Certaines personnes, en quête d'elles-mêmes ou de clés pour avancer sur leur voie, recherchent des modèles, des inspirations.
Mentors, maîtres, héros, idoles, etc., autant de termes pour qualifier cet autre que l'on veut parfait, infaillible. Modèle de grandeur à suivre, ayant tracé un chemin que l'on n'aurait qu'à suivre, en espérant avoir la chance de l'atteindre un jour.
Sauf que cette perfection n'existe pas, elle n'est que projection. Et comme toute projection, elle risque de ne pas survivre éternellement.
Et que devient-on quand on s'aperçoit que ce maître à penser est faillible, que fait-on quand le piédestal s'écroule sur lui-même. Que fait-on avec cet homme (ou femme) qui n'est plus l'incarnation de ce à quoi on aspirait? Que fait-on quand on se retrouve seul avec soi, quand les maîtres tombent les uns après les autres?
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Ce sujet, celui de la recherche d'un modèle, d'un Père, reprend des notions que nous croisons régulièrement sur le forum: celui du devenir adulte, celui de la quête de l'authenticité et de l'autonomie de Dabrowski, celui de la religion à travers la recherche d'un guide spirituel, et sans doute de bien d'autres. Celui du passage de l'enfant à l'Adulte.
Nous ne nous construisons que dans notre rapport, dans notre confrontation à l'autre. Nous ne pouvons évoluer seul dans la mesure où nous n'existons qu'à travers les interactions avec les autres. Il est alors naturel de chercher des personnes pouvant nous aider à avancer, à incarner des valeurs qui nous sont chères, des personnes nous montrant le chemin que nous aimerions suivre. Enfant, nos parents nous guidaient (ou auraient du le faire), et nous continuons à chercher des guides en grandissant.
Certains partiront en quête d'un maître spirituel ou d'un code religieux, d'autres préfèreront rejoindre des groupes incarnant leurs idéaux, et d'autres encore papillonneront entre tout cela, piochant à droite et à gauche, toujours dans cette optique (d'Edgar Morin à Anonymous en passant par les SS... y'en a pour tous les goûts).
Comment ne pas s'enflammer quand on trouve enfin des personnes qui parlent à notre âme, qui incarnent ce à quoi on aspire, qui nous montrent le chemin pour combler nos faiblesses (puisque si ça nous touche, c'est que cela fait vibrer une corde sensible)? S'ensuit souvent une période d'idéalisation. On aimerait devenir (comme) cet autre qu'on lit, qu'on voit, ou dont on nous parle. On aimerait qu'il nous montre ce chemin qui nous semble impossible à atteindre, tel un Père qui nous prendrait la main.
Mais cela ne peut marcher, cela ne pourra jamais marcher.
Les personnes suivant cette voie rencontrent un écueil majeur: l'idéalisation de la personne. Comme mentionné précédemment, on est attiré par des personnes qui nous permettent de combler nos faiblesses. Des personnes qui, par leurs actes ou leurs discours, nous montrent qu'il est possible de progresser. Sauf qu'on oublie que le plus souvent, ces mentors ont suivi cette voie pour les mêmes raisons que nous, et qu'il existe une grande différence entre les valeurs que l'on porte, qu'on aimerait voir advenir, et ce que l'on réussit à faire dans la vie (Mandela a eu sa période de violence, tout comme Ghandi, alors qu'ils prônaient la paix, etc...). Et quand on cherche un Père et que celui ci révèle ses faiblesses, ses enfants fuient ou refusent de le voir tel qu'il est, humain, imparfait. Qu'il est alors facile de se dire qu'on s'était trompé, que le maître n'avait rien d'un maître, et de le quitter pour en chercher un plus parfait, un vrai cette fois!
Mais la quête restera vaine.
Tant que l'on cherche un Père, un modèle auquel se conformer, il ne sera pas possible, pour citer Dabrowski, de sortir du niveau 3, il ne sera pas possible de devenir soi-même un adulte. Car pour grandir, il faut renoncer à trouver un guide parfait, il faut renoncer au mythe ou devenir soi-même le mythe.
Nous sommes notre propre guide, et ceux qui peuvent nous aider à avancer ne sont en aucun cas des maîtres, ce sont des pairs: leurs forces nous font avancer autant que leurs faiblesses. Là où ils faiblissent, nous devons les porter, et là où ils sont forts, ils nous portent. C'est ensemble que l'on progresse, pas en phagocytant l'autre.
Passer du Père aux Pairs, c'est devenir adulte, c'est comprendre la notion même d'authenticité. C'est accepter que nous avons en nous le potentiel de devenir ce que nous voulons incarner.
Voilà, on avait envie d'en parler un peu avec vous.
C'est un peu décousu, mais c'est pour garder le côté conversation un peu plus vivant. Donc je n'ai pas fait un beau pavé structuré comme d'habitude, on verra ce que ça donne et si ça vous inspire un peu.
A l'occasion je vous parlerai de comment j'ai vécu ce passage du Père aux pairs
