Avouez que c'est inspirant !Une amie à moi, citant Les Yeux Ouverts, de Marguerite Yourcenar a écrit :Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant. Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire.
Il apprendrait que les hommes se sont entretués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.
On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir.
On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie ; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés ; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts.
On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays.
En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celle du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés.
On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs.
Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait.
Ces textes qui vous portent, vous inspirent...
- Thalweg
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Ces textes qui vous portent, vous inspirent...
Un petit sujet pour tous ces textes inspirants, qui vous donnent envie de vous relever, qui vous disent que tout n'est pas perdu, vous font du bien, quoi... Allez, je commence:
¬ ʻʻ … ʼʼ . ʻ … …ʻ … ; ʼʼ , ʻ
Re: Ces textes qui vous portent, vous inspirent...
Message par Ianthe »
J'en ai beaucoup, bien qu'ils ne soient pas tous positifs en soi. Ce texte-là en particulier est d'actualité depuis un an :
Ca, ça m'a pas mal marqué à 16 ans :
Mais pas autant que David Wojnarowicz, une de mes plus grandes inspirations...Tous ses mots, toutes ses vidéos, photos, tout son travail. Malheureusement je ne trouve pas les bonnes citations sur le net et je n'ai plus mes livres de lui
. J'aurai voulu soumettre tout le chapitre "Tiré du journal d'un enfant-loup" de Chronique des Quais mais faute de mieux en voici seulement des extraits, tantôt en anglais, tantôt en français :
En cherchant j'ai trouvé ce fichier sur mon ordi, datant de mes 17 ans, avec qqes citations répondant elles aussi bien au rôle que tu décris :
M'voilà, j'ai dû proposer suffisamment de textes :')
Edit : J'ai craqué
Ca date de ma préadolescence, entre 9 et 12 ans.
► Afficher le texte
Je cherche, je ne cesse de chercher, d’essayer de comprendre. J’essaie de donner ce que j’ai vécu et je ne sais pas à qui, mais ce que j’ai vécu, je ne veux pas le garder pour moi. Je ne sais qu’en faire, j’ai peur de cette désorganisation profonde. Je me méfie de ce qui m’est arrivé, Il m’est arrivé une chose que peut-être, faute de savoir comment la vivre, j’ai vécu comme en étant une autre? Si j’arrivais à appeler tout cela désorganisation, j’aurais la sécurité nécessaire pour m’aventurer, parce que je saurais ensuite où revenir: à l’organisation primitive. Et je préfère appeler tout cela désorganisation parce que je ne veux ni reconnaître ce que j’ai vécu ni m’y reconnaître — cette reconnaissance entraînerait pour moi la perte du monde tel que je l’avais et je sais que je ne suis pas douée pour un autre.
Si je me reconnais et reconnais mon authenticité, je serai perdue parce que je ne saurais pas où insérer ma nouvelle façon d’être — si je progresse dans mes visions fragmentaires, le monde entier va devoir se transformer pour que j'y prenne place.
J’ai perdu une chose qui était essentielle pour moi et qui, désormais, ne l’est plus. Elle ne m’est plus nécessaire, tout comme si j’avais perdu une troisième jambe qui jusqu’alors me rendait la marche impossible mais faisait de moi un socle stable. J’ai perdu cette troisième jambe. Et je suis redevenue ce que je n’avais jamais été. J’ai retrouvé ce que je n’avais jamais eu: rien que deux jambes. Je sais que c’est avec deux jambes seulement que je peux marcher. Mais l’absence de cette troisième jambe inutile me manque et m’effraie, c’est cette jambe-là qui faisait de moi une chose sur laquelle je pouvais compter sans même avoir besoin de m’en inquiéter.
Je suis désorganisée parce que j’ai perdu ce dont je n’avais pas besoin? Dans cette lâcheté que je me découvre – la lâcheté est ce qui m’est arrivé de plus nouveau, c’est ma plus grande aventure, ma lâcheté est un espace si vaste que seul un grand courage me permet de l’accepter – dans ma lâcheté toute neuve qui est comme se réveiller le matin sous un toit étranger, je ne sais si je vais avoir le simple courage d’avancer. Il est si difficile de se perdre. Si difficile que je vais probablement arranger bien vite un moyen de me retrouver, même si me retrouver est une nouvelle négation de ce que je vis. Jusqu’ici me retrouver consistait à avoir au moins l’idée d’une personne et à m’adapter à cette idée: je m’incarnais dans une personne organisée et je ne sentais même plus l’effort énorme qu’il faut pour vivre. Idée qui me venait de ma troisième jambe, de celle qui m’ancrait au sol. Mais désormais? Vais-je être plus libre?
Non, je sais que je ne suis pas encore libre de mes impressions, je sais que je recommence à réfléchir parce que mon but c’est de trouver – et que par sécurité j’appellerai trouver le moment où je rencontrerai une porte de sortie. Pourquoi n’ai-je pas le courage de trouver au moins une porte d’entrée. Je sais bien que je suis entrée, oh, je le sais. Mais je ne sais pas sur quoi donne cette entrée, voilà ce qui m’affole. Et jamais auparavant je ne m’étais laissée entraîner à moins que je sache vers quoi.
Hier pourtant, pendant des heures et des heures, j’ai perdu mon mécanisme humain. Si j’en avais le courage, je continuerais à me laisser égarer. Mais j’ai peur de ce qui est nouveau, peur de vivre ce que je ne comprends pas – il me faut toujours la garantie de pouvoir au moins réfléchir à ce que je ne comprends pas – je ne sais pas m’abandonner si je n’ai plus de repères. Comment expliquer que ce qui fait ma plus grande peur soit relié précisément à être? et pourtant c’est la seule voie. Comment expliquer que ce soit précisément vivre, quoi que j’aie à vivre, qui constitue ma plus grande peur? Comment expliquer que je ne supporte pas de voir, uniquement parce que la vie n’est pas telle que je croyais mais tout autre – comme si j’avais su, avant, ce qu’elle était! Pourquoi est-ce que voir entraîne un tel bouleversement?
Et une désillusion. Mais désillusion de quoi? si, sans toutefois le sentir, je tolérais mal mon organisation à peine construite? Peut-être la désillusion vient-elle de ne plus appartenir à un système. Mais cela devrait alors se dire ainsi: il est très heureux parce qu’il a enfin perdu ses illusions. Ce que j’étais avant ne m’était pas bon. Mais c’est à partir de ce pas-bon que j’avais construit le meilleur: l'espoir. J’avais, avec mon propre mal, créé un bien à venir. La peur maintenant c’est que mon nouveau système n’ait pas de sens. Mais pourquoi est-ce que je ne me laisse pas guider par tout ce qui va désormais se produire? Me voici obligée de courir le risque sacré du hasard. Obligée de remplacer le destin par la probabilité.
Les découvertes de l’enfance se feraient comme dans un laboratoire où l’on trouve ce que l’on devait trouver? Et c’est à l'âge adulte que j’aurais pris peur et créé la troisième jambe? Mais aurai-je aujourd’hui que je suis adulte ce courage d’enfant qu’il faut pour se perdre? se perdre signifie chercher sans relâche, sans savoir quoi faire de ce qu’on pourra trouver. Avec les deux jambes qui se déplacent mais sans la troisième qui assure. Or je veux être captive. Je ne sais que faire de cette liberte épouvantable qui peut me détruire. Etais-je plus contente, pourtant, du temps où j’étais captive? Ou bien y avait-il, et il y avait, cette chose sournoise et inquiète dans ma routine heureuse de prisonnière? Y avait-il, et il y avait, cette chose qui palpitait, cette chose à laquelle j’etais si habituée que je croyais que c’était être une personne que de palpiter. Mais l’était-ce vraiment? en partie, en partie...
Je suis tellement épouvantée lorsque je réalise que, pendant des heures, j’ai perdu mon organisation humaine. Je ne sais pas si je m’en trouverai une autre pour remplacer la première. Je sais qu’il me faudra prendre bien des précautions pour ne pas utiliser subrepticement une de ces troisièmes jambes qui me poussent aussi facilement que de la mauvaise herbe, et pour ne pas appeler cette jambe de protection une «vérité».
Mais je ne sais pas davantage quelle forme donner à ce qui m’est arrivé. Et pour moi, si je ne peux pas donner une forme, rien n’existe. Et – et si en réalité il ne s’était rien passé? Peut-être, qui sait, peut-être ne m’est-il rien arrivé? Je ne peux comprendre que ce qui m’arrive et il ne m’arrive que ce que je peux comprendre – que sais-je du reste? Le reste n’a pas existé. Peut-être, qui sait, peut-être rien n’a-t-il existé? et n’ai-je fait que subir, qui sait, une lente et longue dissolution? Peut-être ma tactique pour lutter contre cette désintégration consiste-t-elle à tout faire désormais pour lui donner une forme? Une forme circonscrit le chaos, une forme donne une armature à la substance amorphe – la vision d’un morceau de viande qui n’aurait pas de fin est une vision de fou, mais si je coupe cette viande en morceaux et la distribue au fur et à mesure des jours et des appétits, alors elle ne sera plus la perdition et la folie: elle sera de nouveau humanisée.
La vie humanisée? J’avais humanisé la vie à l’excès. Mais que faire désormais? Dois-je affronter la totalité de ma vision, même si cela m’amène à une vérité incompréhensible? ou dois-je donner une forme au néant pour pouvoir intégrer ma propre désintégration? Mais je suis si peu armée pour comprendre. Avant, chaque fois que j’essayais de comprendre, mes limites me donnaient une sensation physique de malaise; je dois dire que j’ai vite le cerveau en bouillie lorsque j’essaie de réfléchir. J’ai dû très tôt, et sans me lamenter, reconnaître les bornes de ma pauvre intelligence, et rebrousser chemin. Mon destin n’a rien de celui d’un penseur, quand je raisonne, je me ratatine à l’intérieur de ma peau. Comment, en ces conditions, inaugurer en moi le règne de la réflexion? et, alors que peut-être seule la réflexion pourrait me sauver, j’ai peur de la passion.
Puisqu’il me faut absolument sauver le jour de demain, puisqu’il me faut absolument, dans la mesure où je ne peux supporter ce chaos, avoir une forme, puisqu’il me faudra fatalement répartir cette viande monstrueuse et sans fin, et la couper en morceaux qui soient proportionnés à la capacité d’absorbtion de ma bouche et à la capacité de vision de mes yeux, puisque fatalement je finirai par succomber à ce besoin d’une forme qui est lié à ma terreur de n’avoir pas de limites – qu’au moins j’aie le courage de laisser cette forme se former toute seule ainsi qu’une croûte durcit d’elle-même et que la nébuleuse du feu en se refroidissant devient terre. Qu’au moins j’aie l’immense courage de résister à la tentation d’inventer une forme.
Cet effort que je vais maintenant accomplir pour laisser un sens, quel qu’il puisse être, venir à la surface, cet effort me serait facilité si je faisais semblant d’écrire pour quelqu’un.
Mais je crains, pour pouvoir être entendue de ce quelqu’un imaginaire, je crains de me mettre à composer, de me mettre à «fabriquer» un sens, avec cette même douce folie qui a été jusqu’à hier la saine méthode que j’utilisais pour m’insérer dans un système. Va-t-il me falloir trouver le courage d’utiliser un coeur sans défense, le courage de me mettre à parler du néant, à parler pour personne? ainsi qu’un enfant réfléchit en ne pensant à rien. Va-t-il me falloir courir le risque d’être broyée par le hasard?
Je ne comprends pas ce que j’ai vu. Et je ne sais même pas si j’ai vu puisque mes yeux ont fini par ne plus se distinguer de la chose vue. C’est seulement grâce à un frémissement inattendu, grâce à une anomalie dans la continuité ininterrompue de mon environnement que j’ai experimente, l’espace d’un instant, la mort vivificatrice. Mort de choix qui m’a permis au risque de voir mon époque sombrer en moi, de palper le tissu interdit de la vie. Il est interdit de prononcer le nom de la vie. Et c’est tout juste si je ne l’ai pas prononcé. Tout juste si j’ai pu me dépêtrer de ce tissu.
Peut-être ce qui m’est arrivé est-il une illumination – et peut-être, pour demeurer fidèle à moi-même, dois-je continuer à n’y rien comprendre. Une compréhension fulgurante ressemble toujours beaucoup à de l’incompréhension.
Non, une compréhension fulgurante est toujours la révélation d’une incompréhension radicale. Le moment où l’on trouve est également toujours le moment où l’on est perdu pour soi-même. Peut-être ai-je été envahie par une révélation aussi totale qu’une incompréhension et vais-je sortir de là intacte et innocente, comme avant. Jamais aucune de mes réflexions ne sera à la mesure de cette révélation, car je ne puis me hausser au niveau de la vie, seul vivre est à ma mesure. Sauf que, désormais, je suis avertie d’un secret. Un secret que je suis déjà en train d’oublier, ah, je sens que je suis déjà en train d’oublier...
Maintenant, pour retrouver ce secret, il me faudrait re-mourir. Et en le retrouvant, peut-être vais-je attenter à mon âme humaine. Et je ne veux pas, je ne veux pas. Ce qui pourrait encore me sauver ce serait de me livrer à une nouvelle ignorance, la chose serait possible. Car dans le moment même où je lutte pour savoir, ma nouvelle ignorance, qui est l’oubli, est devenue sacrée. Je suis la vestale d’un secret dont je ne sais plus quel il fut. Et je prends soin d’un péril oublié. Connaissance m’a été donnée de cela même que je ne peux comprendre, ma bouche est demeurée scellée, et il ne m’est rien resté d’autre que les fragments incompréhensibles d’un rituel. Sans compter que pour la première fois je sens enfin que mon oubli est à la mesure du monde. Ah, et je ne veux même pas que me soit expliqué ce qui, pour être expliqué, devrait venir de soi. Je ne veux pas que me soit expliqué ce qui nécessiterait encore, pour être interprété, la ratification d’une pensée.
J’ai eu accès à la vie et à la mort, et je me suis révélée monstrueuse. Mon courage a été celui du somnambule, qui ne sait qu’avancer. Tout le temps du naufrage, j’ai eu le courage de ne pas composer, de ne pas organiser. Et surtout de ne pas prévoir. Jusque-là je n’avais pas le courage de me laisser guider par ce que je ne connais pas sur la voie de ce que je ne connais pas: mes prévisions ordonnaient d’avance ce que je verrais. Ce n’étaient pas des avant-visions de visions: tout de suite elles avaient la dimension des précautions dont je m’entourais. Mes prévisions me fermaient le monde.
Jusqu’à ce que, des heures durant, je renonce. Et, grand dieu, ce n’est pas le long de la vallée d’un fleuve que j’ai cheminé - j’avais toujours cru que savoir serait humide et fertile comme le sont les vallées des fleuves. Je ne m’attendais pas à pareille déconvenue.
Pour rester humaine, vais-je faire le sacrifice d’oublier? Désormais je saurai reconnaître sur le visage semblable de certaines personnes qu’elles - qu’elles ont oublié. Et ne savent plus qu’elles ont oublié.
J’ai vu, je sais que j’ai vu, parce que je n’ai pas pu donner un sens personnel à ce que j’ai vu, je sais que j’ai vu parce que je ne comprends pas. Je sais que j’ai vu parce que ce que j’ai vu ne me sert à rien. Ecoute, il faut que je parle parce que je ne sais que faire de ce que j’ai vu. Pire cncore: ce que j’ai vu, je n’en veux pas. Ce que j’ai vu fait voler en éclats ma vie de tous les jours. Pardonne-moi pareil cadeau, je préférerais tellement avoir vu une chose plus agréable. Prends ce que j’ai vu. Délivre-moi d’une vision qui ne me sert à rien, délivre-moi de mon péché inutile.
Je suis si effrayée que je ne pourrai reconnaître que je me suis perdue que si quelqu’un me tient la main.
Que quelqu’un me tienne la main, voilà ce que j’ai toujours attendu de la joie. Souvent avant de m’endormir, pendant cet instant fugitif où je lutte pour ne pas perdre conscience et pour ne pas pénétrer dans un monde plus vaste – souvent, avant d’avoir le courage d’embarquer pour le grand-large du sommeil, je fais semblant de croire que quelqu’un me tient la main, et alors j’avance, j’avance vers cette monstrueuse absence de forme qu’est le sommeil. Et lorsque même ainsi accompagnée le courage me manque, alors je rêve.
S’engager dans le sommeil ressemble tellement à la façon dont je dois maintenant progresser vers ma liberté. M’abandonner à ce que je ne comprends pas sera comme me tenir aux frontières du néant. Ce sera comme avancer sans tout à fait avancer, telle une aveugle égarée en pleine campagne. La chose la plus surnaturelle qui soit: vivre. Ce vivre que j’avais domestiqué afin de le rendre plus familier. Le grand courage que ce sera de m’abandonner comme on abandonne sa main à la main à demi cachée du Dieu, et de passer le seuil de cette chose informe qu’est un paradis. Un paradis dont je ne veux pas.
Je vais devoir, le temps d’écrire et de parler, faire semblant que quelqu’un me tient par la main. Au moins pour commencer, seulement pour commencer. Dès que je pourrai libérer cette main, j’irai seule. Pour l’instant, j’ai besoin de m’accrocher à cette main, et peu importe si je ne parviens pas à inventer ton visage, ni tes yeux, ni ta bouche. Bien que tronquée, cette main ne m’effraie pas. C’est l’amour qui me la fait inventer et si je ne peux pas rattacher cette main à un corps, c’est uniquement parce que je ne suis pas capable d’aimer suffisamment. Je ne suis pas en mesure d’imaginer une personne entière parce que je ne suis pas une personne entière. Et comment imaginer un visage quand je ne sais pas de quelle expression de visage j’ai besoin ? Dès que je pourrai libérer ta main si chaude, j’irai seule et dans l’horreur. J’assumerai l’horreur jusqu’à ce que s’accomplisse la métamorphose et que l’horreur devienne lumière. Pas la lumière qui naît du désir de la beauté et de l’ordre moral tels que je les voulais autrefois, sans en être consciente, mais la lumière naturelle de ce qui existe, et c’est cette lumière naturelle qui me terrorise. Encore que je sache bien que l’horreur, l’horreur c’est moi en face des choses.
Pour le moment, j’invente ta présence, de la même façon un jour je ne saurai pas non plus m’aventurer à mourir toute seule, mourir est le risque majeur, je ne saurai pas franchir le seuil de la mort et faire le premier pas dans la première absence de moi – à cette heure ultime aussi j’inventerai ta présence inconnue et en ta compagnie je commencerai à mourir, jusqu’à ce que j’aie appris toute seule à ne plus exister, et alors je te libérerai. Pour le moment, je m’accroche à toi, et ta chaude vie inconnue devient ma seule organisation personnelle, car sans ta main je me sentirais lâchée toute seule dans l'immensité sans mesure que j’ai découverte. Dans la démesure de la vérité.
Mais c’est que la vérité pour moi n’a jamais eu de sens. Pour moi la vérité n’a pas de sens. C’est pour cela que je l’appréhendais, et que je l’appréhende. Désemparée, je te livre tout cela afin que tu en fasses quelque chose de joyeux. Vais-je pour t’avoir parlé t’effrayer et te perdre? Mais si je ne parle pas je me perdrai et, m’étant perdue, je te perdrai.
La vérité n’a pas de sens, la grandeur du monde me rétrécit. Ce que j’ai demandé probablement et que j’ai finalement obtenu a eu pour résultat de me laisser démunie comme un enfant qui va seul par le monde. Si démunie que pour me consoler et me combler, il faudrait tout l’amour de l’univers, un amour tel que la cellule originelle de chaque chose finisse par vibrer sous l’effet de ce que je suis en train d’appeler un amour. De ce qu’en vérité je ne fais qu’invoquer, mais sans en savoir le nom.
Ce que j’ai vu, ce serait donc l’amour? Mais quel amour que celui-là, aveugle comme celui de la première cellule? Ce serait cela? Cette horreur, ce serait l’amour ? amour aussi neutre que — non, je ne veux pas parler, je ne veux pas déjà me parler, parler dès maintenant ce serait précipiter un sens, imiter celui qui s’empresse de recourir à la sécurité paralysante d’une troisième jambe et n’avance plus. Mais peut-être suis-je seulement en train de repousser le moment de parler? Pourquoi est-ce que je ne dis rien, et me contente de gagner du temps? Parce que j’ai peur. Et parce que, pour me lancer et tenter de concrétiser ce que j’éprouve, j’ai besoin de courage. C’est comme si je possédais des billets de banque, mais ne savais pas dans quel pays ils ont cours.
Il va me falloir du courage pour faire ce que je vais faire: dire. Du courage pour m’exposer à la grande surprise que j’éprouverai devant la pauvreté de la chose dite. Je la dirai de travers et il me faudra ajouter: ce n’est pas cela, pas cela, pas encore cela. Mais il me faut aussi faire fi du ridicule; par peur du ridicule, j’ai toujours préféré le moins au plus; il y a aussi la pudeur foulée aux pieds. Je repousse l’heure de me parler. Parce que j’ai peur?
Et parce que je n’ai pas un mot à dire.
Je n’ai pas un mot à dire, alors pourquoi ne pas me taire? Mais si je ne fais pas violence aux mots, le mutisme m’engloutira au fond des eaux. Les mots et la forme seront la planche qui me permettra de flotter sur les flots déchaînés du mutisme.
Et si je repousse le moment de m’y mettre, c’est aussi que je n’ai pas de guide. Les autres récits de voyageurs me livrent peu de détails au sujet du voyage: toutes les informations sont terriblement incomplètes.
Je sens qu’un début de liberté me vient petit à petit... Car jamais autant qu’aujourd’hui cela ne m’a été égal d’offenser le bon-goût: j’ai écrit «les flots déchaînés du mutisme», ce que je n’aurais jamais dit avant parce que j’ai toujours respecté la beauté et sa modération intrinsèque. J’ai dit «les flots déchaînés du mutisme», humblement mon coeur s’incline, et j’admets. Aurais-je enfin perdu tout un code du bon-goût? Mais, cela sera-t-il mon seul gain? Combien j’ai dû vivre bâillonnée pour me sentir désormais plus libre uniquement parce que je fais bon marché d’une entorse à l’esthétique. Je ne vois pas encore ce que j’ai pu gagner de plus. Je m’en rendrai compte, qui sait, progressivement. Pour l’instant j’éprouve un premier plaisir timide à constater que je me suis débarrassée de la peur du laid. Et cette perte m’est si bonne. Et si douce.
Je veux savoir ce qu’à perdre, j’ai encore gagné. Pour le moment, je ne sais pas: c’est seulement en me faisant revivre que je vais vivre.
Mais comment me faire revivre? Comment si j’ai perdu le langage naturel? Vais-je devoir, comme si je créais ce qui m’est arrivé, me refabriquer un langage?
Je vais créer ce qui m’est arrivé. Pour la bonne raison que vivre, cela ne peut se raconter. Vivre n’est pas vivable. Je vais être obligée de composer sur la vie. Et sans mentir. Composer, oui, mentir, non. Composer n’est pas imaginer, c’est courir le grand risque d’accéder à la réalité. Comprendre est une création, le seul mode que je me permette. Je vais devoir m’appliquer à traduire des signaux télégraphiques, à traduire l’inconnu dans une langue inconnue, et sans même savoir à quoi correspondent ces signaux. Je parlerai dans cette langue de somnambule qui, si j’etais éveillée, ne serait même pas un langage.
Jusqu’à créer la vérité de ce qui m’est arrivé. Oh, ce sera davantage un graphisme qu’une écriture, car mon but est moins d’exprimer que de reproduire. J’éprouve de moins en moins le besoin de m’exprimer. Est-ce là encore une chose que j’ai perdue? Non, déjà du temps où je sculptais, je cherchais seulement à reproduire et je ne le cherchais qu’avec mes mains.
Vais-je m’égarer au milieu de ces signaux muets? Sans doute, car je sais comment je suis: je n’ai jamais su voir sans, tout de suite, vouloir voir davantage. Je sais que je prendrai peur, telle une personne qui serait aveugle et qui, ses yeux s’ouvrant enfin, entreverrait – mais entreverrait quoi? Un triangle muet et incompréhensible. Se sentirait-elle moins aveugle, cette aveugle; de voir un triangle incompréhensible ?
Je m’interroge: si je regarde l’obscurité à la loupe, vais-je voir autre chose que l’obscurité ? La loupe ne dissipe pas l’obscurité, elle ne fait que l’epaissir encore. Et si je regarde la lumière à la loupe, je verrai seulement, dans un choc, une lumière plus forte. J’ai entrevu mais je suis tout aussi aveugle qu’avant, parce que j’ai entrevu un triangle incompréhensible. Il faudrait, pour voir, que je me métamorphose en un triangle qui, dans le triangle incompréhensible déchiffrerait ma propre source et mon double.
Je gagne du temps. Je sais que je parle uniquement pour gagner du temps – pour repousser le moment où je devrai me mettre à dire, sachant qu’il ne me reste rien à dire. Je repousse mon propre silence. Ai-je toute ma vie repoussé le silence? Mais maintenant que je méprise la parole, je vais peut-être enfin pouvoir me mettre à parler.
Signaux télégraphiques. Le monde hérissé d’antennes, et moi captant le message. Je ne pourrai en donner que la transcription phonétique. Voici trois mille ans, je me suis égarée et il n’est resté de moi que des fragments phonétiques. Je suis encore plus aveugle qu’avant. J’ai vu, certes. J’ai vu et j’ai pris peur devant la vérité nue d’un monde dont le plus horrible est qu’il est tellement vivant que pour admettre que je suis aussi vivante que lui – et le pire c’est que je me suis effectivement découverte aussi vivante que lui – je devrai élever mon degré de conscience de la vie extérieure jusqu’à attenter à ma propre vie.
Pour mon solide sens moral de naguère – ma moralité c’était le désir de comprendre, et comme je ne comprenais pas, j’arrangeais les choses, c’est seulement depuis hier et maintenant que j’ai découvert que j’ai toujours été profondément morale: je n’admettais que la finalité – pour mon solide sens moral de naguère, avoir découvert que je suis aussi crûment vivante que cette lumière crue dont j’ai fait hier l’apprentissage, pour ce sens moral qui était le mien la rude gloire d’être vivante c’est l’horreur. Avant je vivais d’un monde humanisé, mais le vivant à l’état brut n’a-t-il pas démoli mon univers de moralité?
C’est qu’un monde totalement vivant a la puissance d’un Enfer.
La Passion selon G.H., Clarice Lispector.
Si je me reconnais et reconnais mon authenticité, je serai perdue parce que je ne saurais pas où insérer ma nouvelle façon d’être — si je progresse dans mes visions fragmentaires, le monde entier va devoir se transformer pour que j'y prenne place.
J’ai perdu une chose qui était essentielle pour moi et qui, désormais, ne l’est plus. Elle ne m’est plus nécessaire, tout comme si j’avais perdu une troisième jambe qui jusqu’alors me rendait la marche impossible mais faisait de moi un socle stable. J’ai perdu cette troisième jambe. Et je suis redevenue ce que je n’avais jamais été. J’ai retrouvé ce que je n’avais jamais eu: rien que deux jambes. Je sais que c’est avec deux jambes seulement que je peux marcher. Mais l’absence de cette troisième jambe inutile me manque et m’effraie, c’est cette jambe-là qui faisait de moi une chose sur laquelle je pouvais compter sans même avoir besoin de m’en inquiéter.
Je suis désorganisée parce que j’ai perdu ce dont je n’avais pas besoin? Dans cette lâcheté que je me découvre – la lâcheté est ce qui m’est arrivé de plus nouveau, c’est ma plus grande aventure, ma lâcheté est un espace si vaste que seul un grand courage me permet de l’accepter – dans ma lâcheté toute neuve qui est comme se réveiller le matin sous un toit étranger, je ne sais si je vais avoir le simple courage d’avancer. Il est si difficile de se perdre. Si difficile que je vais probablement arranger bien vite un moyen de me retrouver, même si me retrouver est une nouvelle négation de ce que je vis. Jusqu’ici me retrouver consistait à avoir au moins l’idée d’une personne et à m’adapter à cette idée: je m’incarnais dans une personne organisée et je ne sentais même plus l’effort énorme qu’il faut pour vivre. Idée qui me venait de ma troisième jambe, de celle qui m’ancrait au sol. Mais désormais? Vais-je être plus libre?
Non, je sais que je ne suis pas encore libre de mes impressions, je sais que je recommence à réfléchir parce que mon but c’est de trouver – et que par sécurité j’appellerai trouver le moment où je rencontrerai une porte de sortie. Pourquoi n’ai-je pas le courage de trouver au moins une porte d’entrée. Je sais bien que je suis entrée, oh, je le sais. Mais je ne sais pas sur quoi donne cette entrée, voilà ce qui m’affole. Et jamais auparavant je ne m’étais laissée entraîner à moins que je sache vers quoi.
Hier pourtant, pendant des heures et des heures, j’ai perdu mon mécanisme humain. Si j’en avais le courage, je continuerais à me laisser égarer. Mais j’ai peur de ce qui est nouveau, peur de vivre ce que je ne comprends pas – il me faut toujours la garantie de pouvoir au moins réfléchir à ce que je ne comprends pas – je ne sais pas m’abandonner si je n’ai plus de repères. Comment expliquer que ce qui fait ma plus grande peur soit relié précisément à être? et pourtant c’est la seule voie. Comment expliquer que ce soit précisément vivre, quoi que j’aie à vivre, qui constitue ma plus grande peur? Comment expliquer que je ne supporte pas de voir, uniquement parce que la vie n’est pas telle que je croyais mais tout autre – comme si j’avais su, avant, ce qu’elle était! Pourquoi est-ce que voir entraîne un tel bouleversement?
Et une désillusion. Mais désillusion de quoi? si, sans toutefois le sentir, je tolérais mal mon organisation à peine construite? Peut-être la désillusion vient-elle de ne plus appartenir à un système. Mais cela devrait alors se dire ainsi: il est très heureux parce qu’il a enfin perdu ses illusions. Ce que j’étais avant ne m’était pas bon. Mais c’est à partir de ce pas-bon que j’avais construit le meilleur: l'espoir. J’avais, avec mon propre mal, créé un bien à venir. La peur maintenant c’est que mon nouveau système n’ait pas de sens. Mais pourquoi est-ce que je ne me laisse pas guider par tout ce qui va désormais se produire? Me voici obligée de courir le risque sacré du hasard. Obligée de remplacer le destin par la probabilité.
Les découvertes de l’enfance se feraient comme dans un laboratoire où l’on trouve ce que l’on devait trouver? Et c’est à l'âge adulte que j’aurais pris peur et créé la troisième jambe? Mais aurai-je aujourd’hui que je suis adulte ce courage d’enfant qu’il faut pour se perdre? se perdre signifie chercher sans relâche, sans savoir quoi faire de ce qu’on pourra trouver. Avec les deux jambes qui se déplacent mais sans la troisième qui assure. Or je veux être captive. Je ne sais que faire de cette liberte épouvantable qui peut me détruire. Etais-je plus contente, pourtant, du temps où j’étais captive? Ou bien y avait-il, et il y avait, cette chose sournoise et inquiète dans ma routine heureuse de prisonnière? Y avait-il, et il y avait, cette chose qui palpitait, cette chose à laquelle j’etais si habituée que je croyais que c’était être une personne que de palpiter. Mais l’était-ce vraiment? en partie, en partie...
Je suis tellement épouvantée lorsque je réalise que, pendant des heures, j’ai perdu mon organisation humaine. Je ne sais pas si je m’en trouverai une autre pour remplacer la première. Je sais qu’il me faudra prendre bien des précautions pour ne pas utiliser subrepticement une de ces troisièmes jambes qui me poussent aussi facilement que de la mauvaise herbe, et pour ne pas appeler cette jambe de protection une «vérité».
Mais je ne sais pas davantage quelle forme donner à ce qui m’est arrivé. Et pour moi, si je ne peux pas donner une forme, rien n’existe. Et – et si en réalité il ne s’était rien passé? Peut-être, qui sait, peut-être ne m’est-il rien arrivé? Je ne peux comprendre que ce qui m’arrive et il ne m’arrive que ce que je peux comprendre – que sais-je du reste? Le reste n’a pas existé. Peut-être, qui sait, peut-être rien n’a-t-il existé? et n’ai-je fait que subir, qui sait, une lente et longue dissolution? Peut-être ma tactique pour lutter contre cette désintégration consiste-t-elle à tout faire désormais pour lui donner une forme? Une forme circonscrit le chaos, une forme donne une armature à la substance amorphe – la vision d’un morceau de viande qui n’aurait pas de fin est une vision de fou, mais si je coupe cette viande en morceaux et la distribue au fur et à mesure des jours et des appétits, alors elle ne sera plus la perdition et la folie: elle sera de nouveau humanisée.
La vie humanisée? J’avais humanisé la vie à l’excès. Mais que faire désormais? Dois-je affronter la totalité de ma vision, même si cela m’amène à une vérité incompréhensible? ou dois-je donner une forme au néant pour pouvoir intégrer ma propre désintégration? Mais je suis si peu armée pour comprendre. Avant, chaque fois que j’essayais de comprendre, mes limites me donnaient une sensation physique de malaise; je dois dire que j’ai vite le cerveau en bouillie lorsque j’essaie de réfléchir. J’ai dû très tôt, et sans me lamenter, reconnaître les bornes de ma pauvre intelligence, et rebrousser chemin. Mon destin n’a rien de celui d’un penseur, quand je raisonne, je me ratatine à l’intérieur de ma peau. Comment, en ces conditions, inaugurer en moi le règne de la réflexion? et, alors que peut-être seule la réflexion pourrait me sauver, j’ai peur de la passion.
Puisqu’il me faut absolument sauver le jour de demain, puisqu’il me faut absolument, dans la mesure où je ne peux supporter ce chaos, avoir une forme, puisqu’il me faudra fatalement répartir cette viande monstrueuse et sans fin, et la couper en morceaux qui soient proportionnés à la capacité d’absorbtion de ma bouche et à la capacité de vision de mes yeux, puisque fatalement je finirai par succomber à ce besoin d’une forme qui est lié à ma terreur de n’avoir pas de limites – qu’au moins j’aie le courage de laisser cette forme se former toute seule ainsi qu’une croûte durcit d’elle-même et que la nébuleuse du feu en se refroidissant devient terre. Qu’au moins j’aie l’immense courage de résister à la tentation d’inventer une forme.
Cet effort que je vais maintenant accomplir pour laisser un sens, quel qu’il puisse être, venir à la surface, cet effort me serait facilité si je faisais semblant d’écrire pour quelqu’un.
Mais je crains, pour pouvoir être entendue de ce quelqu’un imaginaire, je crains de me mettre à composer, de me mettre à «fabriquer» un sens, avec cette même douce folie qui a été jusqu’à hier la saine méthode que j’utilisais pour m’insérer dans un système. Va-t-il me falloir trouver le courage d’utiliser un coeur sans défense, le courage de me mettre à parler du néant, à parler pour personne? ainsi qu’un enfant réfléchit en ne pensant à rien. Va-t-il me falloir courir le risque d’être broyée par le hasard?
Je ne comprends pas ce que j’ai vu. Et je ne sais même pas si j’ai vu puisque mes yeux ont fini par ne plus se distinguer de la chose vue. C’est seulement grâce à un frémissement inattendu, grâce à une anomalie dans la continuité ininterrompue de mon environnement que j’ai experimente, l’espace d’un instant, la mort vivificatrice. Mort de choix qui m’a permis au risque de voir mon époque sombrer en moi, de palper le tissu interdit de la vie. Il est interdit de prononcer le nom de la vie. Et c’est tout juste si je ne l’ai pas prononcé. Tout juste si j’ai pu me dépêtrer de ce tissu.
Peut-être ce qui m’est arrivé est-il une illumination – et peut-être, pour demeurer fidèle à moi-même, dois-je continuer à n’y rien comprendre. Une compréhension fulgurante ressemble toujours beaucoup à de l’incompréhension.
Non, une compréhension fulgurante est toujours la révélation d’une incompréhension radicale. Le moment où l’on trouve est également toujours le moment où l’on est perdu pour soi-même. Peut-être ai-je été envahie par une révélation aussi totale qu’une incompréhension et vais-je sortir de là intacte et innocente, comme avant. Jamais aucune de mes réflexions ne sera à la mesure de cette révélation, car je ne puis me hausser au niveau de la vie, seul vivre est à ma mesure. Sauf que, désormais, je suis avertie d’un secret. Un secret que je suis déjà en train d’oublier, ah, je sens que je suis déjà en train d’oublier...
Maintenant, pour retrouver ce secret, il me faudrait re-mourir. Et en le retrouvant, peut-être vais-je attenter à mon âme humaine. Et je ne veux pas, je ne veux pas. Ce qui pourrait encore me sauver ce serait de me livrer à une nouvelle ignorance, la chose serait possible. Car dans le moment même où je lutte pour savoir, ma nouvelle ignorance, qui est l’oubli, est devenue sacrée. Je suis la vestale d’un secret dont je ne sais plus quel il fut. Et je prends soin d’un péril oublié. Connaissance m’a été donnée de cela même que je ne peux comprendre, ma bouche est demeurée scellée, et il ne m’est rien resté d’autre que les fragments incompréhensibles d’un rituel. Sans compter que pour la première fois je sens enfin que mon oubli est à la mesure du monde. Ah, et je ne veux même pas que me soit expliqué ce qui, pour être expliqué, devrait venir de soi. Je ne veux pas que me soit expliqué ce qui nécessiterait encore, pour être interprété, la ratification d’une pensée.
J’ai eu accès à la vie et à la mort, et je me suis révélée monstrueuse. Mon courage a été celui du somnambule, qui ne sait qu’avancer. Tout le temps du naufrage, j’ai eu le courage de ne pas composer, de ne pas organiser. Et surtout de ne pas prévoir. Jusque-là je n’avais pas le courage de me laisser guider par ce que je ne connais pas sur la voie de ce que je ne connais pas: mes prévisions ordonnaient d’avance ce que je verrais. Ce n’étaient pas des avant-visions de visions: tout de suite elles avaient la dimension des précautions dont je m’entourais. Mes prévisions me fermaient le monde.
Jusqu’à ce que, des heures durant, je renonce. Et, grand dieu, ce n’est pas le long de la vallée d’un fleuve que j’ai cheminé - j’avais toujours cru que savoir serait humide et fertile comme le sont les vallées des fleuves. Je ne m’attendais pas à pareille déconvenue.
Pour rester humaine, vais-je faire le sacrifice d’oublier? Désormais je saurai reconnaître sur le visage semblable de certaines personnes qu’elles - qu’elles ont oublié. Et ne savent plus qu’elles ont oublié.
J’ai vu, je sais que j’ai vu, parce que je n’ai pas pu donner un sens personnel à ce que j’ai vu, je sais que j’ai vu parce que je ne comprends pas. Je sais que j’ai vu parce que ce que j’ai vu ne me sert à rien. Ecoute, il faut que je parle parce que je ne sais que faire de ce que j’ai vu. Pire cncore: ce que j’ai vu, je n’en veux pas. Ce que j’ai vu fait voler en éclats ma vie de tous les jours. Pardonne-moi pareil cadeau, je préférerais tellement avoir vu une chose plus agréable. Prends ce que j’ai vu. Délivre-moi d’une vision qui ne me sert à rien, délivre-moi de mon péché inutile.
Je suis si effrayée que je ne pourrai reconnaître que je me suis perdue que si quelqu’un me tient la main.
Que quelqu’un me tienne la main, voilà ce que j’ai toujours attendu de la joie. Souvent avant de m’endormir, pendant cet instant fugitif où je lutte pour ne pas perdre conscience et pour ne pas pénétrer dans un monde plus vaste – souvent, avant d’avoir le courage d’embarquer pour le grand-large du sommeil, je fais semblant de croire que quelqu’un me tient la main, et alors j’avance, j’avance vers cette monstrueuse absence de forme qu’est le sommeil. Et lorsque même ainsi accompagnée le courage me manque, alors je rêve.
S’engager dans le sommeil ressemble tellement à la façon dont je dois maintenant progresser vers ma liberté. M’abandonner à ce que je ne comprends pas sera comme me tenir aux frontières du néant. Ce sera comme avancer sans tout à fait avancer, telle une aveugle égarée en pleine campagne. La chose la plus surnaturelle qui soit: vivre. Ce vivre que j’avais domestiqué afin de le rendre plus familier. Le grand courage que ce sera de m’abandonner comme on abandonne sa main à la main à demi cachée du Dieu, et de passer le seuil de cette chose informe qu’est un paradis. Un paradis dont je ne veux pas.
Je vais devoir, le temps d’écrire et de parler, faire semblant que quelqu’un me tient par la main. Au moins pour commencer, seulement pour commencer. Dès que je pourrai libérer cette main, j’irai seule. Pour l’instant, j’ai besoin de m’accrocher à cette main, et peu importe si je ne parviens pas à inventer ton visage, ni tes yeux, ni ta bouche. Bien que tronquée, cette main ne m’effraie pas. C’est l’amour qui me la fait inventer et si je ne peux pas rattacher cette main à un corps, c’est uniquement parce que je ne suis pas capable d’aimer suffisamment. Je ne suis pas en mesure d’imaginer une personne entière parce que je ne suis pas une personne entière. Et comment imaginer un visage quand je ne sais pas de quelle expression de visage j’ai besoin ? Dès que je pourrai libérer ta main si chaude, j’irai seule et dans l’horreur. J’assumerai l’horreur jusqu’à ce que s’accomplisse la métamorphose et que l’horreur devienne lumière. Pas la lumière qui naît du désir de la beauté et de l’ordre moral tels que je les voulais autrefois, sans en être consciente, mais la lumière naturelle de ce qui existe, et c’est cette lumière naturelle qui me terrorise. Encore que je sache bien que l’horreur, l’horreur c’est moi en face des choses.
Pour le moment, j’invente ta présence, de la même façon un jour je ne saurai pas non plus m’aventurer à mourir toute seule, mourir est le risque majeur, je ne saurai pas franchir le seuil de la mort et faire le premier pas dans la première absence de moi – à cette heure ultime aussi j’inventerai ta présence inconnue et en ta compagnie je commencerai à mourir, jusqu’à ce que j’aie appris toute seule à ne plus exister, et alors je te libérerai. Pour le moment, je m’accroche à toi, et ta chaude vie inconnue devient ma seule organisation personnelle, car sans ta main je me sentirais lâchée toute seule dans l'immensité sans mesure que j’ai découverte. Dans la démesure de la vérité.
Mais c’est que la vérité pour moi n’a jamais eu de sens. Pour moi la vérité n’a pas de sens. C’est pour cela que je l’appréhendais, et que je l’appréhende. Désemparée, je te livre tout cela afin que tu en fasses quelque chose de joyeux. Vais-je pour t’avoir parlé t’effrayer et te perdre? Mais si je ne parle pas je me perdrai et, m’étant perdue, je te perdrai.
La vérité n’a pas de sens, la grandeur du monde me rétrécit. Ce que j’ai demandé probablement et que j’ai finalement obtenu a eu pour résultat de me laisser démunie comme un enfant qui va seul par le monde. Si démunie que pour me consoler et me combler, il faudrait tout l’amour de l’univers, un amour tel que la cellule originelle de chaque chose finisse par vibrer sous l’effet de ce que je suis en train d’appeler un amour. De ce qu’en vérité je ne fais qu’invoquer, mais sans en savoir le nom.
Ce que j’ai vu, ce serait donc l’amour? Mais quel amour que celui-là, aveugle comme celui de la première cellule? Ce serait cela? Cette horreur, ce serait l’amour ? amour aussi neutre que — non, je ne veux pas parler, je ne veux pas déjà me parler, parler dès maintenant ce serait précipiter un sens, imiter celui qui s’empresse de recourir à la sécurité paralysante d’une troisième jambe et n’avance plus. Mais peut-être suis-je seulement en train de repousser le moment de parler? Pourquoi est-ce que je ne dis rien, et me contente de gagner du temps? Parce que j’ai peur. Et parce que, pour me lancer et tenter de concrétiser ce que j’éprouve, j’ai besoin de courage. C’est comme si je possédais des billets de banque, mais ne savais pas dans quel pays ils ont cours.
Il va me falloir du courage pour faire ce que je vais faire: dire. Du courage pour m’exposer à la grande surprise que j’éprouverai devant la pauvreté de la chose dite. Je la dirai de travers et il me faudra ajouter: ce n’est pas cela, pas cela, pas encore cela. Mais il me faut aussi faire fi du ridicule; par peur du ridicule, j’ai toujours préféré le moins au plus; il y a aussi la pudeur foulée aux pieds. Je repousse l’heure de me parler. Parce que j’ai peur?
Et parce que je n’ai pas un mot à dire.
Je n’ai pas un mot à dire, alors pourquoi ne pas me taire? Mais si je ne fais pas violence aux mots, le mutisme m’engloutira au fond des eaux. Les mots et la forme seront la planche qui me permettra de flotter sur les flots déchaînés du mutisme.
Et si je repousse le moment de m’y mettre, c’est aussi que je n’ai pas de guide. Les autres récits de voyageurs me livrent peu de détails au sujet du voyage: toutes les informations sont terriblement incomplètes.
Je sens qu’un début de liberté me vient petit à petit... Car jamais autant qu’aujourd’hui cela ne m’a été égal d’offenser le bon-goût: j’ai écrit «les flots déchaînés du mutisme», ce que je n’aurais jamais dit avant parce que j’ai toujours respecté la beauté et sa modération intrinsèque. J’ai dit «les flots déchaînés du mutisme», humblement mon coeur s’incline, et j’admets. Aurais-je enfin perdu tout un code du bon-goût? Mais, cela sera-t-il mon seul gain? Combien j’ai dû vivre bâillonnée pour me sentir désormais plus libre uniquement parce que je fais bon marché d’une entorse à l’esthétique. Je ne vois pas encore ce que j’ai pu gagner de plus. Je m’en rendrai compte, qui sait, progressivement. Pour l’instant j’éprouve un premier plaisir timide à constater que je me suis débarrassée de la peur du laid. Et cette perte m’est si bonne. Et si douce.
Je veux savoir ce qu’à perdre, j’ai encore gagné. Pour le moment, je ne sais pas: c’est seulement en me faisant revivre que je vais vivre.
Mais comment me faire revivre? Comment si j’ai perdu le langage naturel? Vais-je devoir, comme si je créais ce qui m’est arrivé, me refabriquer un langage?
Je vais créer ce qui m’est arrivé. Pour la bonne raison que vivre, cela ne peut se raconter. Vivre n’est pas vivable. Je vais être obligée de composer sur la vie. Et sans mentir. Composer, oui, mentir, non. Composer n’est pas imaginer, c’est courir le grand risque d’accéder à la réalité. Comprendre est une création, le seul mode que je me permette. Je vais devoir m’appliquer à traduire des signaux télégraphiques, à traduire l’inconnu dans une langue inconnue, et sans même savoir à quoi correspondent ces signaux. Je parlerai dans cette langue de somnambule qui, si j’etais éveillée, ne serait même pas un langage.
Jusqu’à créer la vérité de ce qui m’est arrivé. Oh, ce sera davantage un graphisme qu’une écriture, car mon but est moins d’exprimer que de reproduire. J’éprouve de moins en moins le besoin de m’exprimer. Est-ce là encore une chose que j’ai perdue? Non, déjà du temps où je sculptais, je cherchais seulement à reproduire et je ne le cherchais qu’avec mes mains.
Vais-je m’égarer au milieu de ces signaux muets? Sans doute, car je sais comment je suis: je n’ai jamais su voir sans, tout de suite, vouloir voir davantage. Je sais que je prendrai peur, telle une personne qui serait aveugle et qui, ses yeux s’ouvrant enfin, entreverrait – mais entreverrait quoi? Un triangle muet et incompréhensible. Se sentirait-elle moins aveugle, cette aveugle; de voir un triangle incompréhensible ?
Je m’interroge: si je regarde l’obscurité à la loupe, vais-je voir autre chose que l’obscurité ? La loupe ne dissipe pas l’obscurité, elle ne fait que l’epaissir encore. Et si je regarde la lumière à la loupe, je verrai seulement, dans un choc, une lumière plus forte. J’ai entrevu mais je suis tout aussi aveugle qu’avant, parce que j’ai entrevu un triangle incompréhensible. Il faudrait, pour voir, que je me métamorphose en un triangle qui, dans le triangle incompréhensible déchiffrerait ma propre source et mon double.
Je gagne du temps. Je sais que je parle uniquement pour gagner du temps – pour repousser le moment où je devrai me mettre à dire, sachant qu’il ne me reste rien à dire. Je repousse mon propre silence. Ai-je toute ma vie repoussé le silence? Mais maintenant que je méprise la parole, je vais peut-être enfin pouvoir me mettre à parler.
Signaux télégraphiques. Le monde hérissé d’antennes, et moi captant le message. Je ne pourrai en donner que la transcription phonétique. Voici trois mille ans, je me suis égarée et il n’est resté de moi que des fragments phonétiques. Je suis encore plus aveugle qu’avant. J’ai vu, certes. J’ai vu et j’ai pris peur devant la vérité nue d’un monde dont le plus horrible est qu’il est tellement vivant que pour admettre que je suis aussi vivante que lui – et le pire c’est que je me suis effectivement découverte aussi vivante que lui – je devrai élever mon degré de conscience de la vie extérieure jusqu’à attenter à ma propre vie.
Pour mon solide sens moral de naguère – ma moralité c’était le désir de comprendre, et comme je ne comprenais pas, j’arrangeais les choses, c’est seulement depuis hier et maintenant que j’ai découvert que j’ai toujours été profondément morale: je n’admettais que la finalité – pour mon solide sens moral de naguère, avoir découvert que je suis aussi crûment vivante que cette lumière crue dont j’ai fait hier l’apprentissage, pour ce sens moral qui était le mien la rude gloire d’être vivante c’est l’horreur. Avant je vivais d’un monde humanisé, mais le vivant à l’état brut n’a-t-il pas démoli mon univers de moralité?
C’est qu’un monde totalement vivant a la puissance d’un Enfer.
La Passion selon G.H., Clarice Lispector.
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Je suis née folle dans le Barbican, quatre ans après la défaite de l’invincible Armada. Je décide immédiatement de faire ce que je veux : vivre des aventures de bandit de grand chemin plutôt que de papoter avec une poignée de menteuses, me bagarrer avec un gourdin clouté, détruire chaque fichue pique qu’on tente de me lancer. Je suis la dame ourse, les yeux couverts de cuir, la reine de la chicane des joyaux des taudis. Si j’étais un homme, je rejoindrais les hommes du colonel Downe sur la route ; je naviguerais jusqu’aux territoires espagnols avec du velours noir sur mon œil gauche du velours noir sur mon entrejambe. Les combats de chiens, dans le Bear Garden (1), sont et resteront mon sport préféré. J’apprends à combattre, à m’armer de bâtons, de toutes les manières, à prendre soin de moi-même. Mon père est un tailleur idiot.
Mon père me hait, me dit que je dois être une femme et me faire engager chez un respectable sellier. Tout ce dont il a envie c’est de me violer. Je refuse. Le salopard s’arrange pour me faire enlever par ses amis, me fait jeter dans le donjon d’un navire qui appareille pour la Virginie. Je suis une esclave. Je reste assise pendant une heure parmi les rats, sur le plancher froid ; je vois une lumière filtrer à travers une fissure de la porte, je bande mes muscles, mes liens cèdent ; je jette un coup d’œil à l’en-tour, je m’échappe. Je me précipite directement vers le Bear Garden.
(Je ne me rappelle rien de ma prime enfance. Un docteur marron dit à ma mère qu’elle doit tomber enceinte pour bien se porter deux jours après elle tombe enceinte elle m’a et elle a l’appendicite. Je hais tout le monde ; tout le monde me hait. Je ne sais pas comment parler aux autres ni comment me faire des amis. Je suis plus sauvage et plus étrange que tous ceux que je connais ; mon père légume veut que je sois un gaçon et je ne veux rien être. Ma mère refuse de me dire qui est mon père.
(Je rencontre un cinéaste crève-la-faim c’est la première personne à laquelle je m’identifie je décide que je serai écrivain. Je ne veux pas être comme mes amies riches, alors je mourrai. Mes parents veulent me marier à un richard et se débarrasser de moi une fois que j’aurai épousé ce plouc caractérisé. Je ne peux pas les blairer non plus. Je veux être une motarde sexy et baraquée portant du cuir argenté sur une BMW et ne me laisser emmerder par personne.)
Je fréquente les détrousseurs et les brigands de la ville. L’âge d’or de la soustraction de bourses. Ils inventent les poches. Le gros fonce dans le pigeon, sème la pagaille. Le malandrin extraie l’argent de ses longs doigts agiles, passe le butin à son complice qui s’éclipse avant que quiconque crie de terreur.
Malheureusement ou heureusement, je suis une piètre voleuse. Mes mains sont modelées pour le gourdin clouté et l’épée, pas pour des opérations aussi intelligentes et délicates. Je risquerai ma vie librement comme tout esclave, mais c’est pénible. Je rêve que je suis dans la chambre noire, le donjon ; les rats courent sur mon con, mordillent tout mon corps ; je hurle, je hurle et je hurle.
(Je fais des cauchemars toutes les nuits. Environ une fois par semaine je pénètre dans la bibliothèque balance tous les livres des étagères je me trouve parmi des objets déplacés qui disparaissent je perds conscience pendant deux semaines puis je comprends que j’ai perdu conscience. Je suis reine parce que je baise beaucoup je ne me laisse atteindre par personne. Je fume beaucoup de joints de façon à pouvoir m’endormir. Parfois je suis extatique je dévale en dansant des collines pentues je ne peux m’arrêter de rire.
(Je quitte mes parents, puis mon mari, ma carrière. Je ne suis pas très douée pour gagner de l’argent. J’ai deux problèmes principaux : (1) comment gagner deux cents ou trois cents dollars par mois pour manger, payer le loyer, sans devenir un robot et en gardant mes vêtements sur le dos (2) faire ce que je veux, ce qui est réel, s’approcher de la réalité. Fin de ma vie.)
Je crois en la noblesse : prenant la défense de mes amis, risquant ma vie, quand c’est nécessaire : la dernière trace de ma féminité, une sorte d’instinct maternel, m’aide à résoudre les disputes de la bande. J’agis avec gentillesse et austérité ; pas une fçade, mais moi. J’essaie de me représenter ce qu’est la réalité. Je commence à préparer les vols et je deviens le receleur, pas le commanditaire ; la bande ne me chasse pas. Je dois mieux me protéger. Je rends leurs bijoux perdus aux honnêtes citoyens de la ville. Ils me paient bien et je paie la bande.
(Je songe à baiser avec K. J’ai trop peur pour parler à des gens que je ne connais pas très bien je me fais baiser par D je n’ai pas eu d’amis proches depuis bien trop longtemps. Comment en terminer avec ce problème? Je pourrais descendre jusqu’à ma planque habituelle : je veux être seule. Ce serait mieux pour moi si je pouvais baiser avec quelqu’un/une avec qui je pourrais parler. Je dois cesser de me comporter comme si j’étais timide.)
Je contrôle ma bande de malfaiteurs et les moindres détails de mon art. Je me débarrasse de moi-même en tant que femme. La plus grande bande de pickpockets de Londres. Je décide de sacrifier la liberté d’action de chaque membre pour sa propre sécurité. Je ne peux pas diriger autrement la bande et, par-dessus tout, je suis un excellent homme d’affaires. Si un membre de ma bande se comporte mal, je l’envoie à la potence, je suis roi. Je récompense mes fidèles associés : je n’hésite jamais à sauver un ami de l’énorme ombre noire du nœud coulant du bourreau. Je ne commets jamais de meurtre de mes mains.
Telles sont mes actions : je commande un régiment de porteurs pour surveiller les portes des marchands de tissus ; à la première occasion ils emportent les livres de comptes et les registres des négociants. Pendant quelque temps, les négociants paient le prix fort pour récupérer leurs livres, je désapprouve la violence ; je ne m’intéresse qu’à l’argent. Je porte un pourpoint et un jupon, l’ostentation ne m’intéresse pas ; plus tard, pour mon confort, je porte un grand ciré hollandais. Si quelqu’un se met en travers de mon chemin, je tire mon épée tranchante. Personne ne m’arrête. Je ne fréquente que des repaires d’hommes et je suis célibataire. Je suis constamment ivre, beuglant et rugissant des obscénités ; personne ne peut dompter ma folie infinie, qui résonne dans rues grises et humides de la ville rieuse.
(Je travaille dur je n’arrive toujours pas à coucher avec qui je veux (1) on me refuse (2) je suis trop timide pour parler à qui que ce soit si je travaillais plus dur et devenais célèbre alors tout le monde coucherait avec moi je n’aurais pas à être si timide je suis fatiguée je veux être la Vierge Marie avec une barre de fer placée contre mon foutu con il y a en moi des bites rouges comme celles des chiens, des animaux filent à minuit des lièvres sur des motocyclettes adamantines je commence à hurler.)
Voici mes amis :
Capitaine Hind, l’ennemi permanent des régicides, il prétend avoir fait ce que j’ai fait. La célèbre Moll Sack qui a fait les poches de Cromwell le légume sur le Mall. Crowder, qui s’habille comme un évêque et vole l’argent des vrais pénitents quand ils lui confessent leurs péchés. Nous sommes loyaux envers les morts. Ralph Briscoe, le gardien de la prison de Newgate, et Gregory le Bourreau sont mes vrais amis ; ils ont déjà coupé leur bite pour moi. Ils remplissent des jurys, font suspendre le jugement de mes hommes quand je lève le petit doigt.
Je satisfais ma sexualité avec les animaux. Je donne à chacun de mes chiens un lit de camp, les protège du froid en les enveloppant dans des draps et des couvertures ; je leur donne une partie de la délicieuse nourriture de la bande. Des perroquets volent dans mes cheveux noirs, criaillent jusqu’à ce que je gratte leur cou rouge et jaune. J’imagine que je vole dans la nuit, en toupillant en hurlant en poussant des cris, je suis le vent ; personne ne peut m’arrêter ou faire quoi que ce soit d’autre que m’aimer.
la Vie enfantine de la Tarentule noire, par la Tarentule noire, Kathy Acker
Mon père me hait, me dit que je dois être une femme et me faire engager chez un respectable sellier. Tout ce dont il a envie c’est de me violer. Je refuse. Le salopard s’arrange pour me faire enlever par ses amis, me fait jeter dans le donjon d’un navire qui appareille pour la Virginie. Je suis une esclave. Je reste assise pendant une heure parmi les rats, sur le plancher froid ; je vois une lumière filtrer à travers une fissure de la porte, je bande mes muscles, mes liens cèdent ; je jette un coup d’œil à l’en-tour, je m’échappe. Je me précipite directement vers le Bear Garden.
(Je ne me rappelle rien de ma prime enfance. Un docteur marron dit à ma mère qu’elle doit tomber enceinte pour bien se porter deux jours après elle tombe enceinte elle m’a et elle a l’appendicite. Je hais tout le monde ; tout le monde me hait. Je ne sais pas comment parler aux autres ni comment me faire des amis. Je suis plus sauvage et plus étrange que tous ceux que je connais ; mon père légume veut que je sois un gaçon et je ne veux rien être. Ma mère refuse de me dire qui est mon père.
(Je rencontre un cinéaste crève-la-faim c’est la première personne à laquelle je m’identifie je décide que je serai écrivain. Je ne veux pas être comme mes amies riches, alors je mourrai. Mes parents veulent me marier à un richard et se débarrasser de moi une fois que j’aurai épousé ce plouc caractérisé. Je ne peux pas les blairer non plus. Je veux être une motarde sexy et baraquée portant du cuir argenté sur une BMW et ne me laisser emmerder par personne.)
Je fréquente les détrousseurs et les brigands de la ville. L’âge d’or de la soustraction de bourses. Ils inventent les poches. Le gros fonce dans le pigeon, sème la pagaille. Le malandrin extraie l’argent de ses longs doigts agiles, passe le butin à son complice qui s’éclipse avant que quiconque crie de terreur.
Malheureusement ou heureusement, je suis une piètre voleuse. Mes mains sont modelées pour le gourdin clouté et l’épée, pas pour des opérations aussi intelligentes et délicates. Je risquerai ma vie librement comme tout esclave, mais c’est pénible. Je rêve que je suis dans la chambre noire, le donjon ; les rats courent sur mon con, mordillent tout mon corps ; je hurle, je hurle et je hurle.
(Je fais des cauchemars toutes les nuits. Environ une fois par semaine je pénètre dans la bibliothèque balance tous les livres des étagères je me trouve parmi des objets déplacés qui disparaissent je perds conscience pendant deux semaines puis je comprends que j’ai perdu conscience. Je suis reine parce que je baise beaucoup je ne me laisse atteindre par personne. Je fume beaucoup de joints de façon à pouvoir m’endormir. Parfois je suis extatique je dévale en dansant des collines pentues je ne peux m’arrêter de rire.
(Je quitte mes parents, puis mon mari, ma carrière. Je ne suis pas très douée pour gagner de l’argent. J’ai deux problèmes principaux : (1) comment gagner deux cents ou trois cents dollars par mois pour manger, payer le loyer, sans devenir un robot et en gardant mes vêtements sur le dos (2) faire ce que je veux, ce qui est réel, s’approcher de la réalité. Fin de ma vie.)
Je crois en la noblesse : prenant la défense de mes amis, risquant ma vie, quand c’est nécessaire : la dernière trace de ma féminité, une sorte d’instinct maternel, m’aide à résoudre les disputes de la bande. J’agis avec gentillesse et austérité ; pas une fçade, mais moi. J’essaie de me représenter ce qu’est la réalité. Je commence à préparer les vols et je deviens le receleur, pas le commanditaire ; la bande ne me chasse pas. Je dois mieux me protéger. Je rends leurs bijoux perdus aux honnêtes citoyens de la ville. Ils me paient bien et je paie la bande.
(Je songe à baiser avec K. J’ai trop peur pour parler à des gens que je ne connais pas très bien je me fais baiser par D je n’ai pas eu d’amis proches depuis bien trop longtemps. Comment en terminer avec ce problème? Je pourrais descendre jusqu’à ma planque habituelle : je veux être seule. Ce serait mieux pour moi si je pouvais baiser avec quelqu’un/une avec qui je pourrais parler. Je dois cesser de me comporter comme si j’étais timide.)
Je contrôle ma bande de malfaiteurs et les moindres détails de mon art. Je me débarrasse de moi-même en tant que femme. La plus grande bande de pickpockets de Londres. Je décide de sacrifier la liberté d’action de chaque membre pour sa propre sécurité. Je ne peux pas diriger autrement la bande et, par-dessus tout, je suis un excellent homme d’affaires. Si un membre de ma bande se comporte mal, je l’envoie à la potence, je suis roi. Je récompense mes fidèles associés : je n’hésite jamais à sauver un ami de l’énorme ombre noire du nœud coulant du bourreau. Je ne commets jamais de meurtre de mes mains.
Telles sont mes actions : je commande un régiment de porteurs pour surveiller les portes des marchands de tissus ; à la première occasion ils emportent les livres de comptes et les registres des négociants. Pendant quelque temps, les négociants paient le prix fort pour récupérer leurs livres, je désapprouve la violence ; je ne m’intéresse qu’à l’argent. Je porte un pourpoint et un jupon, l’ostentation ne m’intéresse pas ; plus tard, pour mon confort, je porte un grand ciré hollandais. Si quelqu’un se met en travers de mon chemin, je tire mon épée tranchante. Personne ne m’arrête. Je ne fréquente que des repaires d’hommes et je suis célibataire. Je suis constamment ivre, beuglant et rugissant des obscénités ; personne ne peut dompter ma folie infinie, qui résonne dans rues grises et humides de la ville rieuse.
(Je travaille dur je n’arrive toujours pas à coucher avec qui je veux (1) on me refuse (2) je suis trop timide pour parler à qui que ce soit si je travaillais plus dur et devenais célèbre alors tout le monde coucherait avec moi je n’aurais pas à être si timide je suis fatiguée je veux être la Vierge Marie avec une barre de fer placée contre mon foutu con il y a en moi des bites rouges comme celles des chiens, des animaux filent à minuit des lièvres sur des motocyclettes adamantines je commence à hurler.)
Voici mes amis :
Capitaine Hind, l’ennemi permanent des régicides, il prétend avoir fait ce que j’ai fait. La célèbre Moll Sack qui a fait les poches de Cromwell le légume sur le Mall. Crowder, qui s’habille comme un évêque et vole l’argent des vrais pénitents quand ils lui confessent leurs péchés. Nous sommes loyaux envers les morts. Ralph Briscoe, le gardien de la prison de Newgate, et Gregory le Bourreau sont mes vrais amis ; ils ont déjà coupé leur bite pour moi. Ils remplissent des jurys, font suspendre le jugement de mes hommes quand je lève le petit doigt.
Je satisfais ma sexualité avec les animaux. Je donne à chacun de mes chiens un lit de camp, les protège du froid en les enveloppant dans des draps et des couvertures ; je leur donne une partie de la délicieuse nourriture de la bande. Des perroquets volent dans mes cheveux noirs, criaillent jusqu’à ce que je gratte leur cou rouge et jaune. J’imagine que je vole dans la nuit, en toupillant en hurlant en poussant des cris, je suis le vent ; personne ne peut m’arrêter ou faire quoi que ce soit d’autre que m’aimer.
la Vie enfantine de la Tarentule noire, par la Tarentule noire, Kathy Acker

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“I’m still a piece of meat like something in the Fourteenth Street markets swinging from stinking hooks in the blurry drag queen dusk. Maybe a hundred dollars to my name, no place to live, and I can’t hustle anymore. I’m trying to keep my body beyond the deathly fingers of my past but I’m fucked up bad never learned shit, how to create structures other than chaos. I’m attracted to chaos because of all the possibilities and I don’t have to choose any of them or die frozen inside one but right now all I know is that I’m tired. I woke up in this guy’s bed in the middle of the night and realized not a whole lot had changed since I got off the streets.”
"On s'est assis sur une poutre, l'eau qui courait sous nos pieds nous donnant l'impression de nous déplacer à toute vitesse dans un monde qui mourait en silence.
(...)
A l'époque je tombais facilement amoureux: les mouvements d'un bras, la ligne pure d'une veine sur le cou, la courbure de la mâchoire sous une faible lumière, les contours d'un corps sous les vêtements, la lumière claire des yeux lorsque les visages se touchent."
“I lean back and tilt my head so all I see are the clouds in the sky. I'm looking back inside my head with my eyes wide open. I still don't know where I'm going; I decided I'm not crazy or alien. It's just that I'm more like one of those kids they find in remote jungles or forests (...). A wolf child. And they've dragged me into this fucking schizo-culture, snarling and spitting and walking around on curled knuckles. (...) My eyes have always been advertising an early death."
"On s'est assis sur une poutre, l'eau qui courait sous nos pieds nous donnant l'impression de nous déplacer à toute vitesse dans un monde qui mourait en silence.
(...)
A l'époque je tombais facilement amoureux: les mouvements d'un bras, la ligne pure d'une veine sur le cou, la courbure de la mâchoire sous une faible lumière, les contours d'un corps sous les vêtements, la lumière claire des yeux lorsque les visages se touchent."
“I lean back and tilt my head so all I see are the clouds in the sky. I'm looking back inside my head with my eyes wide open. I still don't know where I'm going; I decided I'm not crazy or alien. It's just that I'm more like one of those kids they find in remote jungles or forests (...). A wolf child. And they've dragged me into this fucking schizo-culture, snarling and spitting and walking around on curled knuckles. (...) My eyes have always been advertising an early death."
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« C’est à cela que doivent tendre tous les efforts des architectes : la répartition de la lumière. Il y a mille façons de la distribuer. Pour qu’elle remplisse les conditions voulues, la lumière devrait être amenée directement sur les tableaux et les statues au lieu d’y parvenir au hasard.
[…] Au commencement, la musique n’a été que l’harmonie de la nature : le bruit des cascades, le mugissement de la tempête […]. Ensuite les oiseaux chanteurs, puis tous les animaux émirent des sons différents. L’harmonie existait, l’homme, classant et cataloguant les sons, créa la musique. On sait ce qu’il a su en tirer depuis !
Or, aujourd’hui, l’homme, passé maître sur le terrain musical, en est encore à l’enfance de l’art du point de vue de la lumière.
[…] Un jour viendra où l’homme saura employer les couleurs de si précieuse façon pour des harmonies rayonnantes qu’il n’arrivera pas à concevoir comment il a pu vivre si longtemps dans les ténèbres où il se meut aujourd’hui. » Loïe Fuller.
« Un jour clair et lumineux a sur nous un tout autre effet qu’un jour terne et sombre, et en poussant ces observations plus en avant, nous arriveront à comprendre des effets plus délicats qui influent sur notre organisme. Dans l’atmosphère paisible d’une serre aux vitres vertes, nous faisons des mouvements tout différents de ceux que nous ferions dans une serre aux verres rouges, jaunes ou bleus. Mais nous n’apportons pas d’attention à cette corrélation des mouvements et de leurs causes. C’est pourtant ces choses qu’il faut observer quand on danse avec un accompagnement de lumière et de musique harmonisées. » Loïe Fuller.
« En ressentant une sensation, nous ne pouvons pas en exprimer une autre par les gestes, alors que nous le pouvons avec les mots. Puisque c’est le mouvement et non la parole qui est la vérité, nous avons faussé notre sens de compréhension. » Loïe Fuller.
« D’abord le langage [de la danse] est simple et donne l’impression de l’assemblage des lettres de l’alphabet dans les plus petites phrases, et ceci fait, un grand progrès est déjà accompli. Ensuite viennent les gestes plus importants, les plus grands gestes, et les gestes nobles, jusqu’à ce que l’on ait atteint les plus hauts points d’expressions.
Ce point, où l’on peut rendre l’expression de : La Mère au pied de la Croix, attendant le lever du jour pour donner son âme à son fils crucifié – Cela – est le plus haut point que peut atteindre l’expression humaine.
[…] Avec le rythme, ceci serait la danse. » Loïe Fuller.
« Danser – danser – danser – danser encore – sentir – ressentir – penser, et pouvoir, mais ne pas étudier ces mouvements, et quand quelqu’un vous demande comment vous l’avez fait, répondez : « Je ne sais pas, car je ne sais pas ce que j’ai fait. J’ai seulement fait ce que je ressentais. » » Loïe Fuller.
"Je crois simplement que la mort, c'est le moment ultime où toute l'énergie contenue dans mon corps se dispersera. [...] pourtant je n'y pige rien à ces histoires d'enfer et de paradis et de toute façon c'est plus mon problème car désormais je suis un homme qui fait cinq mètres de haut et pèse deux cent soixante quatorze kilos et se cache dans un corps d'un mètre quatre-vingts et je ne sens rien que la pression je ne sens rien que la pression et il faut qu'elle s'échappe." 'Au bord du Gouffre', David Wojnarowicz.
[…] Au commencement, la musique n’a été que l’harmonie de la nature : le bruit des cascades, le mugissement de la tempête […]. Ensuite les oiseaux chanteurs, puis tous les animaux émirent des sons différents. L’harmonie existait, l’homme, classant et cataloguant les sons, créa la musique. On sait ce qu’il a su en tirer depuis !
Or, aujourd’hui, l’homme, passé maître sur le terrain musical, en est encore à l’enfance de l’art du point de vue de la lumière.
[…] Un jour viendra où l’homme saura employer les couleurs de si précieuse façon pour des harmonies rayonnantes qu’il n’arrivera pas à concevoir comment il a pu vivre si longtemps dans les ténèbres où il se meut aujourd’hui. » Loïe Fuller.
« Un jour clair et lumineux a sur nous un tout autre effet qu’un jour terne et sombre, et en poussant ces observations plus en avant, nous arriveront à comprendre des effets plus délicats qui influent sur notre organisme. Dans l’atmosphère paisible d’une serre aux vitres vertes, nous faisons des mouvements tout différents de ceux que nous ferions dans une serre aux verres rouges, jaunes ou bleus. Mais nous n’apportons pas d’attention à cette corrélation des mouvements et de leurs causes. C’est pourtant ces choses qu’il faut observer quand on danse avec un accompagnement de lumière et de musique harmonisées. » Loïe Fuller.
« En ressentant une sensation, nous ne pouvons pas en exprimer une autre par les gestes, alors que nous le pouvons avec les mots. Puisque c’est le mouvement et non la parole qui est la vérité, nous avons faussé notre sens de compréhension. » Loïe Fuller.
« D’abord le langage [de la danse] est simple et donne l’impression de l’assemblage des lettres de l’alphabet dans les plus petites phrases, et ceci fait, un grand progrès est déjà accompli. Ensuite viennent les gestes plus importants, les plus grands gestes, et les gestes nobles, jusqu’à ce que l’on ait atteint les plus hauts points d’expressions.
Ce point, où l’on peut rendre l’expression de : La Mère au pied de la Croix, attendant le lever du jour pour donner son âme à son fils crucifié – Cela – est le plus haut point que peut atteindre l’expression humaine.
[…] Avec le rythme, ceci serait la danse. » Loïe Fuller.
« Danser – danser – danser – danser encore – sentir – ressentir – penser, et pouvoir, mais ne pas étudier ces mouvements, et quand quelqu’un vous demande comment vous l’avez fait, répondez : « Je ne sais pas, car je ne sais pas ce que j’ai fait. J’ai seulement fait ce que je ressentais. » » Loïe Fuller.
"Je crois simplement que la mort, c'est le moment ultime où toute l'énergie contenue dans mon corps se dispersera. [...] pourtant je n'y pige rien à ces histoires d'enfer et de paradis et de toute façon c'est plus mon problème car désormais je suis un homme qui fait cinq mètres de haut et pèse deux cent soixante quatorze kilos et se cache dans un corps d'un mètre quatre-vingts et je ne sens rien que la pression je ne sens rien que la pression et il faut qu'elle s'échappe." 'Au bord du Gouffre', David Wojnarowicz.
Edit : J'ai craqué

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"INVICTUS
Dans la nuit qui m’environne,
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Je loue les Dieux qui me donnent
Une âme, à la fois noble et fière.
Prisonnier de ma situation,
Je ne veux pas me rebeller.
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout bien que blessé.
En ce lieu d’opprobres et de pleurs,
Je ne vois qu’horreur et ombres
Les années s’annoncent sombres
Mais je ne connaîtrai pas la peur.
Aussi étroit soit le chemin,
Bien qu’on m’accuse et qu’on me blâme
Je suis le maître de mon destin,
Le capitaine de mon âme
(...)"
-
"Ne laisse pas ta flamme s’éteindre, étincelle après précieuse étincelle dans les eaux putrides du presque, du pas encore ou du pas du tout. Ne laisse pas périr ce héros qui habite ton âme dans les regrets frustrés d’une vie que tu aurais mérité et que tu n’as jamais pu atteindre. Tu peux gagner ce monde que tu désires tant. Il existe, il est bien réel, il t’appartient. Tout est possible."
Dans la nuit qui m’environne,
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Je loue les Dieux qui me donnent
Une âme, à la fois noble et fière.
Prisonnier de ma situation,
Je ne veux pas me rebeller.
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout bien que blessé.
En ce lieu d’opprobres et de pleurs,
Je ne vois qu’horreur et ombres
Les années s’annoncent sombres
Mais je ne connaîtrai pas la peur.
Aussi étroit soit le chemin,
Bien qu’on m’accuse et qu’on me blâme
Je suis le maître de mon destin,
Le capitaine de mon âme
(...)"
-
"Ne laisse pas ta flamme s’éteindre, étincelle après précieuse étincelle dans les eaux putrides du presque, du pas encore ou du pas du tout. Ne laisse pas périr ce héros qui habite ton âme dans les regrets frustrés d’une vie que tu aurais mérité et que tu n’as jamais pu atteindre. Tu peux gagner ce monde que tu désires tant. Il existe, il est bien réel, il t’appartient. Tout est possible."
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