![]() | Message de la jardinerie : Nous avons ouvert ce fil à partir des derniers messages du fil Présidentielle 2022, dont ils s'étaient éloignés. Il part de la réflexion de Fugace sur ce thème et nous avons choisi de laisser s'exprimer sa vision et pensons qu'il y a la place pour d'autres points de vue et d'autres opinions, dans le cadre d'un débat d'idées et non de personnes. Nous rappelons qu'en général et particulièrement pour tout sujet potentiellement polémique, il est important de prendre le temps de la réflexion et de la relecture avant de poster, qu'un ton mesuré et le respect des autres sont attendus et que les lieux communs, caricatures et autres amalgames sont à éviter. | ||
Je ne suis pas intervenue dans ce fil à titre personnel et n'avais pas l'intention de le faire ; je me suis détournée de la chose politique depuis longtemps et pour différentes raisons, qui ne se résument pas à la lassitude assez couramment exprimée face à l'échiquier politique et au fonctionnement corrompu (pas ici au sens du délit mais de la déréliction) d'un système qui se veut pourtant démocratique et représentatif des opinions de la population, ce en quoi on pourrait le juger bon - voire meilleur qu'un autre.Fugace a écrit : Ainsi, j'aimerais parler de la notion "d'aimer son pays", c'est quelque chose dont j'ai pu souffrir au cours de ma vie. Comme je le disais, dans ma famille ça n'a pas été gratuit d'avoir le droit d'aimer la France, plusieurs de mes aïeux ont payé pour avoir ce droit, ça n'a pas été gratuit. Mais nous avons fait l'effort initial et c'est une chose à laquelle je tiens, un héritage précieux. Et j'ai été frappé toute ma vie de voir une sorte de tabou autour de cette notion, à ma connaissance et dans mes souvenirs aucune personnalité publique (véritablement aucune, ou quasiment) n'a jamais exprimé un quelconque amour pour la France, en tous cas dans les médias. C'est un phénomène très rare. Et jusqu'aux attentats de 2015 il était, de la même façon, presque impossible de voir un drapeau français quelque part en dehors des stades de foots et bâtiments officiels. Lorsque Ségolène Royal a mis des drapeaux dans ses meetings de campagne en 2007 je me souviens parfaitement du tollé médiatique que cela avait provoqué. Depuis les attentats, les drapeaux sont finalement revenus un peu partout et la situation s'est légèrement déverrouillée.
Pourtant nous parlons d'amour ici, de ressentir et d'exprimer un sentiment d'amour. C'est censément un sentiment positif, important dans une vie humaine. Et aimer ne veut pas dire haïr automatiquement en retour. De la même façon que d'aimer ses parents ne veut pas dire détester tous les autres parents de la terre. Cela veut seulement dire éprouver de l'amour pour ses propres parents et pour moi, aimer son pays revient au même principe. Ca ne déclenche pas nécessairement la haine des autres pays, cela veut seulement dire éprouver de l'amour pour le sien.
Si je reviens par exemple sur l'histoire de la Commune, les communards aimaient leur ville, leurs quartiers, leurs rues, leurs voisins, leurs histoires aux uns et aux autres et s'ils se sont battus c'est avant tout pour être heureux là où ils étaient. C'est un sentiment que je trouve assez prégnant en lisant les différents récits de l'époque, de Vallès en particulier. Les communards éprouvaient de l'amour pour l'endroit où ils étaient, un amour profond.
Donc, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ce tabou existe/a existé en France, si l'un d'entre vous a des idées à ce sujet... Ou éventuellement quelqu'un estimant que cette notion n'est pas souhaitable, qui aurait la gentillesse de m'expliquer pourquoi, de son point de vue.
La question de l'humanité, de son fonctionnement et de son évolution m'intéresse pourtant ; ainsi que la réflexion sur les notions de progrès, de tradition, de culture, mais tout ceci reste très largement un vaste amas de questionnements personnels, sans guère de référence à des écoles de pensée et donc sans grand fondement.
J'ai lu les derniers posts de Fugace avec curiosité, parce que j'y ai trouvé une vision du monde que je ne partage pas et que je me suis demandé comment on arrivait à cette vision-là. Et pourtant nous avons des éléments communs :
représente effectivement mon idéal pour l'humanité - un idéal humain donc, pas politique : je ne le lie à aucun courant ni aucune pensée politiques. L'absence de spiritualité dans le monde occidental ("cartésien") m'interroge aussi, parce qu'il me semblait que la spiritualité était intrinsèque à l'humain, c'est-à-dire non pas la religion mais le sentiment et la recherche d'un lien entre nous et plus grand que nous (la nature, le cosmos), ce qui a dans presque toutes les sociétés donné lieu à des figures anthropomorphisées de ce "plus grand que nous" (les dieux).l'atteinte d'un état (lointain, très lointain) où chacun agit pour le bien commun sans aucune raison
Il y a aussi des points qui me sont étrangers, notamment l'amour pour un pays, et la notion de devoir quelque chose à son pays. Je n'éprouve pas cela, je ne peux pas dire que j'aime mon pays, ni que j'en aime un autre (ou une entité à un niveau supérieur qui viendrait prendre la place de ce pays dans mon cœur, comme l'Europe). J'aime les paysages dans lesquels je vis - ça tombe bien - mais j'aime bien d'autres paysages à bien d'autres endroits, et c'est le seul domaine auquel je peux appliquer ce verbe "aimer" en parlant de pays ou de régions. Je ne lui dois rien non plus, à ce pays : j'y suis née comme je serais née ailleurs, c'est l'environnement dans lequel je vis et je lui suis redevable de mes impôts, en échange des besoins auxquels il subvient ou contribue (mon cadre de vie, les possibilités qui me sont offertes dans le domaine éducatif ou social et médical).
Je ne comprends pas non plus ce que signifie "le droit d'aimer la France". Le droit d'y vivre et d'y trouver une place, oui ; mais aimer, c'est un sentiment, ce n'est pas lié à un droit ou à une interdiction : on aime ou on n'aime pas. Au-delà, ça me semble compliqué et source d'erreurs de raisonnement, parce que le rapport que l'on a avec le pays dans lequel on vit est alors fondé sur l'émotionnel, sur les sentiments. Ce qui fait concevoir une relation comme on en aurait avec une personne, avec des projections, des attentes, des déceptions, des jalousies, des rancunes. Il me semble qu'on n'est pas sur un plan approprié pour envisager la chose politique si on se place dans ce paradigme des émotions, et d'un sentiment - en appelant un autre en retour.
Il me semble en revanche incorrect parce que réducteur de mettre en parallèle - et en opposition au profit de la France - la France et l'Allemagne dans le paragraphe sur le nationalisme : la France a peut-être "produit" tout ce que tu cites, mais elle a bel et bien aussi "produit" du fascisme, des fascistes. Réciproquement, il ne me semble pas raisonnable et intellectuellement justifiable de réduire l'Allemagne des années Trente, ou le nationalisme allemand, à l'émergence du nazisme. Et je ne crois pas qu'il faille assimiler un pays, ou une nation (terme qui n'a pour moi pas plus de correspondance interne qu'aimer son pays mais que j'utilise dans cette définition, qui me semble être celle dans laquelle tu l'emploies :
Dans l'évocation des immigrés qui feraient l'effort d'assimilation, opposés à ceux qui ne le feraient pas, ainsi que sur la phrase "La France n'assimile plus", ma vision est différente aussi, et contraire à la tienne quand on la rapproche de ce que tu disais à propos de l'erreur de logique que représente "[le retour] d'une religion traditionnelle dans notre société" - à moins que je n'aie pas compris où se situe l'erreur de logique. Il me semble justement que la présence d'une religion traditionnelle parmi les immigrés de l'époque de ton arrière-grand-mère a pu être un facteur d'intégration dans la société française. Italiens, Espagnols, Polonais : ils étaient catholiques comme la majorité de la population française, encore largement pratiquante à l'époque. Aller à la messe le dimanche et envoyer ses enfants au catéchisme, ça facilite l'intégration, l'acceptation par les autres : on a bien quelque chose en commun, une culture très largement basée sur une religion, même quand l'État se proclame laïc. Il me semble que réciproquement, la proximité religieuse et culturelle (et linguistique le cas échéant) est un avantage pour les émigrants de l'aire arabo-musulmane qui s'installent dans un autre pays de la même aire (tout cela étant à nuancer, bien sûr, de même que l'intégration des immigrés en France selon leur pays d'origine intra-Europe).
Et donc comment savoir, dans les vagues d'immigration du début du siècle en France, ce qui est à mettre au compte de la volonté d'intégration et ce qui est lié à cette proximité cultu(r)elle ? Sans parler de la structure industrielle complètement différente de celle d'aujourd'hui ? Des différences moins grandes dans le niveau d'éducation (celui des immigrants par rapport aux locaux mais aussi celui demandé pour trouver un emploi) ? Tout cela aussi influence, je pense, ces phénomènes. Et donc, "pas tellement compliqué[e], l'assimilation", je ne crois pas qu'on puisse l'affirmer aujourd'hui (mais probablement qu'hier non plus) - ceci sans même aborder la question de la notion d'assimilation, qui nous mènerait encore plus loin.
Pour finir, je voudrais dire aussi que je trouve très lapidaires et orientées (vers la xénophobie) certaines de tes formules et de tes références ("Chez nous le nationalisme ça donne les congés payés, pas les camps de la mort. " ; "Surtout, je me pose la question de savoir pourquoi les nouveaux immigrés sont dispensés des efforts que les autres ont fait." ; et la vidéo que tu mets en lien ainsi que la phrase que tu en mets en exergue "on est pas des allemands, merde !"), et que ça me laisse un drôle d'arrière-goût dans la bouche.
Je ne sais pas s'il s'agit de raccourcis de ta part, ou de provocation (mais pourquoi ?) ou de nomadisme dans la recherche de ta propre pensée politique, mais ça me laisse très dubitative, et je trouve que ça ne correspond pas vraiment avec d'autres de tes principes tels que j'avais cru les comprendre.
Par ailleurs, on est très loin du débat sur les présidentielles, là... On part plutôt sur le nationalisme, ça fera donc deux sujets à ouvrir.
