Bonjour InMedio,
Pablo a été l'instigateur, il est un porte parole parce-qu'il est bon orateur et qu'il a du charisme. Mais ce n'est qu'un humain, il est perfectible comme nous tous. "
L'humain est plus proche de la parfaite imperfection que de l'imparfaite perfection" (citation que j'ai écrite il y a 20 ans, on est misanthrope ou on ne l'est pas !

). Je n'apprécie pas toujours ce qu'il raconte ou relaye loin de là. Il a planté une graine, libre à chacun de la faire germer ou de la laisser pourrir dans son coin. J'ai comme point commun avec lui l'anarchisme et la conscience écologique, c'est tout. Pour le reste, j'ai cherché par moi-même.
J'ai fondé mes "convictions" en premier lieu sur mon observation et mon ressenti depuis tout petit. Elles sont simples, je ne me suis jamais senti concerné par l'anthropocentrisme fortement ancré dans notre espèce. Lorsque je regarde le monde qui m'entoure, je vois plus d'autres choses que d'humains. Je vois même très peu d'humains en réalité. Et pourtant, rien n'a autant d'impact que ces humains qui ne voient qu'eux.
Le premier grand choc de ma vie fut le suivant : j'habitais dans un appartement avec mes parents, mais à quelques dizaines de mètres nous jouions dans un immense champ avec des marais. Cela grouillait d'adorables petits batraciens que nous entendions chanter, prenions dans nos mains et relâchions ensuite (pas toujours, car j'étais cruel à cet âge là). Je fabriquais des petits bouquets de fleurs multicolores pour ma mère, nous avions des jeux simples dans cette vaste étendue quasi sauvage en mode "La Petite Maison Dans La Prairie" (très naïvement donc). C'était notre petit coin de paradis. Et un beau jour, cet immense champ plein de vie a été barricadé, de gros engins terrifiants ont débarqué, puis tout a été bétonné pour construire un gigantesque centre commercial et une station de transports en commun entre autres. Cela m'a fait très mal, j'en faisais des cauchemars, je voulais savoir ce qu'était devenue toute cette vie dont tout le monde se foutait apparemment. J'ai vite compris dans quel monde j'allais devoir vivre et ça ne m'a pas plu. Pour jouer, nous avions maintenant un parc bétonné et gravillonné avec des jeux débiles dont une coccinelle sur ressort en plastique et métal. Ce fut le premier choc d'une longue série. Plus globalement, je vois, depuis 40 ans, la vie s'éteindre, je le vois, je ne peux que le constater. Même en ville, dans cet appartement, nous voyions des tas d'insectes qui ont presque disparus, comme les hannetons. Vous en voyez beaucoup des hannetons ? On en voyait plein lorsque j'étais enfant.
Le dernier choc (on va pas tous se les faire), c'est lorsque j'ai vécu en ville, dans une grande ville. Je n'ai pas tenu le coup, je suis tombé en dépression, je détestais les gens autour de moi, je me suis même battu férocement avec un voisin. Immédiatement après ce déchaînement de violence, je me suis mis en quête d'une maison perdue dans la forêt, isolée, pour y vivre seul. Je ne comprends pas comment on peut se sentir dans son élément en étant tous agglutinés dans des blocs de béton, ça me rends fou, je suis un animal. Or les animaux ne vivent pas bien enfermés dans des cages, on sait que ça crée du stress et des problèmes psychologiques, ils ont besoin d'être en contact avec autre chose que du béton, du plastique et de la ferraille. Ils ont besoin du reste du vivant auquel ils sont liés, et pas seulement de leur propre espèce.
Ici, je croise des faons, des blaireaux (pas les mêmes qu'en ville), des renards, des marcassins qui suivent leur mère (rare mais un pur bonheur), des oiseaux, des chauves souris, des insectes à foison. Ça grouille de vie et cette vie correspond à la réalité de notre terre. Quand tu prends une poignée de terre non polluée dans tes mains, il y a bien sûr tous les micro-organismes qu'on trouve aussi en nous, puisque nous sommes un vaste assemblage symbiotique d'organismes, mais tu vas y trouver des vers, des insectes. Quand tu prends du béton liquide dans ta main, ce n'est que de la matière inerte dégueulasse. Il y a infiniment plus d'autres espèces animales que d'homo sapiens sur terre, même en excluant les centaines de milliards d'animaux élevés et tués pour la consommation humaine. Or cela ne se voit pas en ville, où on fait tout pour se couper de cette réalité au profit de celle qu'on veut s'inventer : une vie facile sous perfusion. En ville, on vit sous perfusion de tout. L'eau, l'électricité, le chauffage, la nourriture, tout passe par des fournisseurs de services. Si ces services s'arrêtent, les gens meurent, parce-qu'ils en sont totalement dépendants, et bien souvent ils ne savent pas comment faire sans. Or je n'aime pas la dépendance. L'indépendance c'est le début de la liberté. Les gens des villes ne sont pas libres. Je ne peux pas me contenter d'ouvrir un robinet pour voir l'eau couler, j'ai besoin de voir d'où vient cette eau et tout le chemin qu'elle doit parcourir. Mais souvent, il vaut mieux ne pas savoir d'où viennent les choses, c'est l'un des principes de la société de consommation, éloigner le consommateur de la réalité du produit. Je n'adhère pas à cette démarche, depuis tout petit.
Mon premier instinct là où je vis, c'est de venir en aide à la vie foisonnante lorsqu'elle le réclame. Ma condition me confère du pouvoir et c'est là que je veux l'exercer. Ça change radicalement les priorités. On est loin du théâtre, ou plutôt du cirque, dans lequel il faut jouer son rôle en société. Attention, je sais très bien jouer la comédie sociale, on me trouve très avenant et sociable lorsque j'en ai envie. Mais je n'en ai pas souvent envie en réalité, ça m'ennuie prodigieusement, je ne le fais que lorsque j'en ai besoin, pour mon métier par exemple. Il y a quelques mois, j'ai soigné un renard qui avait été renversé par une voiture sur une petite route proche, en incendiant la conductrice qui s'est mise à pleurer. Nous voyons en direct l'un des dommages collatéraux de l'humanité, c'est à dire les millions d'animaux sauvages qui sont écrasés chaque année. Je ne me sens aucun point commun avec cette humanité là, je me sens nettement plus proche du renard dont la vie est rude. Il m’émeut profondément et la dureté de sa vie me touche, alors que le couillon qui se pavane dans sa caisse (je m'inclus là dedans puisque je conduis aussi), ne m'inspire que dégoût. J'ai honte de conduire lorsque je dois prendre ma voiture. Je ne prendrais jamais l'avion. Toutes ces machines m'ennuient et sont la cause directe ou indirecte d'innombrables dégâts que je ne veux pas cautionner. Je me sens en paix avec ma vision du monde. Le monde, ou plutôt la terre, je la vois peuplée de milliers de créatures et parmi elles, d'humains. C'est ma vision mais c'est aussi un fait.
La parabole sur la physique quantique n'est pas de moi, mais je la trouve parlante pour décrire l'absurdité de notre système économique dans lequel un individu peut gagner ou perdre des milliards en quelques minutes, il fait surtout référence aux bulles spéculatives, une aberration totale.
Plus un système est simple, plus il est résilient, c'est bien ce que je soulevais (trop complexe = fragile). Les dinosaures n'ont pas survécu car ils étaient trop gros, trop spécialisés, trop dépendants d'un certain type de végétation ou de proies. Nous sommes pareils (grands, spécialisés, dépendants). Même si beaucoup de mystères demeurent, il semble faire consensus que ce soient principalement les petits animaux opportunistes qui aient le mieux survécu (dont nos ancêtres). Des animaux qui pouvaient manger n'importe quoi et étaient assez petits pour se cacher. C'est aussi le cas des virus et des bactéries. Ce sont des organismes simples, parmi les premiers sans doute, et ce sont les seuls qui sont encore là depuis des milliards d'années, malgré les profonds bouleversements que la terre a connue. Ils ont muté, se sont développé, ont évolué, ont colonisé tout le vivant, y compris nous, sans voitures, ni smartphones, ni béton. Nous ne pourrions pas vivre sans eux, mais certains nous font du tort, comme nous en faisons à tant d'autres organismes. La crise actuelle va avoir de lourdes conséquences. On s'en remettra, surtout les plus riches, pas parce-que notre système est complexe mais parce-que nous nous agiterons dans tous les sens pour ne pas qu'il s'effondre, à coups de milliards entre autres. Mais pour combien de temps ? Depuis la crise de 2008, les crédits pour le secteur médical ont été drastiquement réduits (il fallait bien sauver l'industrie de l'argent virtuel que sont les banques), le corps médical n'a cessé de réclamer des moyens en faisant des grèves, mais rien. Et là, tout à coup, les milliards sont lâchés. N'aurait-il pas été plus intelligent, c'est à dire plus conscient de la nécessité à moyen et long terme, de prendre soin de nos systèmes de santé, sachant qu'il y a déjà eu bien d'autres pandémies auparavant ? Qu'adviendra-t-il lors de la prochaine crise si rien n'a radicalement changé ? L'économie souffre et ce n'est que le début. L'effondrement dont parle Pablo Servigne n'est pas un effondrement immédiat de tout, "la fin du monde"', mais c'est comme un château de milliers de cartes filmé au ralenti dont on retire une seule carte à la base, et qui s'effondre lentement. La Grèce, les afflux de migrants, c'est déjà une réalité, qui ne va pas s'arranger. Je pense aussi que nous assistons depuis déjà quelques années à l'effondrement de notre civilisation. Ce sera progressif, mais j'en suis convaincu, tous les indicateurs que j'ai pu lire sont dans le rouge depuis des années, ça n'a rien à voir avec ce que dis Pablo qui est un scientifique. Je ne suis pas scientifique, mais je sais regarder, lire, analyser et synthétiser des données. Je n'ai pas lu grand chose qui va dans le sens inverse, qui dit que tout va bien, qu'on peut continuer comme ça.
S'il y a bien une chose que la "collapsologie" a mise en évidence pour moi, c'est que nous ne tirons aucun enseignement du passé. Nous avons à priori horreur des régimes dictatoriaux et pourtant ils refleurissent. Nous continuons avec une vue à court terme en nous disant que la technologie ou les milliards nous sauverons quoiqu'il arrive. Nous surveillons les météorites et réfléchissons même à des systèmes très coûteux pour détruire celles qui nous menaceraient éventuellement. Nous voulons coloniser d'autres planètes et dépensons des milliards pour ça. Nous voulons nous greffer des puces pour améliorer nos capacités, jouer avec nos gênes pour être plus forts (ça ne vous rappelle rien ?). Nous refusons toujours un peu plus notre condition et voulons nous ériger au niveau des divinités que nous avons inventées, en créateurs de notre propre univers. Mais on ne cherche pas à construire quelque chose de durable, de plus solidaire, équitable, on est juste frénétiques de conquête, de compétition, d'argent, de pouvoir, de possessions, de confort, de consommation. Vite vite, profitons de tout ce qu'on peut exploiter tant qu'il y en a et qu'on est vivants, le reste importe peu.
Je suis vraiment misanthrope, parce-que je ne me sens pas beaucoup de points communs avec une grande partie de mes semblables. Nous avons un trésor entre les mains, des capacités étonnantes, et ce que nous en faisons n'est que pur gâchis. Ceci pour tenter désespérément de sauver seulement 8 milliards de primates centrés sur leurs petites préoccupations et qui se fichent du reste. Et c'est justement ce reste qui m'importe davantage et retient toute mon attention, tant il est riche de merveilles. L'homme n'a pas besoin qu'on lui vienne en aide, il se croit indestructible. Je pense que ce petit virus n'est que le début. Il y en a eu bien d'autres avant, même récemment, et il y en aura de plus en plus. Je parcourais rapidement une étude hier qui mettait en relation la perte de biodiversité et l'émergence des zoonoses. Quand les virus n'ont plus leurs hôtes que nous détruisons, ils changent d'hôtes.