J'aimerais bien faire quelques petites remarques à propos de ce documentaire.
Parce que c'est bien joli de faire parler les psychanalystes avec des mots simples pour ensuite réduire le propos à des histoires de zizi et de zezette, pour tourner ensuite le tout en ridicule aux yeux des néophytes, mais c'est pas très professionnel quand même...
Le phallus, ce n'est pas le pénis de l'homme. Et le pas-tout n'est pas le vagin de la femme. Ce sont des symboles pour parler de la quête de toute-puissance et de la peur de l'impuissance (la castration symbolique).
Personne n'a le phallus, ni les hommes, ni les femmes.
Tout le monde est castré, manquant, pas tout. Et l'enfant comprend qu'on ne peut pas être tout, à la fois un homme et une femme, au moment de la découverte de la différence des sexes. Et quand on ne l'accepte pas, on cherche à combler son manque en se cherchant des phallus...Des symboles de pouvoir, pour se donner cinq minutes l'illusion qu'on est complet, qu'on est plus qu'un homme ou une femme avec juste son sexe à lui, forcément décevant. Des symboles de supériorité et de puissance sur l'autre : Des gros muscles, du rouge à lèvres, une voiture qui fait vroum, un enfant parfait, des talons hauts, un poste à responsabilités, un beau partenaire convoité par les autres, un diplôme, une cravache (

), un gros billet, un flingue, un sac à main griffé...
Il y a deux façons de courir après le phallus : par le rapport de force, l'effort et le combat (qu'on associe généralement à la masculinité (ce qui ne veut pas dire aux hommes)) et la séduction/fertilité (qu'on associe généralement à la féminité (ce qui ne veut pas dire aux femmes)).
L'homme doit accepter qu'il n'est pas tout, même s'il a un sexe externe que tout le monde peut voir.
La femme doit accepter qu'elle n'est pas tout, même si elle porte la vie dans son ventre.
Il s'agit de renoncer à l'illusion de la toute-puissance et accepter le besoin de l'autre, rien de plus. Et quand on ne le fait pas, on reste un enfant qui souffre.
Par exemple, ce qu'on appelle une femme phallique, ce n'est pas une femme qui se prend pour un homme, ou qui regrette de ne pas en être un (comme on l'entend généralement dire...

), mais une femme qui court après le phallus d'une façon associée à la masculinité, par le combat réel ou symbolique. Ce qui ne l'empêche pas d'être aussi dans la séduction. L'un n'empêche pas l'autre.
Quand Naouri dit que le corps de la femme est un phallus, ça ne veut pas dire que son corps est un pénis géant, mais que son corps est une manifestation et une source de pouvoir sur les autres. Pour elle, qui obtient des gratifications grâce à sa beauté. Et pour celui qui lui donne le bras et que tous les autres hommes jalousent en secret.
Quand on entend que certains parents considèrent leurs enfants comme des phallus, ça ne veut pas dire qu'il y a un truc sexuel dégueulasse derrière, ça veut dire qu'ils considèrent leurs enfants comme des manifestations de leur pouvoir, qu'ils les pensent comme des trophées, des œuvres, ce qui réduit les enfants à un rôle d'objet narcissique.
Bref, derrière cette histoire de phallus et de pas-tout, l'important, c'est de comprendre l'enjeu : l'acceptation du manque et le renoncement à la toute-puissance.
Parce que courir perpétuellement après le phallus, c'est un aveu d'impuissance et une grande souffrance. On veut le phallus parce qu'on se sent profondément vide, et qu'on croit que quelque chose pourra enfin nous rendre complet. Et tant qu'on y croit, on souffre atrocement. Et on fait frénétiquement les soldes dans l'espoir de trouver ce qui nous rendra plus belle, et on fait de la gonflette dans les salles de muscu pour être plus baraqué que son voisin, et on montre qu'on a une grosse voix et on se fait gonfler les seins. Et on court et on court et on s'épuise en conneries.
Et le travail du psychanalyste, c'est justement d'utiliser sa grille de lecture phallus/pas-tout pour permettre aux analysants de renoncer à cette course sans fin et à toute la souffrance qui va avec.
Homme ou femme, on n'est pas tout et c'est comme ça. On a besoin de la complémentarité des sexes pour créer de la vie, et de l'autre d'une manière générale. Le comprendre, c'est un pas énorme pour devenir adulte, avancer ou soigner ses névroses. (Soigner, ce n'est pas guérir. Soigner c'est prendre soin...)
Travailler autour de ces sujets, cela permet par exemple, de comprendre qu'on ne sera jamais tout pour sa mère et qu'on a donc le droit de la quitter. Ou qu'on n'a pas besoin d'être violent pour pouvoir se faire respecter. Ou encore, qu'on ne contrôle pas grand chose de sa vie...Cela permet de trouver sa place dans le monde, d'exister et de se projeter autrement. La psychanalyse relève d'une démarche initiatique visant à passer des étapes symboliques. L'acceptation de la castration en est une et concerne tout le monde.
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Dans le monde symbolique, il est question de création de sens qui va bien au-delà des choses matérielles. Par exemple, quand on dit que dans la psychanalyse, "l'argent c'est la merde", ça ne veut pas dire que c'est vraiment de la merde et que c'est méprisable. Ca veut dire que c'est ce qu'on doit expulser pour vivre, dans l'acceptation de la perte. Parce que l'argent n'existe que quand on le dépense, et qu'on ne se sent vivant qu'en acceptant la perte de l'instant. Vivre c'est perdre : ce que les radins et les constipés ont beaucoup de mal à accepter. Bref, c'est du symbole. Il est évident que si un psychanalyste dit face caméra et sans introduction que "l'argent, c'est l'angoisse des constipés en mal de vivre", il passera pour un con.
Alors après, on peut considérer la psychanalyse comme une grille de lecture inutile, incomplète ou non-adaptée à certaines situations. Mais la réduire à des histoires organiques et à de l'obsession sexuelle, c'est tout de même très limité, niveau honnêteté intellectuelle...Je ne connais pas le parcours de la réalisatrice, mais il me semble qu'avant de critiquer une théorie, la moindre des choses, c'est d'essayer de la comprendre un minimum. Ce qui visiblement n'est pas le cas.
"Porter la liberté est la seule charge qui redresse bien le dos." Patrick Chamoiseau