Voilà un moment déjà que je pense à la possibilité de vous parler en couleurs

L’idée est de regarder d’où viennent les couleurs, quelles sont les possibilités pour colorer quelque chose etc. N'hésitez surtout pas à mettre votre grain de sel, à commenter, préciser, dire ce qui vous passe par la tête dans ce fil

Avec ce que j’ai en tête je pense qu’il va y avoir plusieurs épisodes à cette saga et je vais commencer par :
Pourquoi voyons-nous (enfin certains d’entre nous) des couleurs autour de nous ?
L’œil
Alors dans la question ci-dessus il y a la question de la production de couleur et celle de la captation.
La captation se produit au niveau de l’œil et ensuite l’information est traitée par le cerveaux. Je dois admettre que je ne suis pas spécialiste de l’œil loin de là ! Néanmoins, voici la base :
La rétine de l’œil (humain) est couverte de cellules photoréceptrices, donc des cellules qui réagissent à la lumière.
Parmi ces cellules on distingue les cônes et les bâtonnets, les bâtonnets captent l’intensité lumineuse, bref des niveaux de gris et les cônes captent les couleurs, il y a trois types de cônes pour capter les différentes couleurs (plus exactement ils captent des longueurs d’ondes différentes). Ces informations d’intensité et de couleurs sont ensuite transmises, pour décodage, au cerveaux par le nerf optique.
(Alors il y a plein de raisons pour lesquelles certaines personnes de voient pas toutes les couleurs ou ne distinguent pas très bien les couleurs lorsque l’intensité de lumière est faible, je parle ici notamment du daltonisme. En fait il y a plusieurs types de daltonismes selon les couleurs encore perçues et je ne vais pas m’attarder sur le sujet
La lumière
En réalité, ce que capte notre œil c’est de la lumière, or la lumière est une onde électromagnétique. Chaque onde a une longueur d’onde (la distance qui sépare deux oscillations de l'onde) et donc une fréquence (le nombre d’oscillations en une seconde).
C’est la longueur d’onde qui d’une manière générale donne le type d’onde électromagnétique (rayon gamma, rayon X, lumière, onde radio…), en particulier, la longueur d’onde de la lumière donne sa teinte - la couleur de la lumière. En regardant le schéma, on remarque qu’il n’y a pas de blanc dans le spectre de la lumière visible, ni de noir d’ailleurs. Pour le noir, on peut rapidement comprendre qu’il s’agit d’absence de lumière. Pour le blanc, la lumière est bien présente - complètement présente en fait. Comme le montre l’expérience du prisme (vous vous souvenez de l’album de Pink Floyd ?

Dispersive Prism Illustration by Spigget
Spigget, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
Pourquoi est-ce que l’orange est-t-elle orange ?
Comme le dit le dicton : « la nuit tous les chats sont gris », la nuit, l’orange est grise (les bâtonnets qui perçoivent les niveaux de gris sont plus sensibles que les cônes qui ont besoin de plus de lumière pour fonctionner et permettre de voir la couleur), l’orange peut aussi être carrément noire en l’absence totale de lumière. Donc la couleur d’un objet est liée à la présence de lumière. Se dégagent alors deux possibilités, soit l’objet émet lui-même de la lumière (bioluminescence, bois qui brûle, ampoule, écran etc.) ou alors l’objet n’en émet pas.
Dans le cas d’un objet qui émet de la lumière, la longueur d’onde ou les longueurs d’ondes émises vont directement « titiller » l’œil pour créer la sensation colorée.
Mais l’orange n’émet pas de lumière. Donc, on ne la voit que s’il y a une source de lumière extérieure, par exemple le soleil ou une lumière artificielle. Typiquement, la lumière ambiante (les ondes de cette lumière) frappe l’orange (aïe !) et une partie de cette lumière est absorbée, pendant qu’une autre partie est réfléchie. Les parties absorbées et réfléchies dépendent de leur longueur d’ondes, donc autrement dit de leur couleur. L’orange absorbe toutes les couleurs sauf l’orange, la lumière avec la longueur d’onde correspondant à l’orange est réfléchi par le fruit, ce qui permet à l’œil du spectateur de la capter et donc de percevoir le fruit comme étant orange.
Oui mais qu’est ce qui fait que l’orange ne réfléchit que la lumière orange ?
Les pigments
Les pigments sont des particules qui donnent la couleur aux objets. Dans le cas de l’orange, c’est le carotène (et oui comme la carotte, pas de jaloux on partage les pigments
Comme pour l’orange, il existe donc des pigments naturels, mais aussi des pigments artificiels et dans les pigments naturels, il faut distinguer les pigments organiques (végétaux, animaux) des pigments minéraux.
Pigments végétaux
Parmi les pigments végétaux très répandus, citons d’abord la chlorophylle qui donne leur couleur verte aux feuilles d’arbre par exemple, et qui est un pigment photosynthétique au même titre que le carotène.
Pour être plus précise, il n’existe pas qu’une chlorophylle mais plutôt 4 molécules distinctes qui font toutes partie de cette famille.
Il existe aussi plusieurs types de caroténoïdes, les carotènes (comme le bêta-carotène mais pas uniquement) et les xanthophylles (là aussi plusieurs pigments) ceux-ci donnent une couleur plus souvent jaune qu’orange, comme pour le maïs ou la fleur du pissenlit.
Les anthocyanes sont aussi des pigments végétaux très répandus, de couleur entre le rouge (clair) et le bleu profond, cette famille de pigments est présente pour teinter la peau de l’aubergine ou encore les mûres et myrtilles.
Les flavonoïdes, eux, sont une famille de pigments avec une gamme de couleur très large, quasiment tout le spectre visible, du rouge au violet. La couleur de chaque pigment dépend de sa structure chimique exacte mais aussi de l’acidité relative de son milieu. Les pigments de cette famille sont présents dans les raisins ou les pommes mais aussi dans l’aubépine par exemple.
Notons que souvent les végétaux comportent naturellement plusieurs colorants, la couleur que nous percevons est donc un mélange des effets de ces pigments, certains étant présents en plus forte quantité ou ayant un pouvoir colorant supérieur, prendront le dessus dans la perception finale.
A cet égard, on peut donner l’exemple des feuilles d’arbre, tels que celles du chêne, de l’orme ou du tilleul. Au printemps et en été, ces feuilles sont vertes car la chlorophylle présente en quantité donne une teinte verte. C’est à l’automne que se révèlent les autres pigments naturellement présents dans les feuilles. Comme évoqué plus haut, la chlorophylle est un pigment photosynthétique, c’est-à-dire qu’il résulte de la photosynthèse. Le processus chimique qui a lieu pendant la photosynthèse a besoin de la sève de l’arbre, de l’air et du soleil (pour faire simple), or pendant l’automne, pour les arbres à feuilles caduques, ce processus s’arrête c’est le sommeil végétatif de l’arbre. Du coup la quantité de chlorophylle dans les feuilles diminue et la couleur verte laisse place aux couleurs produites par les autres colorants présents. Les couleurs orangées venant des caroténoïdes et les couleurs rouges ou pourpres des anthocyanes. Le brun provient des tanins qui sont les plus lents (très très lents) à se dégrader. Pigments animaux
Les pigments d’origines animales sont moins nombreux que les pigments végétaux. La gamme de couleurs est donc réduite. Il y a du rouge, celui-ci provient des cochenilles.

Porphyrophora hamelii, female
Vahe Martirosyan, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
Depuis l’antiquité jusqu’au moyen-âge, le pourpre était tiré des d’une glande du Murex qui est un mollusque. Chaque mollusque ne contient qu’une infime quantité du colorant, ainsi pour un gramme de pigment pur, il faudra entre 8000 et 12000 individus. On comprend pourquoi c’était la couleur royale !
Il y a dans les tons brun - noir selon la dilution, l’encre de seiche - appelée sépia et qui sert de colorant depuis des siècles.
Après il y a pas mal de pigments noirs tirés du résultat de la calcination notamment des bois de cervidés, d’ivoire ou d’os. Chacun des pigments possédant des reflets (roux, jaunâtre, brun) qui lui sont propre.
Pigments minéraux
Il existe énormément de pigments naturels issus de minéraux, on distingue généralement les tons terreux : l’ocre, la terre d’ombre, la terre de Sienne ect des tons provenant de roches plus dures comme l’azurite (bleu azur), le lapis-lazuli (bleu outremer), l’ardoise (gris-bleu), l’antimoine (jaune) etc. Mais aussi les oxydes de fer (rouge-brun) ou le cuivre (vert).

Lapis lazuli (lazuritic metamorphite) (Sar-e-Sang Deposit, Sakhi Formation, Precambrian, 2.4-2.7 Ga (?); Sar-e-Sang Mining District, Hindu-Kush Mountains, Afghanistan) 9 (49166803286)
James St. John, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons
Les pigments artificiels
Certains pigments sont produits par synthèse depuis l’Antiquité, comme le bleu égyptien ou le vermillon, mais l’âge d’or des pigments synthétiques commence au XIXe siècle. Avec l’industrialisation et plus spécifiquement l’essor de l’industrie chimique, la production de pigments de synthèse a explosé soit pour créer une alternative meilleur marché que le pigment naturel (comme le bleu Guimet pour replacer le lapis-lazuli) soit pour créer de nouvelles teintes comme le jaune Hansa.
Utilisation des pigments
Que ce soit pour des besoins industriels ou pour l’art, les pigments sont utilisés de 3 manières différentes. La distinction se fait selon l’endroit où le pigment se trouve après utilisation, en quelque sorte son degré d’invasion de la matière.
Ils peuvent se trouver dans un liant liquide ou pâteux comme c’est le cas pour les peintures. Dans ce cas, après utilisation, les pigments se trouvent à la surface de l’objet sur lequel ils ont été appliqués, on peut par exemple penser à la couche de vernis appliqué à une voiture.
Ils peuvent être transférés au cœur d’un matériau par trempage de celui-ci, par exemple on trempe un tissu dans un liquide coloré, le colorant entre dans le tissu et vient se placer autour des fibres qui constituent chaque fil du tissu. Le pigment migre donc profondément dans la matière et y reste logé, cependant, au microscope, on peut voir que le pigment enrobe les fibres mais n’est pas chimiquement lié à la structure de celles-ci.
La troisième manière est d’intégrer le pigment à la masse d’un matériaux en fusionnant réellement celui-ci chimiquement avec son environnement. C’est par exemple le cas pour des matériaux plastiques teintés dans la masse ou pour le verre de couleur.
Sans un prochain épisode je pense évoquer comment la couleur est produite sur les écrans (donc en rayonnement lumineux direct) et puis aussi ce qu’on appelle la théorie des couleurs, donc comment ça se passe pour distinguer les couleurs et prévoir le résultat d’un mélange.