rawlings a écrit :Le champ de ma question était plutôt tourné vers vous. Je souhaite tout simplement comprendre au travers de vos témoignages comment vous abordez vous même la question.
A vrai dire, je ne me rappelle pas me l'être jamais posée en ces termes. Je décide naturellement d'écrire, de répondre, quand un sujet m'intéresse, que je crois pouvoir apporter un point de vue différent, ET que j'ai la disponibilité d'esprit (que je me sens en confiance sur l'instant, inspiré). Si je me sens mal à l'aise, je reste à l'ombre. Il se peut que mon malaise vienne d'une anticipation sur la suite probable de l'échange, mais il dépend aussi, souvent, de mon état d'esprit du moment. Je n'écris pas souvent ici, plutôt par périodes donc, mais régulièrement porté par un élan sincère et authentique... qui peut aussi retomber, ce que je ne ressens pas comme "grave", ayant un peu l'habitude de ne pas toujours être bien compris. Je vis avec ça dans le monde réel, je ne vais pas trop me braquer dans le virtuel, en tout cas pas longtemps (mais principalement s'il me semble clair qu'on essaie de m'enfumer) . C'est assez instinctif, je le sens ou pas, mais j'ai je crois appris à accepter de rester seul avec une bonne part de ma vision des choses.
Techniquement, je crois qu'exprimer ce qu'on pense et ce qu'on ressent nécessite un apprentissage préalable qui, lui, donne la confiance qui permet à l'élan de se manifester par un écrit. J'écris comme ça vient sans trop me poser de questions, car j'ai confiance en mes bases (vocabulaire, fluidité suffisante...), et aussi en ma cohérence interne. Je sais qu'il peut m'arriver de défendre un point de vue sympathique sans avoir forcément les moyens intérieurs (maîtrise des émotions par exemple) de ne pas cesser de l'être (sympa), bref que j'ai mes limites. Mais je crois mes limites assez reculées pour ne pas risquer l'embrouille à tous les tournants. Et si je suis dans une période assez faste pour m'avoir impulsé l'élan, je dispose alors logiquement de ressources en lesquelles j'ai confiance (patience, capacités d'explication ou de démonstration), pour faire face à d'éventuelles incompréhensions, sans perdre pour autant le fil de ce que j'expose.
J'ai commencé le précédent paragraphe par "techniquement", mais n'ai pu m'empêcher d'en revenir au facteur psychologique, car il est prépondérant en ce qui me concerne. L'apprentissage technique ne me semble pas pouvoir se passer de l'aspect psycho, car les sujets abordés peuvent tenir à coeur. D'ailleurs, sans cela, on a moins envie d'écrire. Et c'est sur ce point que la confiance m'est essentielle pour m'exprimer. Si je m'exprime, c'est bien souvent que je me sens assuré de la validité de ce que j'écris (pas forcément absolue, mais au moins assez cohérente pour mériter d'être posée). Le reste, c'est un travail de tournures et de clarté auquel j'ai été habitué à l'école, par mes lectures...
La logique qui me structure est donc de deux ordres complémentaires :
1) Les outils techniques d'expression (vocabulaire, tournures etc).
2) Le sentiment d'une clarté et d'une cohérence interne, ainsi qu'une confiance suffisante en la capacité de mon/mes interlocuteur(s) de saisir mon propos, sans lesquelles je m'abstiens sans trop me sentir frustré, remettant à plus tard la possibilité de communiquer ce que je pense. J'ai tout de même assez confiance en moi pour me sentir sûr de ne pas perdre à jamais ce que j'aurais pu vouloir exprimer, car cela participe généralement d'une quête personnelle de cohérence interne, et peut simplement s'améliorer, se préciser, d'ici à ce que l'envie me reprenne, ou devenir obsolète suite à une progression personnelle (auquel cas j'aurai bien fait de ne pas l'exprimer de suite).
Quelque part, je limite souvent mon expression à ce qui me semble clair, cohérent, sincère (ce qui correspond à un respect de l'interlocuteur, aussi), tout en étant prêt à me faire "démonter", ce qui me permettrait au final de corriger ma possible incohérence, et donc un progrès personnel. Si je perçois trop d'émotions en jeu sur un sujet, et surtout si je ne me sens pas de contrôler les miennes, je me contente de lire et d'observer ce qui se passe, histoire d'essayer de comprendre ce qui pose réellement problème, afin de potentiellement gagner en anticipation voire en maîtrise ultérieurement. Je ne fais que des pas relativement assurés, et comme le suggère Arizona, si j'ai une forte envie de m'exprimer mais que les émotions sont difficiles à gérer, j'écris un mail que je n'envoie à personne (car penser à un interlocuteur m'aide à tempérer et clarifier ce qui m'anime, après parfois bien des lignes de déversement émotionnel débridé). Ce mail brouillon me permet ensuite de revenir sur la question à tête reposée, et j'y vois alors plus clairement ce qui a pu m'animer, le pourquoi le comment, tout ça. Généralement, s'il s'agit de quelque chose qui me tenait à coeur, je peux alors plus calmement en tirer une essence claire et cohérente, et produire un écrit qui me semblera fidèle à ce que je pense et à ce que je ressens, en évitant d'être emporté par mes émotions (ce qui nuirait à la communication du sens, et fermerait en plus des possibilités de communication tout court). Il est parfois légitime d'exprimer une émotion, mais je crois important d'être à même de la justifier assez calmement, bref avec toute la clarté possible.
Après, j'accepte mes imperfections, et je compte aussi un peu sur la clémence d'autrui, eu égard à mon intention positive, sans laquelle je m'abstiens bien évidemment d'écrire.
ps : je me suis relu, c'est peut-être un peu brouillon voire pas tout à fait dans le sujet, mais je me dis qu'au pire ça me permettra de mieux comprendre et de recadrer ma réponse. Désolé, c'est un peu long...