Roméo et Juliette a pris la tête du sondage!
@Rune maintenant que j'y repense, il y a une version cinématographique du
Songe que j'aime beaucoup, c'est celle de Max Reinhardt et William Dieterle, tournée en 1935.
C'est une entreprise un peu folle et mégalomaniaque, qui a nécessité des moyens colossaux pour recréer l'ambiance féérique du bois : une forêt fut reconstituée à partir d'arbres véritables (hélas), si dense qu'elle était presque impossible à éclairer (il fallut peindre à la main les feuilles à la peinture d’aluminium pour qu'elles réfléchissent assez de lumière

) et qu'y déplacer la caméra posait des problèmes quotidiens. Les costumes sont ahurissants et le palais rococo constitue un songe en lui-même. Le film pourrait être un monument de kitsch raté, mais ce n'est pas le cas. Il bénéficie de l'heureuse rencontre de deux délires : celui de Shakespeare et celui de Reinhardt lui-même, ce dernier trouvant la juste mesure de folie nécessaire pour rendre les aspects oniriques de la pièce sans en sacrifier le comique ni, surtout, négliger le dialogue constant entre les trois niveaux du récit : le chassé-croisé amoureux, sa parodie dans la pièce des artisans cabotins et le (futile) conflit cosmique entre les puissances naturelles qui vient tout subvertir. L'ensemble trouve une cohérence organique dans les visions de Dieterle, empreintes d'un merveilleux tout droit sorti de l'expressionnisme allemand mais continuellement bousculées par des inventions burlesques et par le jeu très appuyé des acteurs, qui rappellent opportunément qu'on est dans la facétie humaine revendiquée et non dans un surnaturel de pacotille.

Un seul regret, la perte de la version originale de 4h 30, qui conservait l'intégralité du texte, au profit d'une forme courte imposée par le studio (Warner). C'était un choix pragmatique - le public n'aurait pas suivi- mais il a contraint Reinhardt a sur-découper la pièce et à sacrifier de nombreuses inventions de son cru. Toutefois le résultat est parfaitement lisible, et la musique (Mendhelssohn adapté avec beaucoup de talent par Korngold) ajoute à l'enchantement.
Un extrait
ici (la réconciliation finale d'Obéron et de Titania).
Le renard sait beaucoup de choses, le hérisson n’en sait qu’une grande. (Archiloque)