Voici la petite définition de base qu’on peut tirer des analyses de Freud et Lacan.
En gros, et contrairement à ce qu’on pense souvent, être objet de transfert n’est pas réservé uniquement au psy, doc, prof, expert, travailleur social, patron…Bref, à tous les professionnels dont la position leur donne une image de «sachant» face à l’autre.
Le transfert apparait dans toute relation humaine et se donne à voir sous deux formes : l’amour (transfert positif) et la haine (transfert négatif). L’objet du transfert est alors pris pour un autre, il est une surface de projection d’images inconscientes. La personne qui fait un transfert ne se rend pas compte de ce qui se joue dans l’instant.
L’objet du transfert peut être admiré ou détesté, vu à la fois comme aimable et dangereux, attirant et effrayant. Autant dire sacré… Il peut aussi être vu comme « détenteur de secret : secret de l’âme, du corps, du savoir, du pouvoir sur l’esprit » (Rouzel) et on le soupçonne de calculs et de manipulations diverses. Il peut aussi être vu comme une figure parentale, détenteur d’un savoir lui donnant un pouvoir qu’on souhaite lui voler (pour devenir comme lui…Avec tout ce que ça peut véhiculer comme enjeux sur le père qu’il faut tuer, le fait de castrer l’autre pour prendre sa place).
La personne objet de transfert ne s’en rend pas toujours compte et croit souvent être aimée ou détestée pour elle-même. Si elle répond à ce transfert, elle fait ce qu’on appelle un contre-transfert.
Par exemple, ma patiente me manifeste de l’admiration et moi, je suis hyper flattée, je la trouve très sympathique et je lui rends de l’affection au lieu de maintenir une distance liée à ma posture professionnelle. Ou au contraire, mon élève me déteste et je me demande ce que j’ai bien pu faire pour mériter ça, je me remets en question parce que ça m’ennuie qu’on ne m’aime pas et je me sens attaquée dans ma légitimité.
C’est pourquoi les professionnels qui sont régulièrement considérés comme ayant une posture de sachant sont souvent formés pour reconnaitre et manier le transfert. C’est le cas des psys mais on trouve aujourd’hui des formations adressées à d’autres métiers.
Cela dit, personne n’est à l’abri de se retrouver dans cette situation, ou bureau ou ailleurs. Et même si c'est un comportement parfaitement naturel, il peut être utile d’apprendre à reconnaître ce genre d’enjeux au quotidien. En effet, même si c’est une situation très commune qui touche tout le monde, il arrive que le transfert soit très envahissant et qu’il entrave beaucoup trop les relations.
Bien évidemment, le transfert est une notion bien plus complexe encore que ce que je peux en dire ici. Cependant, l’objet de ce topic n’est pas forcément de débattre sur les tenants et les aboutissants psychologiques du transfert mais de se demander comment les surdoués peuvent bien se positionner face à cela. Parce que nous sommes nombreux à avoir un goût prononcé pour le savoir et à lui donner une place de choix dans notre vie...
Du coup je me demandais si nous pouvions être particulièrement enclins à transférer nos fantasmes de connaissance sur quelqu’un, qu’ils soient positifs ou négatifs ?
Et véhiculant souvent une image de «sachant» pour de nombreuses personnes, qu’il s’agisse de posture professionnelle ou privée, ne peut-on pas être particulièrement sujet à devenir une surface de projection pour d’autres ? Et comment faire face à cet amour ou cette haine qui en réalité ne nous concerne pas ?
Parce que si on sait que le « surdoué » est déjà un support à fantasmes dans l’absolu, et qu’il suscite tout un tas d’émotions de fascination ou de rejet, qu’en est-il lorsque ça nous touche directement ? L’avez-vous expérimenté ? Comment avez-vous compris que toutes ces réactions ne vous concernaient pas vraiment en tant que personne ? Comment avez-vous réagi ? Est-ce que cela éclaire les souvenirs incompréhensibles de rejet ou d’affection dont vous avez pu être l’objet jusqu'ici ?
