
Qu’est-ce ?
Au début de l’année, je me suis résolu à franchir les portes de la Triple Nine Society (TNS pour les intimes). C’est une société (ou association) de personnes surdouées et majeures, société comparable à Mensa mais avec un seuil d’admission plus élevé puisqu’il faut trois écarts-types au-dessus de la norme et non deux pour y être admis. Trois écarts-types, c’est le 99,9e centile, d’où le nom de la société qui en anglais signifie : « triple neuf ».
Motivation
Je n’aime pas trop le concept de ces sociétés et clubs exclusifs, alors pourquoi y ai-je mis les pieds ? Parce que je suis content d’avoir trouvé adulte-surdoué.fr, je m’y sens bien, une sorte de refuge dans ce cul-de-basse-fosse qu’est Internet en général, et je me demandais si la fréquentation de gens doués y était pour quelque chose. Et si c’était encore mieux avec des gens encore plus doués ? Raisonnement naïf, peut-être, mais ça ne coûtait pas grand-chose d’essayer.
Inscription
Cette société fait payer une cotisation annuelle d’environ dix euros (Paypal ou chèque), surtout pour financer l’écriture et la diffusion des six numéros annuels du journal Vidya (version pdf, c’est plus cher pour l’option papier), mais aussi pour des frais administratifs et pour organiser (mais pas financer) des rencontres comme la ggg999 ou la egg999, deux événements annuels qui sont respectivement aux US et en Europe. (À titre de comparaison, l’association Les Hauts Talents a une cotisation de 45 € par an.) Et bien sûr il faut montrer patte blanche en envoyant une copie du WAIS (ou autre test faisant foi, la liste est disponible sur leur site ; le WISC n’en fait pas partie). Plus de trois écarts-types au WAIS, cela signifie un QI supérieur ou égal à 145 : pas de problème, il me suffit de maquiller mon bilan en ajoutant un « 1 » devant mon résultat et j’arrive à 183.
Arrivée
Une fois l’inscription validée et payée, on reçoit un message de bienvenue de la part de la personne qui valide les inscriptions, et un autre de la part de la personne qui dirige la publication de Vidya. Cette dernière demande une petite biographie voire une photo histoire d’être présenté dans la prochaine édition du journal (ce qui m’a permis de voir que sur la douzaine de nouveaux qui se présentent chaque mois, il y a souvent trois ou quatre français !), mais ce n’est pas obligatoire. Quelques semaines plus tard le journal sort, une ou deux personnes (ou bien les deux personnes ? Vu le contenu…) ayant lu le journal envoient un petit coucou par e-mail et… c’est tout.
Activité
Il faut savoir qu’il n’y a pas de forum sur leur site, qui n’est guère plus fourni une fois qu’on est connecté en tant que membre que quand on est un visiteur anonyme. Ce fut une grosse déception. On peut trouver un répertoire avec la liste de tous les inscrits (1868 dans le monde à l’heure où j’écris ces lignes, dont 114 en France) et les informations que ces derniers acceptent de rendre visibles aux autres membres (adresse postale, mail, etc.) mais ce n’est pas vraiment un outil de communication. Il existe des groupes Facebook ou Linkedin, et des listes de diffusion sur Yahoo mais, en internaute responsable, je n’ai de compte sur aucune de ces monstruosités. En me faisant violence et une adresse mail bidon, je m’inscris sur la liste de diffusion francophone où je poste un message pour me présenter. Je reçois un bon accueil, une dizaine de réponses suivies pour certaines d’une courte discussion.
[Mise à jour 2021] Le site TNS est maintenant pourvu d’un serveur Discourse qui remplace Yahoo, et fait à la fois office de forum et de réseau social, en supplément de Facebook et Linkedin. C’est beaucoup mieux.
Dîner parisien
En cherchant dans l’historique des messages je vois que l’activité est très basse sauf à l’approche du 9 de chaque mois, où un dîner parisien est organisé. Je m’inscris au premier qui passe et me retrouve un soir dans une petite pizzéria avec de charmants inconnus fort différents les uns des autres. Nous mangeons et discutons toute la soirée, l’ambiance et la pizza sont bonnes, forcément ça parle beaucoup de sociétés pour hauts QI, mais pas trop du bilan car la plupart des personnes présentes a déjà digéré le résultat depuis longtemps. Après le repas certains doivent se sauver, mais nous sommes quatre courageux à poursuivre dans un bar plus loin dans le quartier, quatre nouveaux dont c’était le premier dîner. Nous passons encore un bon moment, un peu plus intimiste, au cours duquel nous pouvons partager nos impressions après ce premier repas. On se quitte en fin de soirée après échange d’adresse mail, on discute quelques jours avant d’arrêter.
Suite
Les mois ont passé, d’autres dîners ont été organisés mais je n’ai pas vraiment eu l’envie d’y retourner. N’ayant pas de moyen de créer des liens ou d’avoir des discussions quotidiennes avec les membres, les retrouver dans un restaurant est un exercice un peu artificiel, forcé, sur la seule base d’une caractéristique commune. Les listes de diffusion sur Yahoo, c’est comme un forum mais en moins bien, pour moi ça faisait un doublon boiteux avec adulte-surdoue.fr. L’idée de revoir certaines personnes trouvées sympathiques — notamment les compagnons de la seconde mi-temps — me donne envie d’y retourner, mais le manque de « naturel » de ce rendez-vous m’en a toujours dissuadé. Il y a quelques jours, un échange de messages avec ces derniers m’apprend qu’ils sont dans le même état d’esprit.
Bilan
Le bilan de tout ça, c’est que ce que j’apprécie ici n’est pas forcément lié à la douance, et c’est tant mieux. Les gens que j’ai rencontrés chez TNS ne m’ont pas paru « mieux » que ceux que j’ai rencontrés par le biais de notre forum, d’ailleurs chez TNS j’ai perçu les échos de guéguerres puériles entre certains membres, d’idées nauséabondes chez d’autres… Bref ils restent des humains normaux avec du bon et du moins bon, et là aussi c’est tant mieux. Cette société est bien moins active que Mensa et je ne vois pas trop d’intérêt à y rester, à moins de vouloir prendre le taureau par les cornes et organiser plein de trucs. Mais même cela ne semble pas aisé, il y a une vieille structure en place avec, semble-t-il, une difficulté à accepter que les choses échappent à son contrôle. Même créer un forum semble compliqué, au point qu’un membre dissident plein d’amertume ait créé un forum sur un site externe, ce que les officiels ont assez mal pris. Au passage, le forum n’a guère décollé.
Bref, TNS est une vieille société élitiste, sans but apparent à part peut-être s’enorgueillir du nombre de ses membres. On peut acheter un badge ou une tasse avec le logo de TNS. Ou bien montrer sur LinkedIn que l’on fait partie de ce groupe, si ça peut être utile. Je n’ai pas eu vent de poignées de main secrètes. C’est une société juste pour faire partie d’une société, un aspect de la culture anglo-saxonne, mais certainement pas une nécessité pour un THQI. Il y a des gens sympas là-bas. Il y en a partout.
