En psycho, on le sait, la culpabilité est avec la mésestime de soi et la fatigue, une composante majeure de la dépression. Aussi, je ne pense pas que se soit un sujet superflu.
D'ailleurs chez moi culpabilité et mauvaise image de soi sont assez liées. Je me sens souvent coupable de ce que j'estime être de " mauvaises pensées " (

), j'ai peur du jugement que je porte sur ce qui émane de moi (mes pensées), à tel point que parfois j'en arrive à m'auto excuser vis-à-vis de cette morale qui m'engueule.
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Pour donner un exemple concret :
- Voilà dans ma morale (enfin celle qui s'impose à moi, je ne l'ai pas vraiment choisie, on va dire qu'elle m'a été inculquée), il faut être indépendante, libre d'esprit, et ne pas se laisser influencer. Il faut diriger sa vie sans vraiment tenir compte des autres. Ça c'est la règle que je suis sensée suivre intellectuellement, et si je ne suis pas la règle, alors c'est que je suis faible, dépendante, influençable, bref une merde quoi (culpabilisation +++).
- Voilà la situation : je suis dans un magasin de bricolage pour acheter de la peinture pour la chambre. Y a des couleurs qui me plaisent, d'autres que je trouve moches, et je voudrais bien l'avis de + chéri (qui traine au rayon perceuses).
- Comment ça se passe : D'un côté je sais que c'est normal de consulter son conjoint quand on repeint la chambre, c'est normal de tenir compte de ses goûts autant que des nôtres. En plus il pourrait m'aider à choisir (la marque, satiné, mat, pour enduit, pour brique etc ...) d'autant que je n'y connais rien en peinture. Il pourrait aussi m'aider à porter le seau (parce que les 20 litres faut les soulever). Tout ça paraît simple.
- Mais voilà ce qui plane au dessus de ma tête : " nan mais attends, t'es pas une handicapée non plus, tu peux aller demander au vendeur les caractéristiques techniques, et pi pour la couleur tu sais quand même ce que tu veux nan ? T'as encore besoin de quelqu'un pour te dire ce que tu dois aimer ? T'es pas capable de te débrouiller toute seule pour une fois. Nan, mais je te reconnais bien là, toujours la solution de facilité, à se faire porter par les autres, incapable de s'assumer ! "
- Mais comme je DOIS demander à + chéri, parce que je sais que c'est important que je le fasse, je m'auto feinte : " nan mais tu comprends pas c'est une technique de management, plus tu fais participer les gens à la prise de décision et plus elle sera facile à appliquer et plus elle remportera l'adhésion, c'est comme ça que les bons managers s'y prennent quand ils veulent mener à bien une opération de conduite au changement. "
Mais malgré tout, après je culpabilise. Je me dis que je n'ai pas su affronter le problème, que j'ai éludé, fait une lapalissade, contourné l'obstacle, comme si pour avoir de la valeur, mes actions ne devaient être que des actes de bravoure en temps de guerre. J'ai peur de tout rater, de ne pas y arriver (même pour des choses super simples), j'ai peur de ne pas être à la hauteur. Et je culpabilise à mort, en particulier en ce qui concerne mon conjoint, ou mon fils, je n'arrive jamais à prendre une décision, sans la remettre en question 20 fois, paralysée entre l'envie de la prendre avec eux et la dictature qui m'impose de faire mes choix seules (pour être indépendante etc ...). Du coup que je prenne la décision avec eux, ou seule, je culpabilise.
Aujourd'hui je travaille sur les fausses croyances. Je sais que la " morale " qui voudrait que je soit toujours indépendante toujours autonome etc., peut parfois être vraie, mais qu'elle ne s'applique pas à tout en permanence, et je sais aussi que par cette espèce de dictature de l'indépendance, je noie le véritable sens de ces mots (autonomie et indépendance). Aussi j'essaye de ne pas tomber dans les extrêmes. Effectivement de me montrer autonome là où il est normal que je le sois (je peux aller chercher le pain toute seule), et de consulter les autres quand c'est nécessaire (je décide de déménager, oui c'est peut-être mieux de consulter tout le monde avant d'aller louer le camion ...). Et j'essaye de dédramatiser, bon voilà j'ai demandé un avis, parce que je ne savais pas, j'ai demandé de l'aide, et au final j'aurais pu le faire toute seule, est ce que c'est si terrible que ça ? Est-ce que vraiment j'ai fait preuve d'un manque d'autonomie ? Est-ce que ça veut dire que je sais rien faire toute seule ?
Et puis d'abord c'est quoi être indépendant ?
(donc là faut imaginer le long laïus de réponses, et d'exemples que je me donne pour essayer de retrouver une image, une définition concrète de ce que c'est que l'indépendance et l'autonomie ... )
C'est pas évident, parce que ce sont des automatismes qui ont la vie dure. Je suis conditionnée à réagir en culpabilisant, en ayant honte de moi. Et je ne pense pas être la seule, loin de là. Il faut apprendre à se déprogrammer. C'est long, ça demande un effort soutenu, mais vraiment quand on passe les premières étapes, on retrouve une liberté énorme.
Pour arriver à se déprogrammer de la culpabilité et de la honte (qui vont souvent ensemble), il faut déjà ré-établir des points de repère, une norme (que l'on va bâtir soit même avec les exemples qui nous entourent et que l'on juge pertinents), une fois qu'on a cette grille de lecture qui permet de classer un peu nos actions en bien/neutre/mal, il faut apprendre à se défaire de l'exigence de perfection, oui on peut avoir pris une décision ou fait qqc qui aurait pu être un peu mieux, est-ce pour autant qu'on doit classer cette action dans les choses mauvaises ? Pas nécessairement. Pour arriver à déculpabiliser il faut apprendre aussi à être plus tolérant avec soi-même.
Le travail sur les notions de bases de la morale (surtout les éléments qui peuvent devenir dictatoriaux) est important.
Pour moi, par exemple, le fait d'être autonome et indépendante, de ne pas devoir quoi que ce soit à personne.
- est-ce que toutes mes actions doivent obéir de manière aveugle à cette règle ?
- est-ce que mes rapports aux autres ne risquent pas de pâtir de cette règle si je l'applique sans discernement ?
- cette règle doit-elle connaître des tempérances pour être réellement utile et bonne
pour moi ?
- d'autres règles de morale peuvent-elle entrer en conflit avec celle-ci, si oui quelle est l'attitude à avoir ?
Voilà je désosse la règle pour lui redonner sa véritable place : c'est une ligne de conduite générale, pas un commandement divin. Elle doit rester souple, et s'adapter aux situations. Les fausses croyances sont par essence très rigides, elle nous empêchent de nous adapter à ce qui nous entoure, du coup on a du mal à arrondir les angles et quand c'est pas avec les autres que ça coince c'est à l'intérieur de nous que ça tyrannise. Très souvent ces croyances proviennent soit de l'éducation, soit d'expériences difficiles que l'on a eu du mal a dépasser et desquelles on a tiré des généralités qui sont parfois fausses. Dépasser les interdits culturels, ou parentaux, me semble vraiment le cas le plus difficile, cela oblige a effectuer une remise en cause de la parole de personnes qui comptent énormément pour nous, et de dépasser leur éducation. C'est dur car cela veut dire que l'on doit reconnaître qu'ils se sont trompés, ou qu'ils ont eu tort. C'est le deuil du parent parfait.
Là aussi on peut éprouver beaucoup de culpabilité à remettre en cause une personne de " haut rang " affectif, c'est braver un interdit psychologiquement très fort.
Voilà pourquoi je pense que effectivement la culpabilité n'est pas forcément négative, elle indique des pistes de travail intérieur à faire pour aller vers la liberté d'être, en toute quiétude. Il ne faut pas avoir peur de culpabiliser, même si c'est désagréable, l'évitement est, je pense le pire des choix à faire. Regarder pourquoi on culpabilise, se demander si vraiment cette raison est juste, s’apercevoir que non, recréer une norme adaptée à ce que l'on est, avancer dans l'analyse de ses actes, et se responsabiliser (ce qui ne veut pas dire s'esclavagiser, se martyriser, devenir un tyran intérieur) pleinement dans les différentes casquettes que l'on peut avoir (parent, conjoint, professionnel etc ...) c'est ça devenir adulte, c'est gagner la capacité d'exercer son libre arbitre avec des valeurs que l'on a VRAIMENT choisies.