Le Royaume des fées, en images (suite et fin).
Tout d’abord erratum : il semble que les noms des personnages ne proviennent pas d’un texte pour bonisseur, mais d’une notice issue des catalogues de de distribution des films, attribuée au réalisateur, et publiée dans son intégralité dans
L’œuvre de Georges Méliès de Jacques Malthète et Laurent Mannoni, éditions La Martinière (2008). Comme quoi on fait toujours bien de remettre le nez dans les sources.
Et donc, mes commentaires à moi

sur le découpage de Méliès (titre des tableaux repris de la source ci-dessus ; vidéo publiée, selon les notes dans youtube, avec l’autorisation de Lobster films, éditeur du DVD, donc tout va bien).
Tableaux 1 à 3
Les fiançailles du prince Bel-Azor ; les présents des fées ; la malédiction de la sorcière.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=6s
La mise en scène est d’emblée caractéristique de l’hybridation, chez Méliès, entre le cinéma et le théâtre. La symétrie de la composition est là pour souligner la solennité du moment, et comme dans le théâtre du XIXe siècle, les comédiens vont se disposer de manière à s’adresser au public car, dans le théâtre du XIXe siècle, le principe du « quatrième mur » est pratiquement inexistant. Le prince (joué par Méliès) et sa promise qui, dans une situation réaliste, devraient faire face au trône, vont écouter le discours du Roi auquel ils tournent le dos.
Dans le décor, pastiche d’esprit très Viollet-le-Duc, peu d’éléments en volume : le praticable et les sièges. Des éléments dont l’échelle aurait permis une réalisation en volume (le baldaquin, les lustres) sont en toile peinte, renforçant l’effet théâtral. Sur le plan des références « historiques », on ce sont les confusions habituelles de l’imagerie populaire, celle-là même que l’on retrouvera à Hollywood et chez Disney. Chez les dames de la Cour, au milieu des tenues « historicisantes » (avec port du hénin, cliché du costume médiéval qui n’est pourtant qu’une mode parmi d’autres du milieu du XVe siècle), on trouve des robes qui évoquent plutôt Paul Poiret.
Par référence à une autre convention théâtrale, les rôles des pages sont interprétés par des jeunes femmes. Dans le célèbre
Voyage dans la Lune, cette convention s’applique notoirement aux cadets de la marine qui participent au lancement de l’obus spatial. Même si c’est beaucoup moins le cas dans
Le Royaume des fées, cette tradition théâtrale recouvre une certaine hypocrisie pendant tout le XIXe, car sous prétexte de représenter des jeunes hommes par des comédiennes, on peut leur mettre des tenues beaucoup plus près du corps qu’on n’aurait le droit de le faire en temps normal... bah, jusqu’à ça, ci-dessous, en fait.
Le Voyage dans la Lune est typique de l’utilisation de cette convention théâtrale pour permettre aux spectateurs de se rincer l’œil. Dans le cas qui nous intéresse, c’est moins marqué, mais ça permet tout de même de mettre quelques jeunes femmes en collant. Or, globalement, le cinéma primitif nous parait aussi sexiste que le reste de son contexte historique ; mais vis-à-vis de l’époque, il est plutôt progressiste, intègre rapidement des héroïnes dans les films d’aventure ou dans les comiques. Face à Méliès, du côté du puissant studio Gaumont, il y a une directrice artistique et réalisatrice, Alice Guy, femme dans une position hiérarchique alors rare dans le monde artistique, et qui n’est du reste pas devenue beaucoup plus courante de nos jours. Mais je m’éloigne du sujet.
Les bonnes fées font apparaître leurs cadeaux par un simple arrêt de caméra ; une fois leur fonction accomplie, elles vont se placer de manière symétrique pour équilibrer la composition : le « tableau » est aussi une composition humaine, laquelle culminera à la fin du film.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=39s
Puis le Roi va conclure la cérémonie par quelques gestes amples et caractéristiques de l’art oratoire du temps.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=56s
Arrive la sorcière qui, dans sa fureur et sa gesticulation, fait en sorte de se présenter essentiellement de trois-quarts, et parfois de face ou de profil vis-à-vis du public. Et ainsi de suite, vous avez compris le principe.
Cette pratique est la transcription cinématographique de la pratique théâtrale de l’avant-scène. Au théâtre, l’avant-scène (beaucoup moins utilisée et parfois démontée dans les salles actuelles) est la partie du plateau qui s’avance devant le cadre de scène, et donc parfois jusqu’à plusieurs mètres devant le rideau. « Point focal » de l’acoustique et de la visibilité de la salle (c’est un endroit d’où le comédien est entendu et vu même des mauvaises places d’une salle à l’italienne d’où on voit peu ou pas le décor), l’avant-scène est l’endroit où les personnages sur lesquels se concentre l’action, ceux qui ont une tirade ou un dialogue à dire, un air à chanter ou une interaction physique à montrer, vont s’avancer. Le jeu à l’avant-scène, qui est encore la règle au début du XXe siècle, consiste à projeter la voix et la gestuelle vers le public. Dans le cinéma de Méliès, il n’est pas utile de s’approcher de la caméra (c’est même impossible, le comédien serait flou). Dans le film, donc si la hiérarchie des plans est respectée et l’action principale toujours en avant, après quoi le comédien qui ne sort pas du champ va se placer -comme nos fées - à l’arrière, en revanche la profondeur de champ est fortement réduite, la distance entre les plans est minimale.
À la fin du tableau, la sorcière disparaît dans un nouvel arrêt de caméra auquel succèdent des flammes réalisées en surimpression : après tournage du plan avec les personnages et le décor, la pellicule est rembobinée et de nouveau exposée, cette fois avec les torches filmées devant un fond entièrement noir. Le noir n’impressionne pas le négatif, seules les flammes apparaissent et se superposent à la scène filmée précédemment. Le fond noir est littéralement l’équivalent du fond vert actuel, le détourage de l’image s’effectuant par les propriétés du film argentique et non par un traitement en post-production.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=1m10s
Tableaux 4 et 5
Le boudoir de la princesse Azurine ; Enlèvement de la princesse par les démons (le char de feu)
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=1m15s
Tout de suite, c’est beaucoup plus Art-Nouveau. Pour l’esprit du temps, la féérie, c’est souvent lié au WTF architectural, comme en témoigne cette toile de fond issue d’un décor de théâtre de papier, le Jardin des fées de l’éditeur J.F. Schreiber. En comparaison, le décor de Méliès est relativement cohérent.

J’en ai photographié un exemplaire en meilleur état il y a quelques années dans les réserves du Musée du Jouet de Bruxelles, mais je ne retrouve pas ma photo. Je vous la mettrai si je remets la main dessus. Je m’intéresse pas mal au théâtre de papier mais ce n’est pas le sujet.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=2m
La sorcière apparaît par un procédé de théâtre, là où on aurait parfaitement pu proposer un trucage cinématographique : toujours ce mélange. Méliès avait une maîtrise de la surimpression tout à fait suffisante pour dissimuler cette trappe noire... au lieu de quoi la sorcière arrive, comme au théâtre, sur un tampon (plate-forme élévatrice venant du dessous de scène). Après quoi elle lance ses imprécations en n’oubliant jamais de se tourner assez souvent vers le public, je ne reviens pas dessus.
L’un des deux démons combattus par le prince disparaît lui aussi sur un tampon, le second par arrêt de caméra, un effet de théâtre et un effet de cinéma dans l’espace de quelques secondes.
Tableaux 6 et 7
Le sommet de la tour, l’alarme ; la chevauchée fantastique
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=3m24s
Alors là, c’est très intéressant. Le plan est tourné en deux fois : comme on le voit au tremblement des deux parties de l’image et à la différence de saturation laissant apparaître nettement la délimitation oblique, la partie du haut est rajoutée en surimpression (cet effet n’est pas raté et n’était pas vraiment perfectible en raison de l’imprécision du matériel de l’époque ; le tremblement, notamment, provient de l’imprécision du guidage de la pellicule dans la caméra).
Or, avec un tel procédé, Méliès aurait pu chercher le réalisme des proportions et du rapport d’échelle, et il n’en est rien. Ce plan reproduit quelque-chose qui aurait pu se passer de la même manière sur une scène, les comédiens auraient alors emprunté un praticable dissimulé entre deux toiles peintes. On ne fait pas ici que s’abstraire du vrai, on s’abstrait aussi du vraisemblable. Les relations avec l’imagerie populaire et l’ancrage dans le champ de l’onirique ont une traduction visuelle très concrète. Le jeu des proportions se retrouve dans la photo figurant plus haut, extraite du
Voyage dans la Lune, où le traitement des rapports d’échelle et de perspective pourraient aussi rappeler l’image médiévale.
Tableau 8
La salle d’armes
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=3m54s
La toile de fond comporte une perspective forcée vertigineuse montrant une immense salle. L’effet n’est pas beaucoup plus réaliste qu’au plan précédent, mais il est ici inverse. Toute l’image est nette, pas plus de profondeur de champ que dans une image d’Epinal, tandis qu’elle représente tantôt une scène d’extérieur où l’espace est minuscule, tantôt une scène d’intérieur où la pièce est immense. L’enchaînement de ces deux plans semble proclamer la liberté que le cinéaste peut prendre avec toute chose.
Un autre point contribue à faire de ce plan une gravure vivante : l’excellence du raccord entre les toiles peintes et l’escalier réel, dont il est bien difficile de deviner le volume avant que n’apparaissent les comédiens.
Les témoignages de la deuxième moitié du XIXe siècle évoquent ce niveau de maturité de la peinture de décors de théâtre et la qualité de l’intégration d’éléments en volume et d’éléments en trompe-l’œil dans un même ensemble. Sur les scènes de l’époque, ces qualités permettaient des illusions impressionnantes pour qui avait la chance de se trouver dans l’axe de la scène (c’est-à-dire, en réalité, pour une part minoritaire des spectateurs...).
Tableau 9
Vision dans la chambre hantée
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=4m47s
La représentation de la vision ou du songe se fait fréquemment dans le théâtre du XIXe siècle par le moyen du changement de décor à vue. Le cinéma permet évidemment de porter cette figure de style à un niveau différent.
Dans la vision, une « bande de terre » (toile peinte sur châssis en partie basse représentant les rochers) vient opportunément dissimuler la planéité de la scène qui n’aurait pas convenu au caractère sauvage du paysage. C’est là un vocabulaire typiquement théâtral, encore, alors que l’apparition et la disparition instantanée de la vision n’appartiennent pour leur part qu’au seul cinéma.
Remarquez bien le décor de la vision, cette tour sans porte où l’on n’accède que par une corde, cette seconde tour sur le promontoire en arrière-plan, nous en reparlerons, et regardez partir la sorcière, que Méliès ne prend jamais au sérieux, de manière ridicule. Sa gesticulation et sa posture sont repris directement du jeu alors standardisé correspondant aux vieillards ridicules.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=5m27s
Tableaux 10 et 11
Le génie remet l’armure au prince ; L’armure invulnérable.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=5m29s
La posture et les gestes plus sobres de la fée Aurore sont, au contraire, caractéristiques du registre héroïque, même si le rythme spécifique à Méliès réduit à quelques secondes ce qui, dans du théâtre parlé ou chanté, aurait été un dialogue dans lequel la fée aurait dû se montrer à la fois bienveillante et autoritaire.
Tableau 12
Embarquement sur la galère royale.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=6m13s
Revoici notre armée de cadets féminins, dont on a dit combien le rôle était, dans ce film, bien moins ouvertement « décoratif » que dans d’autres. Sur le bateau, l’insigne « Star Film » (marque commerciale de Méliès qui est son propre producteur et son propre distributeur) apparaît ; moyen dérisoire de lutte contre la contrefaçon, il apparaît au moins une fois dans chaque film.
Tableaux 13 et 14
Affrontement de la tempête en mer; L’embarcation fait naufrage sur les rochers.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=7m10s
La maîtrise du trucage par emploi de maquettes reste certes encore rudimentaire (l’emploi du ralenti pour rendre les effets physiques plus naturels n’est pas encore connu), mais Méliès ne se contente pas d’un seul effet. Il associe aux maquettes un procédé théâtral (le mouvement des nuages peints) et un procédé cinématographique (le ciel illuminé par les éclairs).
Tableau 15
Naufrage au fond de la mer (poissons vivants et monstres marins) (sic)
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=7m37s
Tableau 16
Le prince sauvé par la reine des sirènes
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=7m48s
Il ne faut pas chercher la vraisemblance et donc, il ne faut pas non-plus chercher les raccords. Le fond de la mer du tableau 15 n’est plus celui du 16. L’épave peinte a l’air d’un navire plus imposant que celui du tableau 12. Première occurrence d’un principe de faux raccord qui reviendra par la suite.
Tableaux 17 et 18
Les grottes marines ; Défilé des « habitués » des profondeurs (sic). Le char de Neptune.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=8m40s
À partir de ce point, la narration va ralentir et le réalisateur se délecter de son pouvoir démiurgique, en enchaînant les visions oniriques.
Le défilé des créatures marines et des figurants est un classique de la scène théâtrale, une tradition consistant à mettre en avant la richesse du théâtre, avec un cortège traversant la scène en présentant des images toujours plus somptueuses. Suites de rois et de dieux, armées, processions diverses en fournissent l’argument. Ce tableau est purement décoratif comme le sont également les suivants.
Tableaux 19 et 20
Le palais des homards ; La flore de mer. La grotte d’azur.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=9m29s
Ces séquences, comme toutes les séquences de la partie sous-marine, sont tournées au travers d’un aquarium...
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=9m42s
Un authentique changement à vue, les châssis (toiles peintes) s’écartent pour suggérer (et non simuler) un déplacement, que tout autre réalisateur aurait représenté par un travelling avant dans un décor en volume, ou par un effet de montage. Méliès nous tient dans son doux délire.
Tableaux 21 et 22
Dans l’empire de Neptune ; La baleine, « omnibus des profondeurs ».
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=10m21s
Court « ballet » introductif, personnages disposés comme un « groupe » statuaire, nous sommes ici dans un univers d’opéra baroque, Neptune pourrait chanter du Lully.
Tableau 23
Sur la terre ferme. L’entrée de la caverne.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=11m23s
Tout esprit raisonnable se demanderait pourquoi la baleine n’a pas débarqué les personnages directement au pied de l’îlot sur lequel se devine, au loin, le château où la princesse est enfermée. Lequel ressemble encore tout à fait à celui de la vision du prince dans la salle d’armes.
Tableaux 24 et 25
Départ de la caverne. La falaise abrupte ; Un plongeon de 100m.
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=12m23s
Réponse à la question précédente, ben parce qu’il y avait un tunnel. L’esthétique des décors est devenue franchement romantique.
Tableau 26
Le château du diable
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=12m52s
Le château dans lequel la princesse semblait emmurée comme Raiponce a en fait une porte : la tour avec la corde et la poulie se trouve en arrière-plan mais semble désormais avoir des proportions réalistes. Le jeu de cache-cache avec notre logique se poursuit, pour quelques séquences, dans une débauche de toiles peintes cette fois nettement illusionnistes, où les proportions sont plus conventionnelles : par contraste avec la séquence sous-marine totalement délirante, l’action concrète qui reprend ici le dessus doit mobiliser toute l’attention.
Tableau 27
Le château en feu
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=13m34s
Voici à quoi nous préparaient les séquences précédentes « au grand air » : un plan au réalisme surprenant et à l’effet anxiogène par le fait que subitement, toute fantaisie a disparu. Le film devient « sérieux » pendant quelques secondes.
Tableau 28
La mort de la sorcière
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=14m2s
La détente survient aussitôt avec la revanche du prince sur la sorcière qui finit de manière ridicule, enfermée dans un tonneau...
Tableau 29
Le tourbillon d’eau
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=14m56s
Mais contrairement à la mention portée par le tableau précédant dans le texte d’accompagnement, elle n’est pas encore morte.
Tableau 30
Le palais du roi. Le cortège nuptial
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=15m9s
Et nous voici revenus au château, et par la même occasion dans les proportions étriquées du studio et du théâtre Robert-Houdin, vous vous souvenez, comme au tout début du film. Retour au point de départ, donc, dans cet espace qui semble bien petit pour un cortège. Comme dans un rêve, les séquences centrales (le royaume de Neptune et sa fantaisie revendiquée, le sauvetage et son esthétique romantique) ont constitué un singulier voyage. La vie des héros reprend comme au début, tout en courbettes et en gesticulation.
Tableaux 31 et 32
La reine des Airs dans son domaine ; Le Royaume des fées - Apothéose
https://youtu.be/AfmH7WyWXg8?t=15m39s
Oui, mais non. Car on nous réserve une dernière surprise, et celle-ci vient tout droit du théâtre du Châtelet, et du style de théâtre musical à grand spectacle qui s’y développe à la fin du XIXe siècle. Le tableau « apothéose » commun à ce genre théâtral et à nombre des grandes fééries de Méliès (or les spectacles du Châtelet sont eux aussi souvent appelés « féérie » ou « opéra-féérie ») est fondamentalement un héritier de la longue tradition lyrique française, fondée par Lully, et où un ballet final (puis plus tard un « ensemble » avec chœur) sans aucun enjeu narratif termine le spectacle avec un maximum de pompe.
Nous sommes ici dans les proportions très modestes de Robert-Houdin et donc, le tableau final est tout petit, le corps de ballet y est franchement à l’étroit. On a également du mal, avec le recul, à imaginer que le niveau chorégraphique ici à l’œuvre ait pu représenter le standard de l’époque - or, ce sont les danseuses du Châtelet qui participaient réellement aux tournages à Montreuil. Je vous avoue que la danse est pour l’instant l’angle mort de mes notions des arts de la scène au tournant des XIXe et XXe siècles, et la question mériterait plus ample exploration.
Quoiqu’il en soit, après l’avant-goût de la séquence chez Neptune, le film se clôt avec l’apothéose finale, ballet, mouvement à vue des toiles de décor d’une manière traditionnelle (et maladroite en comparaison de la technicité du reste du film), et immobilisation finale en un groupe symétrique sur lequel on imagine l’accord final d’un accompagnement sous forte influence opératique.
Conclusion
Méliès est à la croisée de beaucoup de mes préoccupations, dont, vous l’aurez compris, les arts de la scène du XIXe et du début du XXe siècle, ainsi que l’histoire des techniques. Ce n’est peut-être pas un hasard si j’ai autant d’attachement à un réalisateur qui, lui-même, était un mordu d’opéra et de théâtre musical. Je n’ai pas l’impression de fonctionner comme Enufsed par correspondances avec des questionnements plus introspectifs, ce sont beaucoup plus les résonances esthétiques, la prise en compte du contexte, qui sont le déclencheur du plaisir ; et au delà, constamment, une capacité à me glisser dans la peau du spectateur du début du XXe siècle ou plutôt à l’imaginer. À m’émerveiller de son émerveillement.
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