Intéressant ce concept du bore-out...
Avant toute chose, merci à tous ceux qui ont partagé, liens et documentation. Je ne savais pas non plus qu'on pouvait se faire diagnostiquer un BO ... je vais de ce pas chez mon généraliste.
A titre personnel, je pense m'écarter des grands schémas couramment décrits et je me reconnais un peu dans le concept du bore-out (@Dindon, j'espère avoir bien compris ce dont tu parles, cf les passages soulignés dans mon témoignage, sinon, c'est avec plaisir que je lirais tes corrections et ton nuançage).
Mon témoignage :
Actuellement, je suis en 2ème année de thèse en sciences de gestion.
En quelques années je suis passée :
- d'une vie trépidante d'élève-ingénieur surmenée par ses études et par une vie associative intense (avec des craquages de temps en temps, mais rien de bien méchant)
► Afficher le texte
- un stage industriel de fin d'études en Angleterre, dans une compagnie pharmaceutique, où je n'ai pas supporté d'être une stagiaire maternée en R&D, où j'allais au travail en pleurant tous les matins, en arrivant plus tard que la plupart des gens (cette période a bien duré 2-3 mois sur les 6)
Où j'ai d'ailleurs subi ma plus grosse désillusion sur ma vision de la R&D, en académie ou en compagnie pharmaceutique, sur ma volonté de poursuivre professionnellement dans ce secteur. Alors même que j'étais prête à entrer à Bac+5 sur le marché de l'emploi.
- un Master 2 recherche dans une discipline nouvelle pour moi (Sciences de Gestion, Management Public), où j'ai dû apprendre une nouvelle culture, comprendre de nouvelles attentes, où je devais acquérir un nouveau vocabulaire, apprendre à formuler mes idées de manière intelligible pour la discipline.
Niveau adrénaline, vide intersidéral. Je n'ai jamais eu autant de temps pour étudier, lire des choses et en même temps je ne me suis jamais sentie aussi seule, perdue et inutile. Pour survivre, j'ai du me remettre à l'associatif étudiant.
- à présent, en deuxième année de thèse, je viens de vivre (ou je vis actuellement) le craquage le plus intense qui soit.
Un an de travail pour n'avoir rien réussi à formuler d'intelligible (à l'écrit) pour ma directrice.
► Afficher le texte
Je travaille dans un paradigme particulier et encore en tâtonnement dans la discipline : constructivisme et complexité. Je suis sensée assumer mes idées et les orientations que je souhaite donner à ma recherche mais je ne sais pas dans quelle mesure ni comment je suis sensée le faire. Je cherche encore au bout d'un an à définir des problématiques pour ma recherche : j'ai malheureusement tendance à trop prendre les problèmes avec beaucoup (trop) de recul, sous des angles (trop) différents (de magnifiques diagonales). Je donne l'impression de tourner autour du pot. L'injonction contradictoire pour moi ? Apprendre à problématiser autrement. Ne plus réfléchir comme je le fais. Produire à contre-intuition, et devoir produire quelque chose d'abord pour commencer à y croire ensuite.
Echecs et espoirs sur échecs et espoirs. Un an et demi de doute sur mes capacités à produire quoi que ce soit d'utile pour la société, à m'insérer dans la vie active, à savoir vendre mes compétences. Le sentiment que
ma thèse ne servira finalement à personne, alors que c'est mon vœu le plus cher.
L'ennui profond de ne travailler que sur sa thèse, et toujours qu'en théorie sans confrontation au terrain. L'ennui profond d'être la seule personne de mon âge à travailler dans ce bureau, et de devoir me conformer à l'étiquette du savoir vivre en corps professoral d'école de management entre collèges de 30-35-40-50 ans, sans que ça puisse être naturel de ma part.
Alors, encore une fois, je me suis remise à l'associatif. Cette fois-ci avec beaucoup de regrets.

Quand les réunions s'enchaînent, j'envie ma colocataire qui profite du canapé en lisant, fabricant ses cosplays ou regardant des films. Je ne suis plus aussi motivée que ça.
Lors de l'envoi par mail de mon dernier essai de problématique de thèse, je me suis moi-même aperçue en cliquant sur "envoyer" du fait que tous mes efforts étaient vains. C'était encore inintelligible pour autrui. J'en ai pleuré le soir-même, le lendemain, le sur-lendemain. L'envie de tout arrêter car je n'étais pas faite pour "ça". L'envie de me reconvertir dans autre chose, mais quoi ? Impossible de me sentir d'attaque pendant mes séances de kiné, impossible d'avoir plus d'interactions sociales plus poussées que pour l'achat d'une baguette de pain.
Alors je viens de m'accorder une semaine de vacances "vidange d'esprit". Interdiction de penser à quoi que ce soit de complexe ou d'absorber trop de détails.

De toute façon c'était le mal de tête assuré.
► Afficher le texte
D'ailleurs je ne suis même pas sûre que ce soit suffisant. Le fait d'avoir repris mes études bibliographiques, m'empêche à nouveau de dormir et m'angoisse.
Si je devais donner des signes précurseurs selon moi ? Dans l'ordre d'apparition :
► Afficher le texte
- RGO et troubles digestifs
- Douleurs musculo-squelettiques sourdes, l'impression d'avoir légèrement mal... à tout son corps
- Un isolement progressif : plus envie de monter jusqu'à mon lieu de travail pour ne pas à avoir à échanger des "bonjour, ça va" et devoir déjeuner avec les autres "collaborateurs" à midi
- Maux de têtes survenant à des moments particuliers : systématiquement lors d'une formation doctorale particulièrement mal menée, lors de l'animation d'une réunion où beaucoup de détails sont à répéter, lorsque je réfléchis trop, trop longtemps
- Troubles du sommeil dus à l'impossibilité de faire taire mes morceaux de pensées
- Une sorte de "surdité" ou "aveuglement" mental : je n'absorbe plus rien, j'ai l'impression d'avoir du coton entre les deux oreilles, je "perds" systématiquement aux jeux de cartes, et je n'arrive plus à absorber les règles des jeux en société. Je me renferme sur moi-même et je deviens incapable de prendre la parole. Je ne suis plus sûre d'écouter les gens correctement. D'ailleurs, quelqu'un a t-il déja vécu ça ?
- J'envoie régulièrement bouler ma coloc au moindre "Salut, ça va ?" "Tu as fait quoi aujourd'hui ?" en lui répondant en langage télégraphique et de la manière la moins empathique qui soit (parce que je me force quand même à être sympa, mais ce n'est pas naturel).
Pardon. C'est un peu long. Mais j'espère que ça pourra contribuer à alimenter certains moulins.