Je vais commencer par répondre à madeleine - et un de ces quatre, il faudra tenter une synthèse de tout ça. Il sera beaucoup question du cadre, donc ici.
madeleine a écrit :Donc tu proposes le cadre conceptuel de type je-tu-il. Il est clair, même si je ne suis pas persuadée de pouvoir mettre P2 autrement qu'en résultante des deux autres. Néanmoins je garde à l'esprit (sic) le hors cadre P?, sinon on pourrait tourner en rond.
Pour mettre P2 en
résultante de P1 et P3, il faudrait admettre que notre façon d'être avec les autres vint de la confrontation entre un "je" subjectif isolé, mis en relation avec un monde concret objectif. Or on sait à quel point ce "je" que nous sommes est déterminé par le rapport à un tu et un nous - à des interactions humaines. Et réciproquement, le monde est interactions humaines se constitue aussi de façon dynamique par des réactions de "je" aux normes qu'il impose et à l'adéquation de ces normes avec un environnement (au sens matériel ou naturel) qui y impose des limites.
Je ne pense pas qu'on puisse penser l'un des niveaux comme résultant des deux autres - en fait, même P3 est en dépendance (partielle) de P2, puisque la connaissance de P3 se construit aussi dans le rapport intersubjectif des communautés de savoir. Il faut les concevoir comme entremêlés, partiellement autonomes, certes, mais s'appuyant les uns sur les autres - exactement comme les trois personnes de la grammaire, d'ailleurs.
En revanche, je trouve très intéressante cette idée d'un P?, que l'on voit en effet arriver dans les débats avec ta précédente intervention - et qui est un des horizons, pour moi jusqu'ici mal explicité, de P1 (mais qu'il va falloir travailler je pense). Je ne pense pas qu'il efface la nécessité des trois autres pour la discussion, mais il apporte une possibilité de les dépasser - en quelle façon, il faudra qu'on regarder ça. Belle invention.
madeleine a écrit :Tu proposes comme définition de base des termes du débat :
déterminisme =
Kliban a écrit :1. tout ce qui arrive a au moins une cause et 2. tout ce qui arrive est fonction univoque de ses causes.
libre arbitre =
Kliban a écrit :l'organe de le délibération entre plusieurs options et la capacité à en déterminer une comme devant l'emporter sur les autres
Kliban a écrit :l'arbitre est libre quand il ne perçoit pas de contrainte à son action
Ces termes sont à observer de chaque point de vue.
On devrait peut-être affiner les définitions ; par exemple dire que l'arbitre est libre quand il ne
perçoitpas de contrainte à son action me paraît déjà orienté P1, non ? Ou alors on tente une définition à chaque niveau ?
Deux points liminaires : La définition de déterminisme que j'ai proposée d'affirme qu'à une série de causes il n'y a qu'une série d'effets possible (c'est le rôle de 2). On pourrait lever cette contrainte et ne considérer que 1. Cela dit, en programmation, les algorithmes qui supposent qu'à une cause donnée on peut trouver plusieurs effets possibles -) qui sont alors chois soit par appel à un choix externe, soit de façon probabiliste) sont dit [ï]non-déterministes[/i]. Je pense donc utile de parler de 1 et de 2 : tout ce qui existe est un effet, et tout ensemble de causes ne peut avoir qu'un seul effet possible. Autrement dit : tout est déterminé.
Sur libre-arbitre, je suis moins sûr. C'est une définition que j'ai tenté à partir de ce que nous nous disions, si je me souviens bien. Je suis
totalement d'accord avec toi : "perçoit" renvoie à P1. On pourrait aussi dire "'n'est pas contraint dans son action" - P3. Les conséquences ne sont pas tout à fait les mêmes.
Ce n'est pas tant d'une définition à chaque niveau dont on a besoin, mais de savoir quelles sont les propriétés de ce dont on parle à chaque niveau. C'est cela qui nous permettra de savoir ce qu'on peut légitimement envisager, ce qui est impossible, et les différentes théories qui sont plausibles, (plus ou moins) incompatibles et non départageables. Bref : nous donnera un aperçu du paysage. Et après

on peut sabrer - note qu'on peut aussi sabrer avant

comme tu as commencé à le faire avec P?, ce qui ne fait qu'élaborer un paysage plus complexe, mais nous demande plus de travail

.
madeleine a écrit :Ensuite nous avons été amenés à tenter de définir la liberté, puisqu'il semblait que le concept d'arbitre pouvait s'envisager comme totalement déterminé, et que donc le débat n'existait que dans la mesure où on parvenait à poser un arbitre capable de se dégager des causes.
Et donc tu propose
liberté =
Kliban a écrit :capacité à intervenir dans la causalité déterministe en l'interrompant et commençant une nouvelle série causale
et
Kliban a écrit :non-contrainte
Et je me dis que ça gagnerait à être travaillé aussi.
En effet, il y a là deux définitions. Il faudrait proposer une synthèse. Dès que j'ai un peu de disponibilité pour plonger dans les dictionnaires, histoire de voir si les deux branches ici proposées (liberté-action : j'agis de façon libre au sens où je crée du nouveau et liberté-perception : je me sens effectivement libre) sont bien les deux seules façon de concevoir le truc.
madeleine a écrit :Mais est-ce que P3 n'est pas par définition strictement déterministe ? Ou n'ai-je pas compris le sens que tu lui donnes? Donc ontologiquement la liberté n'entre pas dans le cadre conceptuel que tu proposes ? C'est ça qui me bloque depuis le début. C'est ça à mon sens qui oblige à introduire un P?, non pas de type divin (shocking!) mais juste logique si on veut mettre le débat sous cette perspective. Sincèrement j'ai besoin que tu me dises pourquoi utiliser ce cadre-là dans ce débat-là.
Excellente remarque. Si, si, P3 peut être compatible avec une causalité libre - c'est même ainsi qu'on l'a envisagé pendant la plus large partie de l'histoire de l'Occident. P3, c'est le domaine de l'objectivité - donc de l'objet, de la chose. Supposons qu'on observe un miracle, quelque chose qu'on ne puisse expliquer que par un Dieu, inversant par exemple le cours du soleil - il l'a fait par deux fois, nous dit la Bible. On serait bien dans P3 : ce ne serait pas un avis me concernant moi, non plus qu'une loi sociale, mais bien un truc qu'on observe dans les choses, autour duquel il y a un consensus, et qu'on ne parvient pas à expliquer autrement que par le recours à une loi qui défie ce qu'on connaît de l'ordre des choses.
Dans ce cadre, deux réactions (au moins) sont possibles :
- On refuse l'explication par le miracle et on se met en quête d'une causalité déterministe matérielle : on essaie d'expliquer "dieu" comme étant une force d'un nouveau genre, manipulée par une entité peut-être consciente mais pas plus libre que nous au fond - et l'on conserver cette idée que dans P3, on ne peut rien avoir d'autre qu'eun causalité déterministe ;
- On accepte l'explication par le miracle et l'on reconnaît qu'il y a des causalités qui nous échappent, celle de Dieu - ou d'une entité créatrice, mettons - par exemple, qui fait que ce qu'il veut est, du simple fait qu'il le veuille. Et l'on dit cette causalité "libre" parce qu'elle dépasse totalement nos capacités d'explication.
Nous sommes aujourd'hui dans un monde où 1. prévaut. Mais nous sortons d'une monde où 2. prévalait, et il y a encore des gens pour s'en réclamer.
A mon avis, mais là je fais un choix, il s'agit de confusion très intimes entre P1 et P3, mais je ne voudrais pas que l'on en discute pour le moment, pas tant que nous n'aurons pas stabilisé le paysage.
madeleine a écrit :J'aimerais que tu me dises aussi pourquoi cette question de l'observateur, qui me paraît si cruciale dans l'examen du libre arbitre, te gène tant ? L'observateur crée le phénomène, et il n'y a pas d'observateur dégagé de l'humain, soyons honnêtes ! Dégager P1 de P3 est une vue de l'esprit , un rêve, un idéal.
Essayons de ne pas lancer le débat sur la question (redoutable !) du réalisme (les choses que je perçois à l'extérieur de moi existe-t-elle vraiment à l'extérieur de moi et ont-elle vraiment tout ou partie des propriétés que je peux leur attribuer ?). Je ne reprends donc pas "l'observateur crée le phénomène" - c'est une phrase qui nous emmènerait dans plus de 2.000 ans de philo et qui n'apporterait, du moins pour le moment, pas grand chose à notre progression - je crois : dis-moi si tu penses au contraire qu'on doit fouiller par là.
Pour simplifier - mais je crois que je l'ai déjà esquissé, non ? - l'observateur en P1 n'est pas l'observateur en P3. Je crois qu'on peut se contenter de ceci :
- Observateur P1 : il a des émotions, il a des intentions, il se donne des buts personnels à son action, il parle depuis un point de vue singulier (= lui-même), il est engagé dans le monde sur le mode de l'action, du plaisir, de la connaissance en tant qu'elle lui apporte quelque chose, etc. : c'est une personne.
- Observateur P3 : il n'a pas d'émotions, sa seule intention est de connaître, ses buts ne sont pas personnels : il n'est pas une personne, il parle ou essaie de parler depuis un point de vue universel (= ce sur quoi nous pouvons tous rationnellement nous entendre), il n'est pas engagé dans le monde sur le mode de la gratification, etc. : c'est un sujet connaissant (un sujet n'est pas une personne, dans ce vocabulaire précis, mais une fonction)
L'observateur ne me gène pas. La confusion entre les deux observateur, si

- c'est cette confusion qui fait dire à certains que les électrons ont une âme autant qu'os ont une charge : on projette P1 sur P3. A noter que les projection de P3 sur P1 me gênent aussi.
madeleine a écrit :Est-ce que finalement ce débat libre arbitre versus déterminisme n'a pas trouvé son aboutissement par défaut dans la loi - en P2 - et dans la détermination des différents degrés de responsabilité des actes de chacun en tant qu'ils ont effet sur les autres ?
Mmmmh. Je ne pense pas. C'est un raccourci

doux Ariel. C'est peut-être vrai, et c'est une conclusion à laquelle on peut sans doute aboutir, mais encore faudrait-il le montrer. Sans compter qu'elle ne rend pas compte de pourquoi nous nous
sentons libres (P1) là-même où les orientations de P3 semblent nous dire - aujourd'hui - que nous ne le sommes pas.
madeleine a écrit :Ou peut-on envisager que la liberté se trouve là où nous ne sommes pas ?
Pur P?, j'adore

. Oui, on peut. C'est la réponse de la plupart des spiritualités (authentiques : pas les éthiques fondés sur des croyances, hein, mais les chemins qui nous mènent à ce que certains appellent la vie divine et d'autre la libération et d'autre le nirvana, etc.)
Inutile de filer en ton chêne. J'ai cassé mon bâton, de toute façon

De main gauche à main droite, le flux des savoirs - en mes nuits, le règne du sans-sommeil - en mon coeur, ah, if only!, le sans-pourquoi des roses.