Alors il y a plein de sujets évoqués dans les derniers commentaires sur l’endettement et la création monétaire. Du coup désolé pour le pavé mais je voulais rebondir sur plusieurs points

Pour commencer, il faut faire attention aux termes utilisés. « Dette privée » est ici utilisé par parler d’une dette publique (contracté par un Etat) auprès d’un opérateur privé (banque ou autres institutions financières). Il s’agit donc de la dette publique. La dette privée est lorsqu’un particulier ou une entreprise s’endette en gros.
Ensuite, pour la question de la capacité des Etats à emprunter directement auprès des banques centrales, cela a été effectivement stoppé dans les années 70 dans les pays développés. Une des raisons était effectivement que puisque la création monétaire n’était plus liée au stock d’or, il n’y avait d’un côté plus de garantie de la valeur de la monnaie basée sur les stocks d’or du pays et de l’autre plus de limite à la création monétaire puisque avoir de l’or en stock n’était pas nécessaire pour créer de la monnaie. Le risque était alors que les dirigeants politiques des pays fassent marcher la planche à billet comme cela a déjà été dit pour financer les dépenses publiques en empruntant directement auprès de la banque centrale ou en poussant la banque centrale a créer de la monnaie ce qui in fine est censé créer de l’inflation et réduire le cout du stock de dette qui lui a été contracté à des taux d’intérêts inférieurs à l’inflation. C’est d’ailleurs une des pistes présentées actuellement par les économistes pour résorber la dette massive des pays développés, surtout en période de faible croissance. L’inconvénient est effectivement qu’une fois que l’inflation est lancée, il est très difficile de la contrôler et peut facilement déraper en cercle vicieux de hausse des prix donc hausse des salaires donc hausse des prix etc et personne n’est satisfait à la fin, la monnaie perd de sa valeur, les importations se renchérissent, etc. C’est un peu ce qui ce passe en Argentine et au Venezuela où les gouvernements ont tenté de bloquer la spirale avec un contrôle des changes mais qui complique également les importations/exportations et crée tensions, pénurie, etc. mais bon là ce sont des cas politiques plus extrêmes.
Pour revenir sur la création monétaire, elle est en très grande partie contrôlée par les banques centrales au niveau macroéconomique et non par les banques privées. Les banques centrales (qui sont bien des organismes publics que ce soit le banque Fédérale américaine ou la BCE ou les autres) fixent un taux d’intérêt auquel elles prêtent de l’argent à court et à moyen terme aux banques et autres organismes financiers. Elles ne prêtent pas gratuitement sauf cas exceptionnels (qui le sont moins devenus ces derniers temps avec la crise économique…). Ainsi, il faut faire attention quand on dit que c’est parce que les Etats empruntent à des opérateurs privés que les intérêts sont élevés etc. En premier lieu, ils devraient aussi payer des intérêts s’ils empruntaient auprès des banques centrales (après on peut remettre ce paradigme en question mais on retombe sur les écueils évoqués plus haut) . Ensuite, les taux d’intérêt auxquelles empruntent les Etats des principales économies mondiales sont actuellement à des plus bas historiques. Ceci grâce au fait que justement, les banques centrales américaine, japonaise, européenne et anglaise prêtent à des taux très bas ce qui rend l’argent abondant et poussent les banques privées à prêter aux Etats car 1) elles ont de l’argent pas cher à placer 2) elles manquent de confiance dans les acteurs privés pour prêter et préfèrent prêter à de gros Etats dont on a vu à travers les récentes crises financières que les banques centrales ne les laisseraient pas faire défaut. Le rendement est faible car le taux du prêt est bas mais cela convient car le risque est quasi zéro. Cela est aussi dans l’intérêt bien compris des Etats de la zone euro, américain ou japonais qui peuvent ainsi continuer à faire grossir leur endettement avec des budgets déficitaires presque sans en ressentir les conséquences du fait de la faiblesse des taux (typiquement le cas français). La masse monétaire a ainsi grossi très fortement (je n’ai pas les chiffres exact en tête) ces 5 dernières années pour qu’inondées de liquidités, les banques prêtent aux Etats (éviter la faillite) et aux acteurs privés (relancer l’investissement et la consommation donc la croissance).
On est même arrivé à une situation « extraordinaire » sous la pression de la crise avec les banques centrales américaine (quantitative easing) et japonaise qui prêtent directement à leur Etats respectifs en achetant les titres de leur dette directement lors de leur émission sur les marchés. Ceci officiellement pour libérer du capital à investir des projets privés et maintenir des taux d’intérêts bas toujours pour supporter un retour de la croissance.
Le problème de ce scénario est qu’effectivement, selon la théorie économique, si la masse monétaire croit, cela finit par alimenter l’inflation et tous les problèmes déjà évoqués. Le prix de l’immobilier ou du marché des actions parait par exemple artificiellement haut et c’est en partie car les opérateurs privés investissent ces deux secteurs n’ayant pas d’alternatives car les taux d’intérêts sur la dette des Etats sont (historiquement) artificiellement bas surtout au vu de leurs situations économiques fragiles.
Ne pas donner la possibilité aux Etats d’emprunter directement auprès des banque centrales est aussi une question d’équilibre des pouvoirs pour éviter que les gouvernements ne cèdent à la facilité d’une politique de dépense à court terme en utilisant l’argent gratuit des banques centrales sans avoir à rendre de comptes ce qui finit par détruire la valeur de la monnaie quand les agents économiques perdent la confiance qu’ils lui portent (les assignats à la Révolution française en gros) et sapent alors les fondements de l’économie et de la société qui est basée sur elle. Le principe de l’indépendance des banques centrales est très important pour éviter les dérapages des politiques et parait sain dans un système démocratique qui a besoin de séparation des pouvoirs. Les politiques tendent d’ailleurs souvent à blâmer les banquiers centraux quand l’économie du pays ne va pas car il est facile de s’endetter ou de faire baisser la valeur de sa monnaie car cela procure un soulagement à court terme même si les effets futurs peuvent être plus négatifs que le gain immédiat. Typiquement, la Grèce ne s’est pas retrouvé dans une impasse à cause de son endettement car elle devait payer des intérêts (elle a même pendant longtemps bénéficié des taux d’intérêts inférieurs à ce que ses fondamentaux économiques auraient « dû » permettre grâce à son appartenance à la zone euro (et à son maquillage des comptes publics)). Le trop-plein d’endettement a fini par la rattraper quand la situation économique s’est tendue et qu’elle n’a plus eu assez de revenus pour rembourser les échéances des emprunts contractés. C’est donc également la faute des établissements financiers qui ont prêté sans regarder et en ce sens « méritaient » de perdre de l’argent lors de la renégociation de la dette grecque car il y a toujours un risque de non remboursement lors d’un prêt.
Après, le débat sur la dette, ce qui doit être honoré et les taux est intéressant. Ceci dit, s’il y avait un moyen magique de se débarrasser de la contrainte de l’endettement des Etats que ce soit par un endettement directement auprès des banques centrales ou d’autres, je pense que les gouvernements l’utiliseraient

Ils n’ont pas intérêt, ni pour leur carrière ni pour les gens qu’ils représentent, d’éviter des solution simples, évidentes et sans conséquences négatives.