Comme je vous le disais plus haut, ici, impossible de faire l'impasse sur la culture culinaire.
Voilà une caractéristique que la Réunion partage avec la métropole : l'amour de la bouffe !!!
Et la cuisine réussit l'exploit d'être à la fois très métissée bien sûr, mais aussi très codifiée.
Réunissant des habitudes et des produits africains, indiens, métropolitains et asiatiques, le repas tourne généralement autour d'un plat unique agrémenté de plusieurs accompagnements. Tout est servi en même temps. Pas d'entrée, ni de dessert, même si bien sûr ces habitudes deviennent plus courantes, surtout dans les restaurants.
On cuisine principalement à la "marmite", mais aussi au wok, très peu au four.
On utilise par contre parfois le four chinois (qui contient de l'eau) ou encore le boucan, pour préparer certaines spécialités de viandes.
Il faut noter que les créoles apprécient de pouvoir construire leur cuisine dehors quand cela est possible : ça évite chaleur, odeur et graisse dans la maison. Dans ce cas il prévoient généralement un foyer pour pouvoir cuisiner au feu de bois. L'utilisation du gaz et de l'électricité reste assez récente, surtout dans les familles modestes (années 80).
Un petit inventaire du "matériel" de base pour cuisiner créole :

Des marmites, quelques épices et légumes de base... les petits machins verts sont des grappes de poivre, en général on l'utilise plutôt noir (donc séché) mais là je venais de le cueillir ! Quand aux vannes (paniers plats), elles servaient autrefois à trier le riz. Aujourd'hui on l'achète déjà tout trié, mais les vannes restent pratiques pour préparer les légumes, et on en trouve dans toutes les cuisines. Peut-être aussi parce que c'est joli !
Le pilon (c'est ainsi qu'on appelle le mortier, et le pilon s'appelle calou) est un élément capital. Il paraît qu'un Réunionnais emporte toujours son pilon s'il quitte la Réunion !

Les éléments du repas
Le riz : c'est la céréale de base ici, pourtant entièrement importée. On le retrouvera quasi-systématiquement, sauf dans le cas d'un sauté mines (nouilles chinoises), et en bien plus grande quantité qu'on le consomme en Occident. Au point que pour désigner l'assiettée, on parle de "gazon d'riz" : avant toute chose, on sert le riz, qui va tapisser le fond de l'assiette. Et le geste tout entier est codifié, oui oui !
Chacun possède à la maison son cuiseur à riz électrique, qui permet de se concentrer sur la confection des autres plats.
Le grain : par dessus le gazon de riz, on verse les grains : haricots, pois, lentilles... cuisinés en crème avec des épices spécifiques, ils vont "mouiller" le riz.

Riz, haricots rouges, cari poulet et rougail tomate.
Le cari (ou carri, ou carry) : ce nom désigne globalement le plat cuisiné, qu'on sert par-dessus. En général il peut s'agir :
-D'un réel cari : la star de la cuisine réunionnaise. Il s'agit d'une viande ou d'un poisson (mais parfois simplement de tubercules ou autres légumes) cuit en sauce : l'ingrédient est revenu à la marmite puis cuit à l'étouffée avec oignons, ail, gingembre, poivre, un peu de tomate et surtout du curcuma. Le plus connu est le cari poulet, mais les caris poisson sont également fort appréciés.
-D'un civet : toujours à la marmite, c'est une préparation un peu plus sèche et plus forte, avec beaucoup de thym, plutôt réservée aux viandes "de caractère" : coq, tangue, cerf...
-D'un massalé : toujours un peu dans la même veine, le massalé tire son nom du mélange d'épices indien très parfumé qui l'agrémente. On peut acheter le mélange massalé tout fait ou bien le préparer au pilon en se procurant les différentes épices qui le composent. Il se fait à base de poulet, porc, cabri (comprenez chèvre voire bouc !)... ou tout simplement de légumes.
-D'un rougail : pas toujours facile de faire la différence avec le cari ! Mais pas d'ail ni de gingembre, ni de curcuma dans le rougail. Une fois la viande revenue avec les oignons, on ajoute quelques tomates, parfois certains légumes qui peuvent être l'élément central (ti'jacques, baba-figue...), et généralement du piment. On cuit à découvert dans la marmite. Le rougail se prête bien aux aliments déjà transformés : saucisses, boucané (lard fumé), morue... mais aussi aux larves de guêpes !! Le plus célèbre est le rougail saucisses. Attention, il ne faut pas confondre avec le rougail d'accompagnement !
-D'un sauté : à la chinoise, au wok. Généralement il est composé d'un émincé de viande et d'un assortiment de légumes.
Le rougail (d'accompagnement) : c'est une préparation crue, qui oscille entre salade et condiment, à partir d'un légume (tomate...) ou d'un fruit vert (mangue...), voire de dakatine (beurre de cacahuète!) agrémenté d'oignons, parfois d'herbes, de gingembre, de combava... le tout haché fin, parfois écrasé au pilon. Il est pimenté, voire TRES pimenté, mais on en fait aussi des versions sans piment pour les enfants... et les zoreils !
Les brèdes : elles se font de plus en plus rares sur les tables réunionnaises, dommage. Les snacks qui proposent des caris n'en font pas, alors que tout le reste est proposé.
Le mot "brède" désigne tout légume-feuille qu'on mange cuit (dont les feuilles de certains légumes et quelques mauvaises herbes !). En France, ce serait les épinards, les blettes, l'oseille... Les brèdes se préparent à la marmite, plus ou moins hachées, souvent en bouillon, parfois en sauté au wok. Elles sont classiquement agrémentées d'oignon, d'ail, de gingembre et de poivre. Il en existe de nombreuses variétés (brèdes chouchou, brèdes chou de chine, brèdes manioc, brèdes songe, brèdes patate...).

Vous l'aurez compris, le repas créole traditionnel est à la base complet et équilibré.
A côté de l'habitude du plat unique, on ne crache pas sur l'apéro ! Et on trouve une ribambelle d’amuse-bouche dans la cuisine créole. On peut facilement les acheter dans les snacks, voire sur le bord de la route. Les principaux :
-les samoussas, nems, piments farcis...
-les bouchons, raviolis à la chinoise cuits à la vapeur et farcis de chair à saucisse ou de viande de poulet
-les sarcives (viande "laquée" et rôtie à la chinoise)
-les achards (qui servent aussi parfois de rougail)
-des croquettes et boulettes diverses, à base de farines variés ou de tubercules cuits, dont les fameux bonbons-piments.

Bouchons, samoussas et bonbons-piment
Quand au sucré, on le mange plutôt en en-cas. On fabrique des gâteaux à base des différents tubercules (gâteau-patate [douce], gâteau-manioc, gâteau-patate-chouchou, etc.), des beignets...
L'extraordinaire gâteau-cambarre mauve :
La consommation de sucre est d'ailleurs un réel problème ici. Les sodas, fabriqués sur place, sont ignominieusement sucrés (le coca métro c'est de la tisane à côté du coca réunionnais !), et beaucoup trop courants à la consommation - il faut dire que ça crée assez vite une dépendance à de tels taux.
La malbouffe a aussi fait son apparition et les fast-foods, M le maudit et ses amis, fleurissent sur l'île depuis une petite vingtaine d'années.
Le repas habituel à l'extérieur reste la barquette de carri achetée au snack (5 à 6€, et je fais 2 repas dessus !), mais les sandwichs sont de plus en plus populaires, et ici le sandwich ça rigole pas...

Pour ne pas finir sur cette touche pas très réjouissante, si vous voulez vous mettre à la cuisine réunionnaise (la vraie !), je vous invite à faire un tour sur le site de feu le génialissime Christian Antou, grand chef réunionnais : Goutanou
Ou bien, si vous voulez surtout exciter les papilles de vos yeux, la page facebook "Koi i mange zordi ?"
Bon apéti a zot' !