Fish a écrit : ↑sam. 26 mars 2022 08:59Tout le monde est unique. Il n'y a pas des individus plus différents que d'autres. En revanche, il y a des individus tout à fait à l'aise avec ça, et d'autres qui ont besoin de le revendiquer, de l'affirmer haut et fort. Ceux-là ne sont pas plus différents, mais ils sont encore mal à l'aise avec leur unicité. Le réflexe, dans ce cas, consiste à accuser le monde entier d'être responsable de notre incapacité à nous affirmer.
L'affirmation de soi, de son unicité, est un processus qui se réalise en principe à l'adolescence. C'est pourquoi les films "young adult" (Divergente, Hunger Games, Labyrinthe, Twilight...) se basent sur cette idée du "nous, un petit groupe restreint d'individus éclairés, contre eux, tous les autres clones". L'étape suivante consiste à reconnaître que les "clones" sont en fait composés d'individus uniques.
L'idée qu'il y a des individus globalement plus différents que d'autres me semble une preuve d'immaturité: on est resté bloqué à la première étape, l'affirmation de soi, qu'on n'a toujours pas réussi à passer. Si on se conforte dans cette idée, on ne risque pas d'évoluer. C'est bien ce qu'on reproche à cette tendance fréquente des gens qui se découvrent surdoués et qui en concluent de facto "ah! c'était donc ça, ça explique tous mes maux, c'est pas moi le problème, c'est les autres". On ne risque pas de s'affirmer avec une telle attitude. Il faut accepter que le problème, c'est d'abord nous-même. Et aussi contradictoire que ça puisse paraître, ça passe par un regain d'égo: oser s'affirmer.
C'est comme si on opposait ici deux formes d'égo, l'une négative, l'autre positive:
- en négatif: je suis plus intelligent que les autres moutons, je suis unique et il ne me comprennent pas.
- en positif: j'ai le droit d'être unique, j'ai le droit de faire mes propres choix, et c'est bien ce que font "ceux qui vont bien".
Dans un livre qui parle du flow, j'ai trouvé cet extrait qui propose qu'il y a deux mouvements opposés, la différenciation et l'intégration, sans faire de la différenciation une lubie d'adolescents :
L'expérience optimale rend le soi plus complexe, et c'est alors qu'il se développe. La complexité résulte de deux processus psychiques : la différenciation, qui implique un mouvement vers l'unicité en se distinguant d'autrui, et l'intégration, son opposé, qui implique l'union à d'autres gens, à d'autres idées et à d'autres entités au-delà de soi. Un soi complexe réussit à combiner ces deux tendances opposées. La différenciation s'explique par le succès dans l'affrontement des défis, ce qui rend la personne plus capable, plus efficace, plus habile et unique. L'intégration permet l'harmonieux ajustement des parties, antécédent et conséquence des grandes réalisations. Dans l'expérience optimale, l'individu devient plus complexe, il se sent donc unique et en même temps "plus ensemble" non seulement intérieurement, mais aussi dans ses rapports avec les autres.
Le terme
unique est complètement galvaudé dans cet échange. C'est difficile de trouver de la cohérence ou de la rationalité si on tord le sens du mot à ce point, à mon humble avis.
Préciser unique en quoi aiderait peut-être. Si chacun est unique parce que les gens ne sont pas des clones et qu'ils ont une existence propre (les clones aussi quand on y pense ^^), ils sont uniques tout comme chaque haricot d'un sachet de haricots est unique ; cela dit quelque chose sur le fait qu'ils existent et qu'ils sont dénombrables, mais pas tellement plus. Si pointer des particularités n'est pas un drame, il est possible de dire que tout le monde n'est pas un cas à part. Répéter que tout le monde est unique a pour but de masquer quelle réalité, en vrai ? Les politiciens qui répètent sans varier des éléments de langage visent un but, quel est donc le but ici de répéter cette vérité universelle à la fois toujours vraie et toujours fausse ?
"Tout le monde est unique" a bien un sens, mais d'un point de vue subjectiviste. Si on veut penser plus largement que par l'expérience directe qui dit que chaque rencontre est extraordinaire, particulière, grande en enseignements... , on distingue ce qui peut l'être, au besoin, plutôt que de rester stupéfait que chacun soit différent (ce qui, en dehors du subjectivisme, n'a plus aucun sens).
Pascalita a écrit : ↑ven. 25 mars 2022 21:13Si nous sommes tous différents, nous sommes tous pareils : pareils dans cette différence.
Les différences ne sont pas de même degré ni les mêmes, car ce sont des différences. Nous sommes tous différents, d'accord, tous de façon singulière (car personne n'a exactement le même dosage de différences en tout genre), d'accord également, sauf que les différences sont différentes, donc nous ne sommes pas tous pareils, ni pareils vis-à-vis des différences (la quantité ou la sorte d'atypismes qui nous sont dévolus par le sort).
Le point commun de tous, c'est d'avoir des différences (en reprenant ton adage). Tout ramener à ce point commun qu'est la présence de différences pour en venir au constat que tout le monde est pareil dans son bagage de différences, c'est, à mon sens, illogique.
Si on distingue schématiquement les différences potentiellement impactantes pour l'intégration dans la société et les différences qui, de ce point de vue, sont anodines, une personne qui "collectionnerait" le premier type de différences en un ou plusieurs exemplaires risquerait plus de se sentir à l'écart de groupes "bien intégrés" auxquels une autre personne peu impactée par le premier type de différences va adhérer plus naturellement, a priori.
Enfin, je l'embrouille un peu à force. J'essaie de nuancer votre sentence toute faite. Tout est pareil = tout est différent.
InMedio a écrit : ↑sam. 26 mars 2022 09:44l'équilibre cosmique qui veille à ce qu'il n'y ait personne de dépourvu en talents ou en quelques avantages que ce soit pour compenser afin que tout le monde puisse se rassurer d'être tout aussi unique, original...
En lieu et place d'un équilibre cosmique j'invoque la théorie de l'évolution qui ne veille à rien du tout puisque qu'elle n'a pas d'intention.
Difficile de trouver un cadre qui justifie une absence totale de talent chez un individu [...]
La citation est trompeuse. Le vrai passage :
Cobb a écrit : ↑sam. 26 mars 2022 01:06Si c'est tellement vrai que tout le monde est unique, pourquoi le préciser dès qu'on parle de différences potentiellement valorisantes ? Est-ce que c'est si vrai que ça, d'ailleurs ?*
Est-ce qu'il existe un équilibre cosmique qui veille à ce qu'il n'y ait personne de dépourvu en talents ou en quelques avantages que ce soit pour compenser afin que tout le monde puisse se rassurer d'être tout aussi unique, original... ?
Il s'agit d'une question et en plus elle n'est pas à prendre au premier degré

C'est du mauvais esprit.
GraineDeNana a écrit : ↑sam. 26 mars 2022 10:20Et si l'on veut revenir à des personnes plus ordinaires, chaque personne est un assemblage de tant de constituants (génétiques, sociaux, physiologiques, culturels, émotionnels, traumatiques...) qu'elle est unique dans sa manière d'interagir et de se présenter au monde. Même si certaines personnes nous ennuient profondément (je ressens cela assez souvent) car nous les trouvons prévisibles, ordinaires, ...que sais-je, c'est parce que nous ne considérons d'elles qu'une infime partie de leur personne, nous les réduisons à la part interactive qui nous concerne.
Tout le monde, sous un certain angle, a une existence édifiante ?
