Quelques éléments de réponse tirés de mon DU TCC.
Je n'aime pas trop dire que ça répondrait au « pourquoi » parce que ce qui fait que l'on devient procrastinateur… je ne suis pas sûre qu'on le sache vraiment. Les circuits de la récompense (souvenir de récompense et de sanction avec des effets de renforcement positif, dopamine…), le principe de plaisir vs. le principe de réalité, les différences de fonctionnement entre ceux qui procrastinent et ceux qui ne procrastinent pas… ça dit ce qui est, cela n'indique pas que c'est la cause.
Sur la définition de la procrastination : procrastine qui remet à plus tard.
Il y a la procrastination « normale » : quand elle porte de petites tâches peu importantes pour, notamment, s'occuper des (vraies) priorités, ou encore quand on reporte des tâches qui, manifestement, sont trop coûteuses en temps et en énergie pour être réalisées dans les conditions présentes (manque de moyens réels, pas un prétexte).
Et il y a procrastiner de manière dysfonctionnelle. C'est-à-dire : qui reporte de façon inutile et préjudiciable une tâche importante, incontournable et dont la mise en œuvre n'est en soi pas insurmontable. (Ainsi, faire le ménage pour éviter de commencer à s'atteler à la rédaction d'un compte-rendu important, par exemple, n'est pas une priorité, mais relève d'une procrastination dysfonctionnelle.)
La procrastination pathologique connaît fréquemment d'autres comorbidités : TDAH, TOC, phobie…
Accessoirement, même quand elle n'est quand même pas franchement pathologique, la procrastination interroge… parce qu'elle peut entraver beaucoup d'entre nous dans notre vie quotidienne.
Et puis elle a trait aussi à la frustration (notion de plaisir à court terme vs. plaisir à long terme, avec des calculs coût / avantage, bénéfices / risques, crainte de ne pas avoir de retour sur investissement…), à l'auto-appréciation (procrastiner permet indirectement de se prémunir contre le risque de se découvrir « nul », il y a donc bénéfice secondaire) et à l'hostilité. (Pour ceux que ça intéresse, ce sont les trois grandes croyances d'Ellis sur la procrastination.)
Toujours pour ceux que ça intéresse, quelques idées pour lutter contre la procrasination :
- Les conséquences favorables (le plaisir, le succès…) immédiates de la procrastination l'emportent sur les effets à long terme défavorables (eh oui). Ce qui renforce ce comportement. (La procrastination s'auto-entretient volontiers.)
- Augmenter les conséquences positives à court terme d'une action reportée est plus efficace que le spectre aversif des effets négatifs sur le long terme.
- La motivation ne suffit pas toujours, même entretenue.
- Il peut aussi être utile de se protéger des sources de distraction.
- Il est important de développer des stratégies pour passer à l'action.
Quelques solutions
- Apprendre à connaître en soi les signaux d'un comportement procrastinateur en faisant le lien entre le comportement, les émotions et les pensées d'un tel comportement et développer d'autres ressources à partir de là. (C'est le modèle de base des TCC, d'ailleurs.)
- Saucissonner la tâche : plutôt que de vouloir avaler la mer, on peut boire verre d'eau après verre d'eau. C'est quand même plus gratifiant.
- S'y mettre 5 ou 10 minutes plutôt que de persister à croire qu'il faut 2 heures sinon rien pour faire telle tâche. Parce que déjà, si on n'utilise pas le temps que l'on estime nécessaire pleinement, en bon procrastinateur… eh bien, on va souvent ne rien faire et se punir doublement : de n'avoir rien fait et d'avoir perdu autant de temps. Alors que cette petite astuce des cinq minutes vise souvent à nous permettre de commencer (le plus dur pour le procrastinateur) en nous donnant l'illusion que ça ne dure pas longtemps. (Couplée à l'astuce plus haut, c'est plus efficace puisque, effectivement, la tâche est moins importante et donc la gratification à court terme est plus probable.) Et souvent, au bout de 5 minutes, on est dedans, on a envie de continuer, voire on a oublié que les cinq minutes sont déjà passées.
- Créer des techniques d'amorçage = se rendre la tâche future plus facile (fichier tout prêt, bonnes conditions de travail…), et non pas utiliser des jockers comme : ranger le bureau, relire indéfiniment le même papier en voulant croire (faussement) que c'est absolument indispensable…
- Lutter contre les croyances erronées / dysfonctionnelles du circuit de la procrastination, donc lutter contre : la surestimation du temps restant et la sous-estimation du temps nécessaire (tableau entre les délais imaginés / les délais réellement tenus), la surestimation de la motivation future, la croyance du fait qu'il faudrait être « inspiré », la croyance du fait qu'en plus, si on n'est pas bien disposé, ça pourrait être improductif.
- Faire le point sur ce qui est réellement important et ce qui ne l'est pas.
Ce ne sont que quelques idées…
Et comme il m'arrive de procrastiner aussi, eh bien, pour moi, la technique des cinq minutes est souvent très efficace. Je m'aide aussi avec un petit mantra personnel comme quoi « toute minute travaillée est bonne à prendre » (plutôt que l'espoir d'avoir cinq heures et finalement de ne rien faire parce que j'aurais perdu cinq minutes et donc cru que ça ne valait plus la peine de commencer à travailler).