Alors pour ma part, qui suis également kinesthésique, c’est une appréhension du monde qui passe par le corps. Là où les visuels passent par des informations qui passent par l’oeil, les auditifs par des informations qui passent par l’oreille de façon préférentielle, les kinesthésiques passent par le corps. Dans une conversation restituée, par exemple, la matière sur laquelle on a été assis pourra être mémorisée.
On avait eu dans mon cursus de pédagogie une intervenante qui nous avait fait faire des petits jeux pour connaître notre canal préférentiel. L’idée était de nous faire comprendre que diverses approches pédagogiques y compris au niveau du langage et vocabulaire employé étaient nécessaires.
Être kinesthésique pour le chant est un atout car la proprioception ( perception fine de la position des différentes parties du corps) est très importante. Et même si cela s’éduque, c’est un plus de partir avec cet atout. Je ne suis cependant pas gênée d’échanger via un écran. Mon imagination fertile prend le dessus, j’imagine des tons et grains de voix notamment.
Quand j’ai commencé à vouloir faire de la photographie de manière un peu plus structurée, j'étais très pessimiste, me pensant de coup lamentable -visuelle. En fait, j’ai découvert alors que non. Et surtout que l’oeil s’éduque, bien sûr, au même titre que l’oreille ou la proprioception. Par contre, je pense que ma première façon d’appréhender le monde, par le corps, apporte un quelque chose à mes photos même si c’est différent de lorsque je chante. Le chant passe par le corps, celui qui écoute reçoit diverses informations vibratoires, également. Il y a un échange de corps à corps en plus de la musique, du style, et de la sensibilité du chanteur (je limite mon lyrisme pour rester dans le sujet !)
Pour ce que tu racontes, Simple, avec cette histoire de fourmi, peut-être ton interlocuteur a-t-il été simplement surpris et n’a su quoi répondre. Et toi, pensant pouvoir ouvrir l’autre à ton enthousiasme, t’es-tu sentie seule avec ton cadeau, si je puis dire. Je ne sais pas si, même en étant kinesthésique, j’aurai répondu avec enthousiasme. Je ne suis pas très sensible à la fourmi en général, et encore moins au corps de celle-ci. J’aurai peut-être rebondi par contre avec un trait d’humour pour ne pas que tu te sentes trop isolée avec ton cadeau un peu défraîchi.
Mais approprie toi cette particularité, cette singularité peut-être sans chercher à ce qu’elle trouve nécessairement un écho chez l’autre. C’est toi, cela fait partie de toi, c’est un très joli cadeau qui peut montrer ou faire percevoir le monde autrement à l’autre, c’est plutôt joli, et très chouette.

Peut-être manques-tu d’une activité ou passion qui puisse te permettre de développer ou mieux découvrir cet aspect de toi. Après, pour moi, dans ce que tu relate, j’entends une deuxième histoire qui m’interpelle. Peut-être que ce que tu relatais n’etait pas « le problème », mais à qui, ou quand : peut-être que vous ne vous connaissez pas encore assez en tant que collègues pour prendre ce risque relationnel d’ouverture d’une dimension qui te touche plus, peut-être qu’il a simplement été surpris et n’a su alors quoi répondre (attitude relationnelle fréquente). Quand on est hypersensible, je pense qu’il est bon de ne pas exprimer pleinement ce que l’on ressent sans être attentif à qui ou quand on le confie sous peine de déconvenues qui peuvent entretenir des sentiments d’illégitimité ou de découragement. Mon avis n’engage que moi, bien sûr, mais pour ma part, je me protège mieux, suis plus en confiance et plus apaisée dans mes rapports aux autres depuis que je fais plus attention à cette dimension. Il y a ce que je peux dire (comme ton histoire de fourmis) en sachant que je peux ne pas trouver d’écho : cela ne remet pas en cause l’authenticité de ma démarche, de ma pensée et de ma déclaration. Par contre, j'évite de faire ces moments d’ouverture d’un univers sensible personnel si je suis en insécurité intérieure ou en fragilité afin de ne pas réveiller mon sentiment d’incertitude, d’illégitimité ou de « solitude désespérée dans un monde qui ne me comprend pas ». Cela a pas mal changé ma vie...
Enfin, pour ma part cette façon d’être, je l’apprivoise et la canalise dans certains domaines car je sais qu’elle ouvre à une hypersensibilité qui peut amener à des déconvenues ou accentuer des difficultés. Ainsi, après une rupture amoureuse éprouvante, j’ai dû changer de parfum. Je ne parvenais pas à ce qu’il ne réveille pas le passé. Cela m’a beaucoup aidé quand j’ai changé, même s’il m’en a fallu plusieurs avant de retrouver la perle rare (côté parfum seulement

). Et comme dans mon métier c’est un atout, tant en tant que chanteuse qu’en tant que prof (c’est comme si j’avais une sorte de « scanner » qui détecte les bugs dans la posture, dans les erreurs de pressions) et bien ma kinesthésie, c’est mon amie!
