Nous avons tous en tête ces témoignages de personnes qui sans, semble-t-il, faillir se sont engagées sur un chemin de vie alternative, dans une logique de décroissance et on se retrouve à balancer parfois entre admiration et agacement parce que tout de même ce qu'ils appellent un choix libérateur nous apparaît souvent très aliénant.
Mon objectif ici n'est ni de pratiquer l'autoflagellation ni la contrition mais de cartographier au-delà ce qui est peut-être le monde réel loin des cyniques et pas à la hauteur de ce que les plus militants attendent. De là, il ne s'agit pas non plus de se rassurer en constatant que le voisin fait pire, mais d'échanger, dialoguer, sans injonction écrasante ni solution à la yakafokon.
Je vais commencer par moi-même, avec mes contradictions et mes engagements. Ce qui est PLUS, pour cette part de ma vie que je considère bonne pour la planète, et MOINS ce qui me gratouille un peu.
PLUS
- Je suis apiculteur : je suis intiment convaincu du rôle de mon activité dans le maintien de la biodiversité.
- Je consomme très majoritairement bio : la part restante c'est avant tout le poisson issu de la pêche locale et tout ce que je ne trouve pas ici et que j'espère voir arriver prochainement avec la Biocoop en construction.
- Je vis dans un endroit où les sollicitations de la société de consommation sont peu nombreuses faute de boutiques, de grands centres commerciaux et en raison de l'insularité qui empêche les escapades non essentielles.
- J'ai pris deux fois l'avion dans ma vie pour l'Italie A/R. Je n'aime pas ce mode de déplacement et ce qu'il instaure du point de vue du tourisme de masse.
- En raison de l'insularité, mes déplacements en voiture sont largement moindres que la moyenne nationale.
- Je ne suis pas végétarien mais je consomme les produits carnés avec modération.
- Je ne commande plus rien sur amazon et tout commerce qui expédie 5 articles en 5 colis.
- Je suis propriétaire de deux parcelles boisées pour un total de 5ha.
MOINS
- 30% de mon chiffre d'affaire dépend de la vente sur internet : environ 400 colis par an. Si j'ai considérablement réduit les emballages et opté pour du papier de calage recyclé, je suis pas très fier d'envoyer 2 pots de 250g à Marseille.
- Avec l'arrivée de notre fille, notre production de déchets a explosé : il y a les décisions avant la naissance (couches lavables) et puis la réalité d'une situation quotidienne difficile à supporter, alors on utilise des couches jetables (bio ouf...).
- Parce qu'on habite une île où peu de choses sont disponibles, tout ou presque vient par la poste : que ce soit neuf ou occase, ce sont des montagnes de cartons. Pour ma défense une partie des emballages sont récupérés pour confectionner mes colis.
- Je roule en voiture essence et mon véhicule pro est diesel : nous voulons changer de voiture (trop petite pour trois), j'ai cherché une option en électrique ou hybride, mais c'est soit inadapté à nos besoins (inenvisageable de ne pas pouvoir recharger comme on veut quand on doit attraper le dernier bateau) soit simplement trop cher.
- En raison de notre situation géographique, l'immense majorité de nos déplacements se font en voiture sauf si on souhaite aller à Paris.
- Nous buvons de l'eau en bouteille : interdiction absolue de toucher à l'eau du robinet qui est une saloperie. L'eau minérale n'est pas totalement vertueuse, mais du côté robinet on sait ce qui se trouve dans les nappes quand on voit mourir ses abeilles au quotidien.
- Je bouffe encore bien trop de produits lactés alors que je combats l'industrie du lait.
- Je suis accro au café et j'aime beaucoup le chocolat.
- Je n'hésite pas forcément à faire 200km en voiture pour assister à un concert à Nantes.
Reste le problème de l'habitation : nous allons refaire l'habitation, dans les PLUS il y aura une meilleure isolation thermique et donc moins de pertes, dans les MOINS il y a des matériaux qui ne sont pas spécifiquement écolos parce que là où je vis, la construction vaut 50% plus cher en traditionnel et les envies d'alternatif sont facturées au prix très fort. Dans le JE SAIS PLUS : nous avons un poêle à bois. À l'achat j'ai reçu une prime et puis ensuite on nous a dit que ça polluait. J'aurais la possibilité d'installer une grande surface de panneaux photovoltaïque mais pour l'instant j'ai juste pas l'énergie de me concentrer là-dessus.
Au final il faudrait sans doute 2 planètes avec que des gens comme moi et ma famille et pourtant je vote écologiste. Suis-je un imposteur ? Comment on fait pour baisser d'une planète sans sacrifier le peu de loisirs dont nous disposons à fabriquer des choses que nous n'avons pas envie de fabriquer nous-mêmes ?
