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Une clairière presque au milieu de la forêt la plus sombre de la Terre du Milieu, la nuit est claire et fraîche, et les Nazguls dont les chevaux étaient fatigués faisaient presque tous une pause, sauf un qui était visiblement occupé à une discussion très sérieuse qui ferait, ils l’espéraient, avancer leur enquête qui, décidément, piétinait.
SAURON : Je te vois. Je lui ai dit “je te vois”, c’est tout. Ensuite il l’a enlevé et je ne le voyais plus, par la force des choses.
NAZGUL : D’accord patron, mais on n’a pas encore reçu les coordonnées GPS parce que ça capte mal dans la forêt. Ce qu’on aurait aimé avec les gars, c’est que vous lui ayez posé des questions sur, comme qui dirait, là où il se trouve.
Les autres Nazguls, encore juchés sur leurs noirs chevaux encore soufflants, en cercle au milieu d’une clairière, s’impatientent.
LES AUTRES : Écoute, faut lui dire au patron que…
NAZGUL : (aux autres, mettant sa main pour cacher) Oui, oui. (au patron) Patron, on sait bien que vous y tenez à votre bague -
SAURON : Anneau !
NAZGUL : … Votre anneau. Bon, mais ça fait un mois qu’on cherche, sans savoir où chercher d’ailleurs, et c’est pas évident : on ne peut approcher personne sans provoquer l’effroi chez les plus solides ou la crise cardiaque chez les plus fragiles. Alors on va du côté des plaines, des forêts, voir s’il serait pas comme qui dirait tombé dans un ruisseau ou un buisson… Oh, on a bien cherché ! Ça, les gars pourront vous le dire. On a mouillé les armures pour le retrouver votre anneau, mais rien. Rien du tout. Alors quand vous nous avez appelé pour nous dire que ce jeune hobbit, Fredon, l’avait passé à son doigt et que vous l’aviez rep-
SAURON : Frodon.
NAZGUL : Oui bah Fredon, Frodon, peut imp-
SAURON : PAS SUR CE TON AVEC MOI !
(silence gêné)
NAZGUL : Mes excuses, patron.
SAURON : Mon brave, je n’ai plus la force de ma jeunesse, mais tâchez de me montrer un peu de déférence tout de même. (il tousse) Et vous n’alliez quand même pas rentrer au Mordor sans mon Anneau quand je vous ai appelé, dites ?
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Non, ça ne va pas. Trop moderne.
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Battant la campagne depuis déjà une bonne semaine avec célérité, la sombre équipée des Nazguls était à la recherche de l’Anneau Unique de Sauron, leur Maître resté dans le Mordor car fort affaibli par la perte de cet artefact magique qui lui conférait toute sa puissance.
Un petit être mystérieux les suivait de loin en maugréant, mais gardait ses distances avec sagesse.
Personne ne s’approche des Nazguls, ce qui rendait leurs recherches difficiles car tout témoin fuyait en les voyant arriver au galop. À leur venue les talons se tournaient, les portes se fermaient, les tavernes se vidaient. Ces lourdes armures d’acier noir, forgées dans les profondeurs du Mordor, ces épées sans fourreaux ni éclat ne reflétaient ni la lumière, ni l’espoir de vivre après avoir connu leur contact froid, renfermaient non pas des corps, mais des âmes noires, rongées par l’idée de servir leur Maître à tout prix.
S’étant arrêtés dans une clairière pour que les chevaux se reposent et pour faire le point sur les recherches jusqu’ici infructueuses du groupe, les Nazguls, découragés, commençaient à penser à retourner au sombre Royaume du Mordor quand l’un d’entre eux fut interpelé par leur Maître Sauron, encore capable de
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Non, non, et non. C’est n’importe quoi. Bon, il faut se rendre à l’évidence, je n’ai pas de bonne idée, ce soir. Tant pis.
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Cher M. Baron Cohen,
Ayant beaucoup travaillé à l’écriture du scénario dont nous parlions jeudi dernier à la piscine, à savoir une version parodique du Seigneur des Anneaux dont la mise en scène serait centrée sur les Nazguls, ces chevaliers noirs au service de Sauron, le Seigneur du Mordor, que vous vouliez vous-même incarner vieillissant, aigri, et grabataire, presque impotent.
N’ayant pas pu produire dans le délai imposé par le calendrier de la production, je vous suggère de vous tourner vers un de mes collègues qui aura certainement plus d’inspiration que moi.
Avec tout le respect que je vous dois, si vous voulez mon avis ce film ne marchera pas. N’ayant pas de conviction dans la réussite de votre projet, je ne puis que vous recommander plus chaudement de vous tourner vers un confrère.
Dans l’espoir toutefois d’avoir le plaisir d’à nouveau travailler avec vous,
Bien à vous.