d'une image de soi bancale, incomplète, si elle s'est faite à partir de comparaisons erronées, surtout si la personne n'était pas au courant de sa différence.
Ensuite, il y a quelques remarques dans le livre de Monique de Kermadec qui m'ont parlé énormément. Surtout quand elle évoque l'hostilité rencontrée par les surdoués et ses conséquences. Et cette hostilité est un principe de fonctionnement naturel des groupes d'animaux de nombreuses espèces où des membres différents, sortant de la normale, sont perçus comme dangereux et donc agressés. C'est donc une expérience quasiment inévitable et d'autant plus fréquente que l'on s'éloigne de la norme. Un THQI devrait donc rencontrer de l'hostilité encore plus souvent et ceci sans que ni lui ni ses agresseurs ne comprennent forcément les raisons qui la déclenchent. Il lui faudra alors trouver une stratégie pour se protéger qui sera différente selon le tempérament de la personne.
Voilà pour l'état actuel de mes réflexions (du moins la partie que je suis capable de coucher sur écran
