
le bazar des unités, des mesures et des transactions en forêt
La forêt est un milieu régit par des règles et des traditions parfois archaïques et non standardisées, un exemple qui le montre bien est la vente de bois. Désolé par avance, le sujet est un peu complexe à décrire et horriblement compliqué à mettre en place sur le terrain.
Déjà il n'existe pas une manière de vendre du bois mais des dizaines, chaque région, chaque essence à ses spécificités et particularités mais en gros on peu distinguer plusieurs types de ventes :
Les ventes publiques, il s'agit des ventes de l'ONF. En général elles ont lieu une à deux fois par ans, sont publiques et sont le rendez vous de tout les forestiers du coin. L'ambiance est bon enfant, on ris, on parle fort, on s'engueule parfois on en viens au mains et souvent on va boire des coups après. Mais déjà la il existe plusieurs types de ventes suivant les régions, toutes aux enchères mais selon différents modes (secrètes, descendantes ou à la bougie)
Les ventes privées. L'acheteur négocie directement avec le vendeur et c'est la que les ennuis commencent... suivant les essences et les régions et les envies de chacun on peut vendre :
Soit "En bloc" l'acheteur achète l'ensemble de la coupe et paye ou un prix global (vente sur pied) ou un prix par qualité de bois (tant pour de la grume, tant pour le chauffage...) ou un prix à la tige (le prix est donné arbre par arbre souvent pour des essences rares). Dans tout les cas c'est l'acheteur qui à la responsabilité du façonnage (abattage, billonage,debardage, triage).
Soit bord de route, le vendeur fais alors façonner lui même et les qualités de bois son déjà triées l'acheteur peut donc sélectionner les billes ou la qualité qui l'intéresse et ne pas acheter ce qui ne l'intéresse pas.
Le façonnage est un poste clefs comme vous pouvez le voir et ne sera jamais mechanisable en tout cas sur les essences nobles, le façonneur (en général le bûcheron) à la responsabilité du billonage (division de l'arbre en tronçons de différentes qualités : tranchage, sciage premier choix, deuxième choix, chauffage, trituration. ..).
Cela nécessite une bonne connaissance du bois et des essences pour détecter les "singularités" (jamais de défauts dans le bois) qui vont déterminer la qualité. Mais suivant les essences une même singularité peut être soit refusée (pas de ronce, ou de loupe dans le chêne premier choix) soit recherchée (loupe d'orme, ronce de noyer...).
C'est aussi la que le problème des unités de mesure se pose :
Les débouchés nobles (sciage, tranchante, de roulage...) se payent au mètre cube "vrai" (volume réel du tronc), les usages secondaires se payent au stère (volume de bois empilé) et les déchets à la tonne.
Mais dans tout les cas tout sera façonné en stère puisque le bûcheron est payé selon cette mesure. Un même morceau de bois peut donc être mesuré de trois manières différentes à quelques minutes d'écart avec à chaque fois impressision et tentative de triche qui font qu'on ne tombe jamais pareil.
Et c'est encore pire quand on mesure sur pied...
En forêt il y à ce qu'on appelle les inventaires ou cubages. En général réalisés avant une vente (que ce soit une coupe ou une éclaircie) mais aussi durant la croissance des peuplements, il s'agit de mesurer le volume de TOUS les arbres d'une parcelle et de marquer ceux à abattre.
On les fais en général en hivers et c'est un gros morceau vous allez comprendre pourquoi :
mesure de la grosseur de l'arbre
Il s'agit de mesurer le diamètre moyen (si on est en forêt publique) ou la circonférence (si on est en forêt privée) des arbres. En général ça se fait par équipe de 4, trois personnes qui mesurent et crient l'essence et la mesure relevée (chêne 67,5) et une personne qui note et vérifie qu'aucun arbre n'est oublié. Certaines essences lors des cubages ne sont pas appelées par leur noms mais par leur surnom afin de faciliter la distinction. Ainsi par exemple le hêtre deviens Fayard.
Pour mesurer on utilise différents instruments :
- le compas forestier, c'est une sorte de pied à coulisse géant (environs 1m50, je vous laisse imaginer le bazar pour le trimballer dans la végétation en plus des autres instruments) on mesure le diamètre à 1m30 de hauteur. Un arbre n'étant jamais parfaitement rond il faut réaliser deux mesures croisées et annoncer la moyenne. Il est gradué selon trois modes (circonférence, diamètre et compensé (en gros ça donne une moyenne de mesure pour ne pas avoir à croiser)). Petit concession à la modernité il existe des compas électroniques avec un bouton pour enregistrer la mesure et l'exporter ensuite vers ordinateur, ce qui fais l'économie d'une personne pour noter les mesures dans le cas d'un peuplement monospécifique.
- le compas finlandais (droit ou parabolique) il s'agit d'une sorte d'equerre que l'on viens crocheter autour du tronc et ou on lit la mesure par projection. Moins précis il à quand même l'avantage d'être souvent pliant donc plus facile à trimballer. Pour l'anecdote j'ai connu un papy qui s'était fais faire une canne avec un compas finlandais caché dans le manche façon canne épée.
- la corde, sorte de mètre ruban lesté au bout que l'on lance d'un côté de l'arbre et rattrape de l'autre main de l'autre côté. C'est le plus simple à utiliser et à trimballer, mais aussi le plus précis bref mon préféré malgré le fait qu'il tombe malheureusement en désuétude.
mesure de la hauteur
La aussi c'est compliqué, on ne mesure pas une hauteur mais des hauteurs suivant la région, l'essence ou l'utilisation. Hauteur totale (jusqu'à la cime) hauteur grume (jusqu'aux premières branches)...
Pour ce faire, différents instruments :
- la croix du bûcheron : il s'agit de l'instrument le plus simple qui soit, une simple équerre basée sur les dimensions du triangle remarquable 3,4,5 il est facile de le réaliser avec deux bâtons directement sur place. Il suffit de reculer de manière à ce que le bas du triangle corresponde avec le pied de l'arbre et le haut avec la cime et de mesurer ainsi la distance parcourue pour avoir la hauteur de l'arbre.
- les dendrometres (suunto, Blum leis, relascope de bitterlich...) les noms sont compliqués, leur utilisation est pire, tout est basé sur des prismes et des estimations angulaires. Il faut se placer à une distance précise de l'arbre, estimer sa hauteur et lire dans l'oeilleton la hauteur réelle (si il y à pas de buée) sur la bonne échelle correspondante. Ils sont sensés être plus précis que la croix mais en général hormis quelques utilisations précises ils restent dans la voiture à prendre la poussière.
Comme vous pouvez le voir les inventaires en plein sont horriblement compliqués, c'est pour cela que se développe de plus en plus les inventaires statistiques ou en gros on fais la même chose mais sur des placettes représentatives du peuplement.
Ça c'est quand on est à l'école ou à l'ONF, parce que dans le privé on fais un inventaire simple au compas, on estime une hauteur moyenne à l'oeil et c'est tout.
Pour la petite histoire, quand j'étais à l'école forestière on a fais l'expérience d'inventorier la même parcelle avec les différents outils et méthodes et au final que ce soit avec du matos de pointe ou à la louche les résultats finaux sont sensiblement les mêmes.
Une fois que le recueil de données, déjà pas simple en lui même, est fait on passe à la partie compliquée.
le cubages des bois
Les données recueillies servent au final à calculer tout un tas d'indices statistiques pour nous donner une idée mathématique du peuplement (rapport hauteur/diamètre, volume de l'arbre moyen, densité, volume global sur pied...) ces indices permettent d'aider à la décision et au calcul des coupes.
Ainsi on sait qu'au dessus de tel rapport hauteur/diamètre il faut réduire la densité de tant de % en eclaircissant en fonction du volume de l'arbre moyen etc...
Et parlons en du volume :
Un arbre n'est pas cylindrique et rarement symétrique donc les formules simples (tronc de cône) ne s'appliquent pas, il existe bien des formules de calcul mais qui sont horriblement complexe à mettre en oeuvre et sont variables suivant les essences, leur âge ou leur diamètre.
Alors on utilise une méthode de calcul empirique !
En effet il existe des tarifs et des barèmes (Chaudet par exemple) que des personnes on établies en plongeant des centaines de troncs d'essence différents dans un bac d'eau et en mesurant le volume d'eau déplacé.
Au final on obtiens un livre dans lequel il est dit que pour un tronc de telle essence, de tel diamètre et de tel hauteur le volume sera de tant.
Et avec ça on a plein de beaux chiffres, un plan d'aménagement bien propre et l'ingénieur de l'ONF ou le prof est content.
Voilà en espérant que ce sujet un peu plus technique vous aura plu aussi