Je poursuis sur mon hypothèse (j'aurais bien du mal à prouver que j'ai raison là dessus):
, je ne sais pas dans quelle mesure ce qui a été le déclencheur reste un facteur important.
Pour répondre à ça je vais prendre l'analogie de la lutte contre l'homosexualité: à l'origine, d'une logique par exemple grecque où l'amour était une question de lien entre mâles (voire entre femelles), et le mariage quelque chose de tardif afin de garantir une lignée, on est passé à une diabolisation de tout ce qui a trait à l'homosexualité afin notamment (certainement: ça rejoint différents travaux sur le sujet) de contrôler la ressource "ovule", et la parentalité linéaire.
Aujourd'hui si la parenté linéaire est une valeur encore inquestionnable, en revanche, la ressource "ovule" a changé de valeur d'usage: les femmes sont libres d'épouser qui elles veulent, de rester célibataires, voire de consommer du plaisir sexuel, tout en contrôlant leur "pouvoir d'enfantement" (contraception, avortement etc.). Elles ne sont donc plus une marchandise (ou c'est l'évolution qui a été prise, inégale dans le monde, bien évidemment). De plus on a plutôt des problèmes de surpopulation à prévoir que celui d'enfanter beaucoup pour lutter contre des mortalités élevées.
Il n'y a donc aucune raison rationnelle selon cette logique diachronique (on prend une origine de situation, et son évolution, on se dit "ah ben problème réglé") pour lutter contre l'homosexualité.
Et pourtant, on a conservé le focus sur l'attribution du problème (les homos n'enfantent pas et rompent la linéarité de parentalité, ou corrompent cet "ordre naturel": en soi c'est un biais d'attribution aussi) tout en oubliant complètement le problème. Qu'on a déplacé sur ce focus. Et on entend encore toute la logique du "naturel" corrompu etc. Dans une logique synchronique (l'état du système à un moment x) les idéologies sont encore présentes, et les générations ont perdu ce fil de vue (les idéologies ont été acquises par transmission sociale, éducation etc., pas par confrontation à un problème réel qui précède la naissance des individus).
Là on a affaire à de la psycho mais aussi de l'anthropologique, et à une notion de structure de représentations: la structure s'est solidifiée à partir de ses biais et la disparition du problème initial ne détruit pas la structure.
Donc pour tout ça:
recommencerais-je à utiliser ces produits ? Franchement, c'est difficile à dire, peut-être parce que le postulat est utopique, ou à cause d'une réticence psychologique à abandonner une position morale.
Probablement pas
Mais si je reste sur mon focus initial hypothétique: la réaction à une "perte de contrôle" sur ce qui nous entoure et nous nourrit (industrialisation et ses dérives ressenties comme agressives envers nous et par extension la question animale) c'est la recherche de contrôle sur ce dont on s'entoure et l'autonomie (ça passe par apprendre comment fonctionnent les choses par exemple, les bricoler, recycler localement, moyens de lutte contre l'obsolescence, sélection de la nourriture et de cultures ou élevages "éthiques" prenant en compte des notions d'écologie comme des projections de valeurs (souffrance etc.) qui changera le plus probablement l'émotion d'injustice et de manque de contrôle (si ça se généralise, de fait les industries devront aussi s'aligner sur les nouvelles valeurs "demandées" par les consommateurs: les aider donc en ce sens).
Donc changer d'attitude n'aurait pas vraiment de sens, puisque ça aurait introduit un nouvel équilibre. Et la question de changer ce nouvel équilibre sera tout aussi problématique qu'elle l'est aujourd'hui avec celui qu'on veut dépasser
Si le veganisme n'apporte pas de gain de santé (hypothèse liée au problème de la b12 par exemple) c'est que le bénéfice est ailleurs. Je pense que c'est dans la sensation de contrôle et de responsabilité sur l'environnement. Simplement. A moins d'une nouvelle crise de valeurs (comme la liberté individuelle et la consommation ont changé l'ordre de monogamie hétérosexuelle instauré) ça n'a effectivement aucune raison de changer. Un vegan restera probablement avec une éthique alimentaire spécifique (on voit beaucoup d'articles allant dans le sens de la flexibilité: mais l'éthique et sa question restent centrales). Végétarien etc. les gens qui ont investi temps et énergie à se construire une culture alimentaire et de consommation en propre.
Pour moi c'est d'ailleurs un des problèmes de ces mouvements d'éthiques alimentaires: ça ne se pense pas dans un ensemble et un long terme culturel suffisamment global: par exemple ça reste à ce jour une pratique de distinction sociale, les classes moyennes ou relativement aisées ont accès au bio et au temps ou services facilitant ces choix, les couches plus basses n'ont pas l'éducation ni les moyens. "faire de son mieux à son niveau", reste une pratique de distinction sociale (au sens Bourdieu) à ce jour. Et on ne questionne plus le consumérisme initial qui nous a mis dans la panade, mais bien une pratique qui reste grandement déterminée socialement. On a échangé un consumérisme contre un autre, et il ne fait nulle doute je crois que c'est devenu la clé moteur du truc. Si tout le monde devenait végétarien ou vegan, on trouverait une autre pratique de distinction sociale.
C'est là la force et le problème du consumérisme en soi selon moi: il est toujours consenti et valorisé par chacun, peu importe le changement de valeurs attribuées à tel ou tel objet (la viande ici)

Ce sont des valeurs de relation qui sont à questionner, mais pas uniquement en terme de souffrance ou d'exploitation, puisqu'on ne s'inclut pas dans la réflexion ce faisant, on ne fait que garder une position valorisante et dominante tout en recul abstrait (sinon ben la logique du "faut pas tuer", "faut pas exploiter" montrerait vite des limites et incohérences: j'en reviens à la question des prédateurs qui est un bon exemple).
Dit autrement, il y a des gentils et des méchants, c'est ça l'important ressenti. Et on consomme ce qui nous aide à conserver cet ordre là. Le problème est que c'est très limité et que ça exclut d'office une partie de la population: les méchants. Ce qui est déjà une erreur de calcul humain (global), et en plus en faisant fi parfois d'éléments d'injustice entretenus dans cette découpe de la société. (les méchants ne sont pas ici que des dominants puissants à éthique de carnassier, mais bien des défavorisés qui ne peuvent pas avoir accès au choix que l'on fait).