[mention]enufsed[/mention] : la plaisanterie fait ici référence à ma propre répugnance à laisser transparaître un genre à l’écrit quand je parle de moi-même. Le premier paradoxe est que je n’use pas forcément de cette coquetterie, habituellement, quand je parle de quelqu’un d’autre, puisque dans le même temps je me moque éperdument de ce que l’on s’adresse à moi ou parle de moi au masculin ou au féminin. L’autre paradoxe qui n’en est pas un, c’est justement qu’indépendemment de mes propres souhaits en ce qui concerne la société européenne actuelle et future, je n’ai pratiquement pour lectures familières et pour modèles que des littératures comprises entre le dix-septième et le vingtième siècle (et encore pas jusqu’à la fin), et n’ai pour ambition littéraire que mon aptitude au pastiche - d’où par exemple mon panégyrique de Tournelune

. Dans ces conditions donc, je lis et j’écris une langue où les aspects évoqués plus haut sont normalement présents puisqu’il s’agit d’une langue sciemment « datée ». Si j’écris un texte à titre personnel et à visée poétique, il reprendra les codes du style sur lequel j’ai jeté mon dévolu, y compris la règle du masculin « qui l’emporte » si cela correspond au contexte choisi. C’est dans le contenu et dans lui seul que je prendrai la liberté d’exprimer éventuellement, si le sujet s’y prête, des vues égalitaristes qui me tiennent à cœur.
Dans les usages « contrôlés » et « publics » de la langue de tous les jours (textes rédigés pour le travail, prise de parole en public) je fais habituellement usage d’une langue classique, évitant tant que faire se peut barbarismes et néologismes ; faute de solutions de type « autrice » (cas d’un terme existant, attesté jusqu’au XVIIIe, qu’il m’est donc loisible d’utiliser à ma guise, de même que l’accord de proximité dont l’usage est également attesté), je préfère généralement me replier sur la règle existante plutôt que d’admettre une tournure qui alourdit. Dans le cas de l’écrit, je me tâte encore en ce qui concerne la graphie dite « inclusive » fonctionnant avec le point médian, je crois que nous n’avons pas un recul suffisant pour savoir si cette initiative est une coquetterie sans effet réel sur les comportements et les mentalités, ou si l’évolution des pratiques de la langue écrite et orale contribuent réellement à un progrès concret. Donc en dehors de la revendication du droit d’user de formes et tournures non fautives puisqu’attestées historiquement, je reste attentiste et j’estime par ailleurs que l’absence de discrimination que je m’efforce de mettre en œuvre dans le reste de mon existence est une contribution largement plus concrète.
Je ne pense pas qu’il y ait risque de communautarisme car les revendications ne portent pas sur l’utilisation par chaque groupe supposé d’une langue hermétique voire interdite aux autres. Au contraire, je trouve qu’il y a une manifestation forte de cette manie vraisemblablement plus française que globalement européenne, où chacun continue de penser que la langue doit être administrée et rester une et indivisible, et qu’en conséquence, il convient pour chacun d’aspirer à ce que ses propres solutions finissent par être adoptées par tous. C’est pour moi, au contraire, un excès de cette idée d’Histoire commune (à tendance Lavisse). Donc pour en revenir au début, j’incite effectivement mes collègues à préférer un substantif correctement formé à un néologisme qui confine au barbarisme, et n’encourage pour le reste aucune « tendance ». L’abus d’autorité que je me vantais de pratiquer est une plaisanterie.
Sinon, à mes oreilles, chez Apollinaire c’est une rime en « eure » et en aucun cas en « eur »
