J'ai mis une partie du texte en spoil (texte accessoire), histoire que la lecture vous soit un peu moins laborieuse
Cette idée m'est venu, je crois, après avoir entendu Gaël Giraud raconter une histoire pour expliquer la notion de "communs" (à propos d'une pêcherie traditionnelle dans un lac africain).
Où il était question de la nécessité de "sages", reconnus par tous, pour résoudre les éventuels conflits naissant de la gestion de ressources communes.
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J'avais aussi l'idée que lorsque les figures "Dom Camillesque" (le curée joué par Fernandel, le maire Peppone, l'instituteur, le médecin...) avaient disparu, elles n'avaient pas laisser d'équivalent moderne (en terme de "référents intellectuels/moraux de confiance") dans notre société et que cela posait certains problèmes...
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Car je suis convaincu que le salut de l'humanité viendra, dans un futur assez éloigné, du retour
d'une économie centrée sur les communs
Les communs, selon Elinor Ostrom ce sont des biens "rivaux et non exclusifs" (différents des biens collectifs, privés et club) en gros
des biens que l'on partage (ce que mange l'un ne peut pas être mangé par l'autre) et
gérés globalement par tous au profit de tous (impossible à gérer par petits bouts)
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On pense aux fameux champs communaux (dont la destruction en Angleterre, les "enclosures", a lancé la 1ère révolution industrielle), aux "jardins partagés"...
Mais à mon avis cela a surtout été le moyen dominant de gestions des ressources dans les premiers milliers d'années d'existence de l'humanité, quand on vivait en tribus. Et cela s'est perpétué marginalement très longtemps, par exemple pour la gestion de l'eau partout où elle était précieuse.
Bon...
En gros ce texte est partie d'une interrogation sur les choix que l'humanité pourrait faire quand elle sera prête pour « refaire société » dans un siècle ou deux, après le chaos environnemental qui s'annonce, en se servant des échecs du passé comme de leçons.
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Avant que les humains fassent consensus sur le fait qu'il est de leur intérêt vital de considérer l'essentiel des ressources comme des communs, il va surement falloir attendre que le monde se soit casser la gueule plusieurs fois...
(car par exemple « Il est plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme »)
Et qu'après avoir vécu horreurs après horreurs, ils réalisent (s'il y a des survivants) qu'il serait peut-être temps d'utiliser intelligemment les très rares ressources qu'il leurs reste...
J'aime bien faire un parallèle avec l'histoire des amérindiens: Lorsqu'ils ont débarqué en Amérique les écosystèmes étaient largement plus variés et riches qu'ils ne le sont aujourd'hui. Rapidement ils ont tout transformé, principalement en éliminant tous les gros mammifères... Puis ils ont su développer des cultures pérennes, vivant en harmonie avec leur environnement, sans chercher à le détruire.
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Autre réflexion, nos démocraties ne fonctionnent jamais seule, elles sont toujours accompagnées de contre-pouvoirs pas vraiment "institutionnalisés" mais qui ont un poids très importants.
En gros c'est tout ce qui fait qu'après une élection les sociétés ne changent jamais complétement. C'est ce qui donne de l'inertie au système et qui empêche les brusques "coups de volant" lorsque des partis politiques très opposés dans leurs idées se succèdent...
La liste serait très longue (l'éducation commune, la morale, les croyances, les acteurs économiques, les hauts fonctionnaires pantouflards de Bercy...)
Et je pense qu'une démocratie ne peut être saine sans contre-pouvoirs efficaces; Je ne suis pas du tout d'accord avec les espoirs de "super-démocraties omnipotentes", de « référendum ochlocratiques permanents » pour choisir la couleur des boites aux lettres... Bien sûr l'humanité testera probablement cette solution de ci de là mais je pense que cela ne marchera pas (et que ce sera même catastrophique), mais c'est juste mon intuition...
En tout cas ce qui me semble important c'est que dans notre monde ce contre-pouvoir a fini par être essentiellement entre les mains du "monde de l'argent", un contre-pouvoir très puissant et pas vraiment soucieux du bien commun...
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Et donc...
C'est quoi ton histoire?
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Il m'est venu l'idée d'un système pas vraiment démocratique (
mais la démocratie est-elle un but en soi ou un moyen? vous avez 1h) qui aurait mes faveurs...
Pour simplifier: Ce serait l'idée d'
une société dirigée (en partie, lisez la suite avant de m'insulter)
par un ordre, une caste...
Des genre de "moines laïques" (des deux sexes bien entendu) qui auraient abandonné pour eux même l'idée de propriété, qui vivraient parmi la population, participeraient aux travaux, et qui seraient considérés comme des sages, des soigneurs d'âmes, des transmetteurs de savoirs...
Mais surtout qui auraient un poids plus important que le reste de la population dans la prise de décisions de la cité... car aux commandes de la gestion des communs...
Et dans cette société fictive, les communs se serait beaucoup de choses...
Je les appellerais les "désintéressés"
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en référence aux "dépossédés" d'Ursula K Le Guin et aux "philosophes rois" de Platon dont ce serait la principale vertus.
Ces désintéressés, ayant choisis de ne rien posséder, ne pourraient subvenir à leurs besoins (nourriture, logement...) que grâce à ce que la société laisserait gratuitement à la disposition de tous (via des structures publiques). Leur principal intérêt/objectif serait le bien de la société dans son ensemble plutôt que tel ou tel intérêt individuel.
Devenir désintéressé ce serait d'abord avoir fait preuve de hautes capacités intellectuelles (quand j'ai imaginé cet "ordre", l'une de mes références était les médecins cubains, une autre était les druides celtes). C'est une faveur que la société propose aux meilleurs (mais qu'ils choisissent librement) en échange de sacrifices personnels. Le plus important étant celui de ne pas fonder de famille...
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C'est une mission que l'on peut entamer à tout âge (après l'obtention d'un diplôme majeur dans une filière reconnue comme exigeante: médecine, mathématique, philosophie etc.). Bien entendu on peut abandonner quand on le souhaite (mais sans retour possible), on peut aussi faire des pauses si besoin, par exemple pour visiter ses proches, méditer...
Pas vraiment de hiérarchie chez les désintéressés, par contre ceux-ci gagnent un « échelon » pour chaque mois d'engagement et ce sont les échelons qui sont pris en compte lors des votes (la voix des plus anciens compte plus que celle des nouveaux).
Leur principale fonction serait donc la gestion des communs: Par exemple l'eau, les gisements miniers et énergétiques, la gestion d'écosystèmes... ça reste à définir... En somme tout ce qui aurait été jugé comme nécessitant une gestion pérenne, certains étant gérées localement d'autres à très larges échelles...
Les désintéressés forment une sorte de « conseil d'administration temporaire», ils choisiraient les hauts dirigeants, et surtout donneraient le cap, prendraient les grandes décisions (prix, disponibilité, flux...). Ils pourraient y travailler mais pas plus souvent que dans n'importe quel autre endroit de la cité.
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Concrètement lorsque le besoin de prendre des décisions se ferait sentir, les responsables de la gestion d'une ressource commune convoqueraient les désintéressés. Selon l'importance des décisions à prendre on tirerait au sort un certains nombres de désintéressés parmi ceux qui séjournent dans la région concernée; Ils se réuniraient sur les lieux, prendraient conseils si besoin puis donneraient leurs décisions à la majorité des échelons (avec des recours possibles en cas de contestations, ça reste à définir...).
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Autre information importante: Les communs sont gratuits!
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comme aujourd'hui en fait, « personne dans cette salle n'a jamais rien payer pour que le pétrole se forme » comme dit l'autre
Enfin pas tout à fait... Un subside serait prélevé pour permettre le bon fonctionnement de l'utilisation des communs (salaires, entretient des machines, remise en état d'un site...). Mais les communs ne devraient jamais dégager de bénéfices!
Par contre les désintéressés choisiraient comme bon leurs semble quelle part des communs devrait revenir à tel ou tel acteur économique (qui eux pourraient dégager des bénéfices et être taxer par les provinces/cités).
La seconde grande mission des désintéressés serait de connaître au mieux la population; Ils seraient tenus de vivre parmi elle, de participer à tous les travaux possibles (manuels et intellectuels, selon leurs capacités) travaillant au plus bas de l’échelle un jour, puis assistant une personne au plus haut le lendemain, sans recevoir de salaires (peut-être un peu d'argent de poche pour les extras

) mais pouvant choisir librement leurs places, sans que personne ne puisse leur fermer aucunes portes (ni livres de comptes!

). Ils bénéficieraient aussi de temps de formation chaque année. Ils auraient aussi l'obligation de visiter régulièrement de nouvelles régions, tiendraient un journal pour référencer tout cela...
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Conseil de classe: Si l'un d'eux ne respectait pas ses engagements, un conseil de pairs, tirés au sort, pourrait le convoquer, et en dernier recours l'exclure.
Aussi, naturellement, les désintéressés deviendraient les pivots de la société. Ils seraient considérés comme des agents de conciliations pour essayer de résoudre les conflits naissants (avant de faire appel à la justice si besoin). Ils seraient vu aussi comme des "sachants", ne se substituant pas aux enseignants, ni aux responsables de cultes mais encouragés (et formés) à ouvrir les esprits, à favoriser l'écoute ou à faire émerger des points de vue originaux... Si et seulement si on le leur demande!
Ils seraient un peu comme de l'huile dans les rouages de la société...
altruisme
Je suis sûr que me lisant certains d'entre vous voudront m'opposer l'idée qu'aucun être humains n'accepterait réellement de « sacrifier » sa vie au profit du collectif. Je pense pour ma part que cette idée est surtout une vision étriquée de notre système
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j'allais rajouter « orange » j'aime beaucoup les travaux de Clare Grave, popularisés sous le terme de "spirale dynamique" en français
dont il faut se défaire.
Sans même prendre des exemples extrêmes (tel une Simone Weil) je ne comprends pas comment l'on peut nier le fait que l'altruisme est une caractéristique fondamentale de notre espèce. Comme l'empathie, la main préhensile, la bipédie, le langage, la ménopause (super importante du point de vue évolutif pour la socialisation de l'humain!) etc.
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Texte énervé, anticipé en réponse à ceux qui nient l'altruisme: Peut-être certains, souffrant de trouble(s?) de la personnalité, (tel une Ayn rand ou un Milton Friedman) ne connaissait pas l'altruisme (ce qui les a poussé à imaginer un monde d'homo œconomicus à leur image); Mais ce sont des cas rares et ultra-minoritaires.
La réalité (que chacun de nous connait dans ses tripes) est que l'altruisme est déjà présent chez le tout petit enfant.
https://www.matthieuricard.org/blog/pos ... velatrices
Pour ce qui est du sacrifice de soi pour les autres, nul besoin d'aller chercher la définition des chefs tribaux des sociétés traditionnelles (qui dans la plupart des cas sont plutôt des serviteurs que des chefs) mais seulement de regarder autour de nous (ou dans un miroir pour certains) dans les hôpitaux, les casernes de pompier... )
Et puis c'est faire abstraction de l'épanouissement personnel que cette expérience pourrait apporter. Moi personnellement je trouverais cette vie formidable!
Après elle n'est pas pour tout le monde c'est sûr, mais dans un environnement qui célèbre autre chose que l'argent, les candidats seraient sans doute beaucoup plus nombreux (mais ça reste un pari).
Pour le reste de la société, je ne sais pas trop...
Idéalement
ce seraient des territoires extrêmement variés. Chaque province appréhendant le monde à sa façon (administrée de la manière que ces habitants jugent la plus opportune).
Et pouvant évoluer dans ses valeurs avec le temps, les mouvements de population...
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là j'ai encore en tête la spirale dynamique...
Si j'avais un vœux à faire ce pourrait être autant de voir la planète telle qu'elle serait si on ne l'avait pas abimer que de rencontrer (sans les déranger donc ce n'est plus possible) d'autres humanités. Des humains équipés tout comme nous mais qui semblent pourtant vivre ailleurs, qui semblent voir le monde avec d'autres yeux....
Par exemple j'ai encore les yeux qui brillent lorsque je me rappelle le documentaire « nous sommes l'humanité » sur les Jarawas, c'est le monde « violet » de la spirale que j'imagine.
Pour imaginer un monde « bleu » j'ai comme référence la conférence de Michel Pastureau « Symbolique et sensibilité dans l'Occident médiéval »
https://www.youtube.com/watch?v=-b_jsQZCb4w
Sans aller jusqu'à ces extrêmes et en considérant d'autres façon de se singulariser, j'espère que le monde futur ne sera pas un monde qui uniformise comme le fait le notre.
L'idée première étant de permettre à chacun de trouver la place qui lui convient le mieux, un monde ouvert de toute part pour les humains, laissant le choix à chacun de rester vivre et mourir où il est né ou d'y voyager facilement comme bon lui semble, pour parfois s'installer, parfois non...
Certains territoires seraient beaucoup plus libéraux que d'autres, des cités seraient plus ou moins hiérarchiques, plus ou moins religieuses, traditionnelles... Avec différents régimes politiques, différentes institutions... à vrai dire j'ai un peu la flemme d'essayer de développer tout cela...
Les désintéressés auraient donc entre les mains un grand pouvoir sur les provinces: Ils contrôleraient l'accès aux communs (la plupart des ressources), vitaux pour leurs bon fonctionnement. De plus les dirigeants des provinces auraient l'obligation de construire des logements, des restaurants, des transports, des hôpitaux... disponibles gratuitement pour tous et dont profiteraient les désintéressés. Chaque province choisirait de lever des fonds de telle ou telle façon, d'investir plus ou moins dans ces structures publiques...
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Si une province décidait de laisser se dégrader les biens publiques pour favoriser les biens privés, passé un seuil les désintéressés pourraient bien avoir envie de lui couper les vivres... Ce qui obligerait une certaine modération...
A contrario, si les désintéressés exigeaient des provinces des investissements publiques excessifs, dépassant en "gratuit" ce qui correspond aux valeurs des habitants, ceux-ci, étant aussi touché par une levée d'impôt nouvelle, auraient vite fait de se révolter et de faire entendre raison à ceux qu'ils ne jugeraient plus vraiment sages... De plus, à plus long terme, cela serait probablement mauvais pour la vitalité de la province et cela se verrait... Tout cela serait une question d'équilibre, il faudrait sans doute étudier cela de plus près...
Le flux des personnes entre les cités servant de verdict pour juger ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ou moins bien...
Aussi, je pense, ils devraient se créer un balancement, entre des moments où les désintéressés stabilisent le monde et d'autres où les cités le dynamiserait, tendraient à affirmer certaines singularités.
Cela m'étonnerait beaucoup que je trouve parmi vous des lecteurs qui partagent mon entrain pour cette société imaginaire, c'est juste mon rêve...
Et sans-doute, confronté au réel, il deviendrait un cauchemars (ou peut-être pas?

).
En réalité
mon texte est surtout une invitation à se donner le droit d'imaginer un autre monde (mais pas forcement celui-ci).
Une invitation à chacun de libérer ses propres idées, de s'autoriser à sortir des systèmes de pensées pré-mâchés pour essayer de construire autre chose d'original... On risque d'en avoir besoin...
Ou alors ça donnera des idées à quelqu'un(e) pour un livre de SF? Ce serait déjà pas mal
On devrait se donner rendez-vous dans un siècle ou deux pour voir ce qu'il en est... :face: