Azerty Qwerty a écrit :
Bonsoir,
J'aime bien te lire, tu émets des avis argumentés, c'est agréable et intéressant. Je me permets d'intervenir à propos du livre de Tinocco and Co (le 'and Co' est important) parce que j'ai lu. Ce que tu dis se tient très bien et effectivement, certains postulats sont discutables.
De même que l'adhésion des 3 auteurs à la psychanalyse.
Cependant, je pense que tu devrais passer outre ces objections légitimes et creuser un peu le sujet, d'abord parce que Tinocco n'écrit pas seul, ils sont 3, avec des approches et des démarches un peu différentes.
Ensuite parce que Tinocco est le premier à reconnaître qu'il pose des postulats, c'est-à-dire des hypothèses de travail qu'il considère comme pouvant (et devant) être discutées, ce qui est déjà bien plus honnête et ouvert que beaucoup de spécialistes auto-proclamés médiatiques (suivez mon regard...).
Enfin, parce qu'au début du livre, les 3 auteurs font tout un chapitre sur le caractère caricatural et inapproprié du terme de surdoué, et pourquoi ils le gardent quand même (en gros, de mémoire, par défaut), un peu comme un nom propre plutôt que comme un nom commun du dico. avec un sens bien défini.
Ah et puis pour ce qui est de psychanalyse, qui normalement me pose problème, leur position à tous les 3 est hautement divergente et critique du dogme habituel, au point que je me demande bien pourquoi ils s'en réclament toujours.
Ce que j'apprécie dans la démarche des auteurs, c'est cette capacité à décrire (plus qu'à définir) le profil atypique (qui me paraît un terme mieux adapté à leur propos que le HPI), en partant du fonctionnement typique (dont finalement ils parlent beaucoup plus), ce en quoi ils m'ont rendu de grands services !
En les lisant, j'ai compris beaucoup de choses sur la source de mes malentendus avec les autres, qui jusque là m'étaient restés obscurs.
J'ai aussi apprécié qu'ils ne dénigrent pas le fonctionnement typique, qu'ils ne le considèrent pas comme idiot ou moins performant, juste différent.
Ah oui et de mémoire, il y a aussi tout un chapitre où ils font une distinction 'surdoué' et 'mode surdoué', dans lequel ils expliquent qu'un surdoué peut choisir de fonctionner en mode typique, soit sur une période de vie, soit dans un domaine particulier, et que réciproquement pour le typiques !
Comme quoi, ce qu'ils appellent surdoués est effectivement différent du HPI/HQI, et c'est probablement pourquoi ils posent le postulat 3 que tu cites. Perso., je ne suis pas convaincue qu'utiliser le terme de douance soit de leur part le choix le plus judicieux.
Essaie de remplacer dans ta tête 'douance' par 'profil atypique', qui est bien plus vaste, et tu trouveras peut-être leur démarche plus intéressante.
Cela n'empêche en rien leur postulat sur les tests de QI d'être discutable, mais si on tient compte de leur propre définition du mot surdoué, on comprend que cette posture vis-à-vis des tests est assez secondaire, c'est juste un critère qui ne les intéresse pas (puisque pour eux, on peut ne pas avoir un QI > 130 et fonctionner sur le mode surdoué).
Une partie de ce postulat, reformulé différemment, me semble d'ailleurs vraie : la courbe de Gauss des valeurs de QI est un continuum, pas une suite de segments. Mettre la frontière entre surdoués et les autres à 130 est assez arbitraire, et selon qui passe le test, et qui le fait passer, ceux dont le niveau de performance tourne autour de 130 vont se retrouver d'un côté ou de l'autre de cette frontière arbitraire.
D'où l'intervalle de confiance, qui relativise pas mal le sacro-saint score de QIT, et la possibilité de prise en compte de l'IAG, ou d'autres indices, en cas de profil hétérogène, qui sont, j'espère ne pas trop m'avancer et raconter de bêtises, la majorité des cas (source : Stéphanie Aubain,
https://metadechoc.fr/podcast/contes-et ... elligence/ j'ai chopé le lien sur ce forum, je suis en train de l'écouter).
En cela, la prise en compte stricte et stupide du QIT rend le test non fiable. Mais tout comme toi, je ne suis pas d'accord avec la suite du postulat, car précisément, un bon praticien pose une détection de douance (on devrait arrêter avec le terme 'diagnostic', c'est réservé aux maladies ou aux troubles, ce que n'est pas la douance, et les mots, c'est important je pense) sur un ensemble de critères, pas juste le QIT.
Perso. j'ai pris ce livre presque plus comme un cheminement philosophique pluridisciplinaire, qui emprunte aux sciences humaines en général, dont l'anthropologie (là je les crois sur parole, je n'y connais rien !), que comme un guide 'éclairé' sur le HPI/HQI.
J'ai apprécié leur rapport aux récits, collectifs et/ou individuels, et aux 3 angoisses existentielles que ceux-ci soignent, et l'ironie (consciente de leur part il me semble), que cette théorie est elle-même un récit qui remplit les mêmes fonctions.
Le fait qu'ils expliquent pourquoi la 'douance', c'est le sujet sur lequel les surdoués cessent de l'être (une expression à eux). Ben oui, quand ça nous touche de trop près, on perd facilement toute rationalité, et pour peu que le récit explicatif qu'on nous propose paraisse reposer sur des bases solides, il sera terriblement séduisant : le fameux 'trop intelligent pour être heureux', qui parle à tout le monde, HPI ou pas (on adore tous les dichotomies et l'ironie dramatique en récit, ça sonne 'vrai' même quand c'est juste 'creux').
Notre tiraillement permanent entre collectif et individuel, surtout en occident : on veut être comme tout le monde pour appartenir au groupe (animal social), mais on ne veut pas être insignifiant (animal social ≠ animal grégaire -> j'ai droit à ma différence !), c'est pas gagné...
Bref, peut-être ne seras-tu pas d'accord avec leur théorie, mais elle a le mérite d'être proposée, pas imposée, d'être réellement atypique parmi le fouillis des légendes actuelles qui nous polluent tous, et le prisme de lecture du monde qu'elle propose permet de prendre du recul, et d'engendrer une réflexion féconde (ouh ça fait très jargon politicien ça, mais je crois que j'y crois, alors je le laisse

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Et reviens en discuter, les avis différents permettent de prendre de la distance
