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Ou : non plus du vinyle, mais de la gomme-laque, matériau dominant du 78 tours même si le vinyle a également été utilisé dans les années 1940 par certains fabricants. Je pense toutefois ne pas être trop hors-sujet, s'agissant d'un disque à lecture analogique.
J'ai la tentation d'acheter du 78 tours et le matériel adéquat. Je n'ai retardé cette idée que pour des raisons pratiques, à savoir, mon domicile actuel est plein comme un œuf. En second lieu, dans un peu moins d'un an je devrais récupérer mon prochain logement (qui est actuellement en chantier), plus grand, mais je devrai alors dépenser des sous pour aménager la cuisine et la salle de bains, ainsi que rajouter quelques meubles. Donc il faudra attendre ensuite que les finances s'assainissent.
Pourquoi ? À l'évidence pas pour cause d'audiophilie ni d'ergonomie. plutôt pour le plaisir de chiner, et de découvrir des choses. Il ne s'agirait alors plus de me concentrer principalement sur le lyrique comme d'habitude mais d'explorer un peu tout et n'importe-quoi dans la première moitié du vingtième siècle. Et entre autres, tout de même, parce que j'aime bien le swing et le jazz des années 1920 et 1930, parce que je ne suis pas insensible à la chanson de la première moitié du siècle, et tout de même aussi pour l'opéra (parce que des chanteurs et des esthétiques sont à explorer par ce moyen si on veut ne pas se limiter à ce qui est réédité en CD par quelques éditeurs "de niche" comme Malibran).
Et comme pour le vinyle, l'attrait réside en partie dans la manipulation du support et de l'appareil, tout un rituel.
Comment ? La question des moyens matériels n'est pas simple. Il y a deux grandes familles de solutions, l'une consistant à se procurer un gramophone ancien, l'autre à privilégier une platine moderne équipée en conséquence.
L'un des avantages de certains gramophones, c'est qu'en s'offrant un beau modèle avec un pavillon, on peut avoir en même temps un objet décoratif (mais encombrant). En revanche il faut composer avec un certain nombre d'inconvénients au premier rang desquels la dégradation progressive des disques (qui, sauf coup de bol, ne sont déjà pas de toute première fraicheur) en raison en particulier du poids important du bras de lecture qui appuie très fort sur le disque et laboure littéralement le disque à chaque lecture. Or l'aiguille à l'ancienne frotte invariablement au même endroit dans le sillon et donc l'usure s'accumule au contraire d'un moyen de lecture plus fin qui pourrait aller jusqu'au fond du sillon où l'usure est généralement moins importante, permettant une lecture de meilleure qualité. Je crois qu'il existe des aiguilles en bambou, en plastique ou en épine de cactus (sic !) qui présentent l'avantage de ne plus user le disque et dont subissent quelques fabrications confidentielles, c'est un marché de niche au sein même de la niche.
Il faut de plus impérativement trouver un modèle avec vitesse réglable car la vitesse de rotation n'est pas standardisée dans les années 1910, et ce qu'on appelle vulgairement un 78 tours porte parfois une indication mentionnant qu'on doit le lire à 72, 80, 90 tours par minute...
Pour finir, étant en France, il faut tenir compte du fait qu'une bonne partie de la production d'un éditeur du cru, à savoir Pathé, est à lire au contraire sur une platine avec un saphir (mais pas le même que celui du microsillon) et un bras plus léger, et à des vitesses encore différentes ; ce jusqu'à ce que la firme s'aligne sur les standards internationaux et ne passe à la lecture à aiguille dans les années 1930. Ces disques à saphir dont Pathé, donc, est le principal éditeur (mais pas le seul notamment en France), sont à gravure verticale et non horizontale, et si on se trompe de matériel, on abime tout...
Je ne tiens pas le changement systématique de l'aiguille à chaque lecture pour un inconvénient, cela fait partie du rituel, comme de remonter le ressort.
Avec les platines modernes dotées d'une vitesse 78 tours que l'on trouve dans le commerce (ou, comme dans le cas de la mienne, que l'on peut convertir en changeant la poulie du moteur), il faut ajouter une cellule adaptée - il s'en trouve dans le commerce spécialisé, ce n'est certes pas une production de masse mais c'est trouvable, et logiquement relativement cher. De fait, comme la position exacte d'une cellule pour microsillon et sa force d'appui sur le disque doivent être réglées avec soin, on ne peut pas changer à chaque fois que l'on passe du 78 tours au microsillon et il faut, de fait, se procurer deux platines (je pars du principe que c'est de toutes façons plus accessible que d'avoir l'une de ces platines très chères auxquelles on peut rajouter un second bras). Dans le cas contraire, les cellules montées d'origine sur les platines milieu de gamme comportant une vitesse 78 tours ne seraient compatibles, si j'ai bien compris ce que m'a dit le monsieur du petit musée vers Montmartre, qu'avec les toutes dernières générations de 78 tours à savoir ceux des années 1950 fabriqués en vinyle, ou à la limite la production américaine des années 1940 (ce pays étant passé au vinyle plus tôt en raison de la rupture d'accès aux produits coloniaux, comme la gomme-laque, pendant la guerre). Avec les disques en gomme-laque, dans le cas contraire, on abime et le disque et la tête de lecture.
Enfin on n'échappe pas à la nécessité d'une vitesse ajustable pour les disques les plus anciens, et à celle d'une cellule dédiée aux disques à gravure verticale si d'aventure on souhaite pouvoir s'en procurer.
On y gagne comme avantage que le faible appui du bras ménage largement le disque et que les cellules modernes conçues pour le 78 tours ont généralement la bonne idée d'aller exploiter le fond du sillon qui, dans le cas le plus courant des disques à gravure horizontale, est la partie la moins usée du disque. La restitution est enfin généralement meilleure avec l'amplification moderne par rapport à l'amplification entièrement acoustique des appareils à pavillon, et enfin, la vitesse de rotation toujours homogène car ne dépendant plus d'un mécanisme à ressort.
Pour ma part, ayant mis au placard mon ancienne platine car c'était son sélecteur de vitesse 33/45 tours qui avait rendu l'âme - après plusieurs années de fonctionnement parfois aléatoire - j'ai pour projet de la recycler en bloquant ledit sélecteur sur sa position 45 tours (par exemple en soudant le contact défaillant) et en changeant la poulie, puisque c'est un entraînement à courroie, pour obtenir 78 tours en moyenne, sachant qu'elle a également un variateur de vitesse d'origine. Et enfin d'y mettre une cellule mono adaptée. Le tout devrait me permettre de lire la grande majorité des disques à l'exception de ceux à gravure verticale pour lesquels... On verra plus tard si j'en trouve vraiment assez souvent pour que ça vaille le coup de trouver un moyen de lecture adapté. Après tout, c'est un support minoritaire même en France. Voilà.
En plus je n'aurai pas de problème de câblage car mon amplificateur dispose de deux entrées phono avec pré-amplification dédiée. Non qu'il soit particulièrement sophistiqué, mais il a l'avantage d'être... vieux (en tous cas plus vieux que moi, une cinquantaine d'années a priori) et de remonter à une époque où le vinyle était dominant, et cela servait, si j'ai bien compris, à pouvoir copier un disque sur une cassette pendant qu'on en écoute un autre. Bon, dans le même genre, cet ampli possède deux entrées pour lecteurs de cassettes afin de pouvoir copier d'une cassette à l'autre quand les appareils à deux cassettes n'étaient pas encore courants, mais ceci est hors-sujet (même si quelqu'un a demandé s'il y avait des utilisateurs de cassettes et... j'en suis, mais très peu, c'est juste que j'ai encore quelques enregistrements sur cassette que je n'ai pas remplacés par des CD, mais ce n'est absolument pas par nostalgie de la cassette audio

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Ce qui n'empêche que, pour le côté fascinant du rituel, je ne m'interdis pas d'ajouter par la suite un gramophone si je parviens à me procurer des aiguilles n'usant pas les disques (bambou, plastique, épine de cactus, cette dernière matière a définitivement un certain charme rien qu'à l'évoquer...) ; ce afin de me livrer au "rituel" de l'écoute à l'ancienne.
P.S.
Je laisse les gens notoirement plus techniciens que moi (
@Fish,
@enufsed) corriger les possibles et même probables inexactitudes notamment dans le paragraphe sur la lecture sur platines modernes, car je maîtrise un peu l'aspect strictement historique, mais pas trop la technique ultra-moderne (j'entends : celle des 80 dernières années).
Juste une remarque sur une expression Nufnufienne :
Un
phonogramme (dans le domaine qui nous intéresse) est un support portant un enregistrement sonore quelle qu'en soit la technique d'enregistrement et de restitution, c'est le produit de la
phonographie qui est l'art d'enregistrer les sons quoique ce vocable soit inusité de nos jours même si l'on continue en revanche d'utiliser l'adjectif
phonographique.
En revanche, les expressions
phonographe et
gramophone sont initialement ceux sous lesquels Thomas Edison et Emil Berliner ont déposé leurs brevets respectifs, le premier pour un appareil à cylindres et le second pour un appareil à disques. Par antonomase et par convention, on tend à appeler tout appareil à cylindre un
phonographe et tout appareil à disque pour 78 tours et assimilés un
gramophone. Et si cet usage est désormais standardisé pour les historiens des techniques comme pour les revendeurs, l'usage courant utilise apparemment souvent l'un pour l'autre. Pour le reste, on remarquera que le seul grand éditeur ayant conservé l'un de ces termes dans sa raison sociale, la Deutsche Grammophon-Gesellschaft, ne fabrique plus de gramophones ni de disques pour gramophones depuis des décennies, c'est de la publicité mensongère
