C'est intéressant et beau de lire vos témoignages, merci
J'ai fait de la danse modern jazz pendant 4 ans quand j'étais ado. J'ai aimé ça et j'étais plutôt douée je crois. Mais j'ai découvert une toute autre dimension de la danse quand je suis violemment tombée en amour avec la musique et la danse trad, il y a plus de deux ans. Et plus particulièrement avec la musique d'Auvergne et la bourrée.
Beaucoup de belles choses ont été dites notamment sur le rapport à son propre corps. L'expression, l'assurance, la jouissance de se sentir se mouvoir dans l'espace. Je partage cette jouissance, c'est carrément une drogue à vrai dire. Je crois que je ne me sens jamais aussi bien - connectée, reliée, alignée - que lorsque je danse.
Mais j'aimerais insister aussi sur deux autres trucs extrêmement importants à mes yeux :
- la jouissance de danser
avec l'autre. La joie d'être connectée, reliée, alignée
à l'autre aussi bien qu'à soi.
Ca fait partie intégrante du plaisir que j'ai à danser. Ce moment de partage, cette co-création d'un nouvel espace-temps. Ca peut être coloré d'une grande palette d'émotions différentes. De complicité amicale, de complicité amoureuse, de tendresse, de désir, de surprise et parfois, plus rarement mais ça arrive, de dégoût, d'ennui, de méfiance. Cette connexion est toujours unique, différente selon que son/sa partenaire est un.e inconnu.e ou un copain de buvette, sa meilleure amie ou son ancien prof d'économie. Ca peut être un moment agréable, intense, stimulant, ressourçant, réconfortant. Orgasmique. Parfois. Il m'est arrivé de devoir quitter le parquet après une danse parce qu'il m'était nécessaire de pleurer dans un coin pour décharger, parce que la connexion était particulièrement forte. Ca m'est arrivé avec des danseurs d'un soir et aussi avec des danseurs plus réguliers. C'est toujours surprenant, et je ressens toujours ça comme une sorte de cadeau divin. D'une part ça peut être une façon de laisser libre cours à sa sensualité dans un cadre non sexuel que je trouve belle et respectueuse, parfaitement compatible à mon sens avec l'envie d'une vie affective stable et monogame. D'autre part, dans cette explosion orgasmique qu'il m'arrive de ressentir il y a quelque chose à mon sens qui dépasse la sensualité, le corps, et me fait communier avec le Grand Tout. Oué, oué, je sais ce que vous pensez.

Mais sans blague, je me rends compte que la danse est l'une des seules manières satisfaisantes de vivre ma spiritualité. (Ca mériterait un autre post à part entière.)
J'évoque ici, dans ce rapport à l'autre, les danses de couples : couples fermés, valses, scottish et consorts, et couples ouverts : bourrées. Il y aurait beaucoup de choses à dire aussi sur les danses collectives, les "vraies" - c'est-à-dire pas les mixers évoqués par Grabote, cercles circassiens ou chappeloises, "sympatoches" pour faire connaissance et faire gentiment la fête, mais sans grand enjeu de danse à mon sens, non, les "vraies" - parmi les bretonnes, gavotte, plinn, kostarchoat... - où une ligne de danseurs se soulève et retombe en rythme, faisant corps avec la musique... Ce qui m'amène à mon deuxième point :
- la jouissance de danser sur une musique qui vous met les tripes à l'air.
Pour moi le bal trad' - en fonction de la programmation, évidemment - ça peut être beaucoup BEAUCOUP plus qu'un moment sympa entre copains. Il n'est pas rare que je sois émue aux larmes par un morceau, une chanson, un couple de danseurs. Dans les bals trads il y a des gens qui viennent passer un bon moment, qui viennent de temps en temps, mais qui auraient tout aussi bien se faire un ciné ou manger des nems. Et puis il y a ceux dont je commence à faire partie. Pour qui venir écouter des musiciens passionnés et habités par leur art n'est pas loin de compter parmi les besoins physiologiques, au même titre que se nourrir ou dormir ou boire
de la bière. Qui se peuvent se taper 200 bornes pour quelques heures de bal parce que rien que prononcer le nom du groupe programmé vous met les jambes et le coeur en mouvement. Et qu'au fil du temps ce sont devenus de précieux copains, aussi.
J'ai cité la bourrée au début du post, parce que pour moi c'est la danse reine. J'aime beaucoup les danses de couples en bals trads, les valses, les mazurkas. Mais la bourrée, c'est... La bourrée, quoi. C'est... Pffou. Il y a quelque chose - pour moi du moins - qui touche à l'ineffable. Je n'arrive pas bien à dire pourquoi cette danse me touche autant. Compte autant. En partie sans doute parce que je vois dans ces mouvements tournoyants, improvisés, dans ce dialogue complice à peine codifié, qui laisse à chaque danseur une très grande liberté de proposer son style et de raconter son histoire, une forme de métaphore de la vie. Et ça va vite devenir guimauvesque si je continue à l'expliciter, alors je vais plutôt me recoiffer la mèche.
Je poste cette grande tartine, et quand j'aurais repris mon souffle, si ça se trouve je reviens en remettre une petite couche.
En attendant, une petite vidéo, avec des copains dedans, qui dansent, jouent des bourrées, et en parlent.
[BBvideo 425,350]
http://www.youtube.com/watch?v=__Ia-aFRhmU[/BBvideo]