Un petit post pour l'entretien de ces messieurs
J'aime prendre soin de mon visage en particulier, et me raser est un des grands moments de plaisir de la journée. Bon, ok, j'avoue, j'ai une passion dévorante pour ce qu'on appelle la "pogonotomie" (terme inventé par le barbier coutellier Jean-Jacques Perret en 1770, "l'art de se raser soi même")
Se raser est un moment nécessaire et pénible pour beaucoup d'hommes, un geste d'hygiène fastidieux et sans plaisir, comme se brosser les dents.
C'est aussi un des derniers bastions offerts aux hommes pour prendre correctement soin d'eux et se faire plaisir, se pomponner.
Allez, quelques astuces sur "comment on rend un rasage agréable sans se pourrir la peau".
On jette le jetable, il est fait pour ça
Si l'on suit l'évolution de l'histoire des rasoirs depuis pas trop loin, mettons le 19° siècle (c'est là que ça bouge), on constate l'apparition des premières technologies modernes de rasoir basées sur le coupe chou dès 1800 :
- Les rasoirs à rabot de Perret avait une pièce qui tirait le poil avant que la lame ne tranche
- Charles, en 1815 (et en France, ce qui est surprenant à l'époque) brevette le premier rasoir à lame changeable
Sur la fin du 19° on voit apparaitre les "rasoirs de sureté", d'abord avec un seul tranchant qu'on aiguise sur un "auto stropper", puis le modèle à lame plate à double tranchant inventé par Gilette

(ici Gilette Bostonian années 30)
Les gains du modèle Gilette sont nombreux : pas besoin d'affuter, affiler, aller chez le rémouleur, etc. Il suffit d'acheter des lames changeables et de les jeter une fois fini. Qui plus est c'était avantageux d'un point de vue business, à l'inverse d'un coupe chou, on peut produire les lames en masse et à la machine.
Et puis est venu l'idée des rasoirs à plusieurs lames, et là, c'est la catastrophe. L'idée de base a été appelée "hystérésis" (un concept physique qui dit qu'une dynamique est différente à l'aller et au retour, grosso modo), pour souligner le fait que le poil n'avait pas le temps de remonter avant la deuxième lame. Et on rajoute aussi un rabot façon Perret pour pas se prendre la tête.
Oui mais voila... Plusieurs lames ça fait que :
- le savon et le poil s'accumulent dans les lames et pourrissent (ce que Perret avait réglé en mettant une gouttière sur son rabot, et avait produits ceux ci en ébène et en écaille de tortue, même si on n'en a pas retrouvé)
- la fameuse hystérésis peut pousser le poil sous la peau et créer du poil incarné, en particulier sur les peaux noires
- c'est très cher
Par ailleurs, on ne peut pas espérer de réelle innovation sur ce marché. Les "soit disant" deux gros concurrents (Gilette et Wilkinson) étant en réalité deux filiales de la même boite.
Alors on fait quoi ?
- Les vieux Gilette et génériques (Grelot, Leresche) sont pas cher, facile à trouver, facile à désinfecter (celui présenté ci dessus m'a couté 10€ et c'est un modèle plutôt recherché, un gros coup de savon a suffit). Après, un pack de 10 lames c'est max 5 euro et on a le choix dans les types de tranchants (Merkur pour un tranchant ferme par exemple, Feather pour gouter à ce que c'est qu'une lame trop tranchante)
- Le coupe chou est vraiment l'outil idéal, mais la courbe d'apprentissage est plus longue (cela dit, on trouve assez facilement des coupe chou restaurés par des gens compétents et vendu pas cher, genre 50€, bien meilleurs que ce qu'on trouverait en magasin spécialisé). Une fois le coup de main pris, c'est le rasage le plus efficace, confortable et rapide.
Un blaireau et un savon, mais pourquoi ?
Bah oui, tiens, pourquoi se prendre la tête avec un blaireau ?
Le blaireau a un poil dont les propriétés mécaniques et hydrophobes vont permettre de gainer correctement la peau et le poil jusqu'à sa racine avec une couche glissante et protectrice. Bien mieux que ne le ferait un gel ou une mousse.
Pour les protecteurs de la nature qui auraient oublié que le blaireau est un animal nuisible et absolument pas menacé, on trouve également des blaireaux synthétiques de haute qualité.
Quant au savon... Martin de Candres, Savonière du Moulin, Père Lucien, etc, on trouve de nombreux petits artisans en France qui fabriquent leurs savons de façon traditionnelle et avec un soin extrême. Si les savons à barbe paraissent initialement onéreux par rapport à une bombe de Mennen, en réalité il faut plusieurs années pour tomber un pot.
L'emploi d'un bon blaireau et d'un bon savon peuvent réduire considérablement de nombreux problèmes de peau
- feu du rasoir
- poils incarnés
- petites irritations et infections
- peau trop sèche
etc.
Et l'après rasage ?
N'est pas strictement obligatoire.
Si le rasage a été un peu agressif (par exemple si on utilise régulièrement un Gilette "slant" avec des lames Feather), pour raison cosmétique, ou pour nourrir la peau, si on veut, on peut en mettre.
Là encore, selon les objectifs et les gouts (alcool ou pas alcool par exemple), le choix est en réalité TRES diverse

On en trouve de très bon artisanaux, comme de très correctes professionnels, à chacun de choisir pour lui ce qui est cacaboudin ou pas.
Dans les "astuces naturelles", certains recommandent, sans trop savoir, la pierre d'alun. Après de nombreuses discussions sur le sujet, j'arrive au consensus que cela propose plus d'inconvénients (comme des sels d'aluminium hein) que d'avantages.
Connaitre le sens de son poil
Souvent, l'astuce pour éviter d'utiliser des cochoneries c'est de bien savoir ce qu'on fait. La barbe ne pousse pas dans le même sens selon la partie du visage que l'on regarde, et cela diffère chez chacun, comme les empreintes digitales.
Donc ce n'est pas un mal de cartographier le sens de sa barbe, parce que la première passe du rasoir si elle est faite dans le sens du poil est beaucoup plus confortable et demande moins d'efforts et d'aide.
Un bon rasage à l'ancienne en pratique
On verse de l'eau tiède et on fait tremper le blaireau pour commencer.
On commence toujours sur une peau très chaude et très humide.
La peau et les pores doivent être complètement détendus. L'idéal, c'est de se raser en sortant de la douche.
On s'assure que le rasoir est prêt (pour un vieux Gilette, on s'assure qu'on a pas de poil pris dans la lame ou le rateau, on change la lame si nécessaire, pour un coupe chou c'est plus simple, 50 passes de cuir, ca va très vite).
On attrape son blaireau, on égoute ce qu'il faut (pas trop), on tape un peu dans le savon, et on peut soit monter la chantilly dans un bol, soit directement sur le visage.
Après, on rase :
- Une fois dans le sens du poil
- (optionnel) perpendiculairement
- (optionnel) à contre poil
les deux phases optionnelles permettent d'arriver à la "peau de bébé", mais étant plus agressives, nécessiteront souvent l'emploi de l'après rasage.
On rince le blaireau à l'eau tiède, puis la peau à l'eau très froide (l'inverse, on resserre les pores), on sèche, et, si besoin, on applique l'après rasage.
En conclusion
La j'ai dégrossi le sujet mais, en appliquant les principes décrits ici, on doit pouvoir arriver à un moment rasage tous les matins qui soit :
- basé sur des technologies durables (un coupe chou peut passer 200 ans sans se déteriorer, par exemple)
- utilisant des produits sains
- utilisant le moins d'aides techniques superflues possibles

- et bien sur, hyper agréable
Il est vrai qu'ici vous ne trouverez guère de perfection, sauf si on se met à rire
Profil : En questionnement (permanent). Intelligence hautement questionnable.