Déterminisme et libre arbitre

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madeleine
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Merci Kliban, c'est appréciable d'avoir les sources directes ; je me permets de te mettre ce lien pour voir si tu y sens aussi un rapport dans la construction de la réaction avant conscience/décision
http://www.sciencemag.org/content/340/6130/376.abstract
je n'ai pas un esprit aussi logique que le tien d'où la question
merci
:hai:
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Kliban
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Je n'ai pas accès à l'article complet, madeleine, mais ce que j'en perçois est un peu différent : il s'agit de savoir si la conscience est déjà présente chez les enfants, ou si elle apparaît plus tard dans le développement. L'article, si j'ai ben suivi, a l'air de dire que c'est bien le cas, mais que le cerveau réagis plus tardivement chez les très jeunes enfants qu'ultérieurement. Le marqueur utilisé est une réponse _associée_ chez les adultes à la réponse consciente suivant la perception de l'objet 300 ms plus tard.

Il s'agit donc, médiatement (ce n'est pas le sujet de l'article) du rapport conscience/perception et pas conscience-décision. Ici, le cerveau a perçu la chose avant d'en avoir pris conscience. Là, la décision est effective avant que le cerveau en ait conscience, puisque l'acte est déjà prêt à être exécuté alors même que nous n'avons pas conscience de la décision. Peut-être est-ce que ça indique (très vaguement, il faudrait faire des étude spécifiques sur le sujet) des choses générales sur le rapport de la conscience avec la façon dont le cerveau traite l'information.

Mais, sauf à disposer de plus d'informations, il n'y a pas de rapport entre ces expériences faisant intervenir le lien conscience/perception d'un objet (dans le but de détecter l'émergence de la conscience chez l'enfant) à celle étudiant conscience/décision d'agir.


A noter que tout ceci est dans le pur domaine 3P : la conscience est traitée comme un phénomène, (et l'on devrait plus parler d'awareness - pas au sens de JCVD - le sens qui nous permet de focaliser une attention sur nos mécanises internes) étudiable comme tout autre phénomène. Pas du tout 1P, où la conscience serait traité depuis le concernement personnel de l'organisme conscient, depuis sa façon de voir le monde, d'être dans le monde. 3P répond à la question "What is a bat?" quand 1P se demande "What is it like to be a bat?" - selon l'article séminal de Thomas Nagel (1974).
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

je ne crois pas qu'il s'agisse de conscience au sens aware mais bon, chacun sa sensibilité à la langue, moi je l'ai apprise entre ma mère et mes oncles qui privilégiaient le quotidien et la poésie classique et pas les sciences.
je ne cherchais pas une correspondance exacte entre les deux expériences mais plutôt un rapport commun dans la perspective déterminisme versus libre arbitre ; désolée de mal m'exprimer.
en fait je me permets de te demander de servir de pierre de touche à l'usage que je fais de mes rapprochements, j'ai l'impression de brasser beaucoup d'infos et des fois certaines se mettent à marcher côte à côte, mais ce n'est pas simple de me détacher de mon mode de fonctionnement. Mais si c'est importun, il faut me le dire.

il me semble que la possibilité d'un libre-arbitre dépend directement de la conscience perceptive, et que les deux expériences que je relie démontrent que celle-ci est déterminée. Donc le libre arbitre n'est un concept que relatif et ne saurait s'opposer à quoi que ce soit dans l'absolu.
Du coup j'enfonce peut-être des portes ouvertes ....
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Pour ce que j'en ai compris, la conscience dont parlent les neuroscientifiques est bel et bien celle de l'awareness : la capacité à porter son attention sur ses processus intérieurs. Ils en traitent comme d'une fonction, au même titre que la perception des formes, par exemple.

J'aurais besoin que tu définisses plus avant ce que tu entends par libre-arbitre et en quoi sa possibilité dépend de la conscience perceptive - car s'il faut bien qu'il y ait une perception pour qu'il y ait un acte et que celui-ci soit dit libre, cela ne définit qu'une occasion de la mise en pratique d'une "compétence" que serait le libre-arbitre, la possibilité de son exercice, et non pas le libre-arbitre lui-même : le libre-arbitre, dont l'exercice est déterminé par la possibilité de l'action, ne dépendrait donc pas en soit des conditions de l'action, dont la perception.

Donc : c'est quoi, pour toi, le libre-arbitre ?

(le déterminisme n'est pas non plus très simple à définir, mais, pour le moment, je pense qu'on peut tomber d'accord sur un truc du genre : 1. tout ce qui arrive a au moins une cause et 2. tout ce qui arrive est fonction univoque de ses causes.)
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

back to the heart of the matter !
mais tu as entièrement raison, définissons.
je ne sais pas si tu connais le sketch de Fernand Raynaud "les oranges" ? c'est un peu ce à quoi j'arrive quand j'essaie de définir un concept philosophique comme le libre-arbitre ...
donc après empilement de champs sémantiques puis coupes sombres, j'arrive à :
capacité à faire un choix
si bien que je ne vois pas comment l'opposer au déterminisme front to front, comme deux antonymes. dans la mesure où une capacité est toujours déterminée. et c'est d'ailleurs cette chaîne de déterminants (les boucles perception-réaction)que j'essayais maladroitement de faire marcher côte à côte.

et toi, quelle est ta définition ?
Hors-sujet
http://www.youtube.com/watch?v=mPtjuinj2nw j'y pense chaque fois que je lis ta signature
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Je n'ai pas de définition du libre-arbitre - je ne comprends vraiment pas ce que c'est. Vraiment. :S

"Capacité de faire un choix", est une définition minimale, je pense, et à ce titre intéressante : elle est compatible tant avec le déterminisme strict des lois de la natures qu'avec l'idée de liberté de l'homme. La libre-arbitre serait l'organe de la délibération entre plusieurs options et la capacité à en déterminer une comme devant l'emporter sur les autres.

Mais - il y a un mais - il me semble qu'on définit ici l'arbitre, tout court - celui qui délibère et choisit -, plus que le libre-arbitre. En quoi l'arbitre peut-il être dit libre, c'est là une chose à laquelle je ne sais pas répondre. Une idée ?
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Miss dans la lune »

Je dirais : Capacité de faire un choix en toute connaissance cause -ou en connaissance de toutes causes-.

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Miss dans la lune a écrit :Je dirais : Capacité de faire un choix en toute connaissance cause -ou en connaissance de toutes causes-.
C'est intéressant. Mettons, pour éviter d'avoir à discuter trop longtemps sur la différence entre "toute connaissance" et "connaissance de toutes", un choix suffisamment informé. Cela pose le problème de "suffisamment" et permet sans doute, du coup, de délimiter des théories différentes de l'arbitre.

Mais pourquoi "libre" ? On peut concevoir un arbitre disposant de l'accès à un module lui fournissant l'information nécessaire à son choix (dont la connaissance des causes et des conséquences), sans que cet arbitre soit libre.

Par exemple, il ne l'est certainement pas si sa décision dépend d'un algorithme déterministe sélectionnant, dans une situation donnée, le choix parmi les possibilités qu'on lui soumet, sur la seule donnée de l'information nécessaire (information + possibilités => (algorithme qui touille tout ça) => choix : comme un programme informatique, quoi).
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Miss dans la lune »

Je suis d'accord Kliban, raison pour laquelle j'avais écris ça un peu plus haut.
Miss dans la lune a écrit :Masturbation intellectuelle. parfois je préférerais être un poisson rouge.

Finalement quand ça me démange, j'en ai conscience. Mais le fait d'en avoir conscience n’empêche pas que ça me démange. Alors oui, j'ai le choix de me gratter, ou pas... J'en n'en serai pas moins déterminé pour autant.

Finalement quand bien même je saurais TOUT, je ne vois pas pourquoi je serais absolument libre, absolument consciente oui, mais libre, non.

Le fait d'avoir conscience de nos actes et de nos perceptions, ne nous fait-il pas croire en cette liberté, en cet espoir vain d'absolue, de surhumanité... de devenir...Dieu...

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Donc pour toi, Miss dans la lune, l'arbitre n'est pas libre - je partage assez, remarque.

Mais pourquoi l'appelle-t-on libre ? D'où vient que la question de la liberté, de l'arbitre au moins, se pose ? D'où vient qu'on puisse la poser ? Sert-elle à quelque chose ? Et à quoi ?
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Miss dans la lune »

C'est très étrange. J'ai ce sentiment de possibilité de choix au quotidien, pour chacun de mes actes. je ne décortique pas mes expériences, mes connaissances, mon psychisme etc, pour savoir ce qui me pousse à agir. J'ai donc un sentiment de liberté.
La liberté n'est peut-être seulement qu'un sentiment. Le sentiment d'une volonté autonome, indépendante de toutes causes.
Nos corps sont soumis aux lois biologiques, du temps, sociales, psychologiques... comment s'en affranchir? pourquoi? et même, vouloir s'en affranchir c'est déjà "lutter" contre.
Remettre en question le phénomène de cause à effet, serait dire qu'il y a "création" permanente.
Seule une entité sans causalité, évoluant hors cadre, peut être libre, il me semble.
Kliban a écrit : Mais pourquoi l'appelle-t-on libre ? D'où vient que la question de la liberté, de l'arbitre au moins, se pose ? D'où vient qu'on puisse la poser ? Sert-elle à quelque chose ? Et à quoi ?
Sans ce concept de libre-arbitre, on accepte que l'homme soit irresponsable de ses actes.
Il sert à maintenir l'ordre je dirais, à légitimer la justice (c'est le seul moyen d'envoyer un homme en prison puisqu'il est responsable de ses actes).

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Kliban a écrit : Mais - il y a un mais - il me semble qu'on définit ici l'arbitre, tout court - celui qui délibère et choisit -, plus que le libre-arbitre. En quoi l'arbitre peut-il être dit libre, c'est là une chose à laquelle je ne sais pas répondre. Une idée ?
... et si je dis que l'arbitre est libre parce qu'il peut toujours intrinsèquement ne pas choisir et que la liberté c'est de ne pas être coincé dans une dualité mais pouvoir s'échapper par le haut ? Il y a une théorie de Watzslawick qui évoque cela, c'est un vieux souvenir, mais c'est aussi une réalité :
je peux me trouver coincée à penser devoir choisir entre faire du yoga ou glandouiller sur internet, coincée entre le bien et le mal, ou bien je peux ne pas choisir entre les deux, ne faire ni l'un ni l'autre, ne rien faire du tout par exemple, :levi ,ou bien tirer à pile ou face et confier le choix au hasard. C'est une forme de liberté à mes yeux.
Ce que je veux dire c'est que les formes que prend le choix sont déterminées mais qu'il y a un instant T où il existe une infinité de possibilités et que le libre arbitre c'est d'en avoir conscience.
Que pensez-vous de cette hypothèse ?
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Miss dans la lune, Il y a trop plein de choses dans tes lignes denses - et elles recoupent, c'est fascinant, la tripartition P1,P2, P3 que je proposais. Si je résume, sous ton contrôle, ce que j'en comprends :

Du point de vue subjectif (P1) : j'ai l'impression d'être libre, la sensation de pouvoir faire des choix, au sens où ils se font spontanément, sans que j'ai la sensation d'être déterminé à les faire. Le mot important ici est : autonomie - je me donne à moi-même mes propres lois, en-dehors de toute causalité extérieure (à moi) - du moins c'est ce que je ressens.

madeleine propose ici quelque chose d'un peu différent : là où tu positionnes la liberté sur l'absence de contrainte perçue, elle indique la conscience claire d'une multiplicité ("infinité" est un peu trop pour moi :D) de possibilités équiprobables (c'est le mot important) en face desquelles une délibération peut s'exercer sans qu'il y ait perception d'un choix meilleur qu'un autre. Je ne suis pas certain que ce genre de situation arrive souvent, mais il est parfaitement imaginable. Si je comprends bien, pour madeleine, tous ces "je peux" indiquent des conditionnels : "je pourrais"

Je me trompe peut-être, mais je sens deux conceptions différentes de l'autonomie : l'une est fondée sur la sensation d'une absence de contrainte externe, l'autre sur la perception de ces conditionnels qui font que je pourrais choisir ceci ou cela ou encore autre chose, indifféremment. Différentes mais pas nécessairement contradictoires, et de toute façon, dans tous les cas, en rapport avec cette idée que l'arbitre est libre quand il ne perçoit pas de contrainte à son action.


Du point de vue objectif (P3) : Dès lors que je pose une liberté dans le monde des causes, je suis obligé de la sortir du monde des causes ordinaires, du "cadre", dis-tu. En ce sens, ici, une liberté, c'est un fiat (comme le fiat divin et créateur, fiat lux).

Cela pose bien sur des tas de problèmes, si on devait admettre une telle liberté, les deux principaux qui me viennent étant :

1. Ce que serait un être "hors cadre" - qu'on a longtemps appelé "Dieu" en Occident - tu ne le dis pas, mais en tout cas ce n'est pas l'homme.

2. En outre, comment un être hors cadre pourrait-il avoir une action à l'intérieur du cadre reste, à mon sens, très mystérieux (et c'est un mystère, celui de l'articulation entre causalité libre et causalité déterministe, qui a agité l'Occident depuis fort longtemps : il est lié à la question de la séparation du corps et de l'esprit, entre autres).

Du point de vue intersubjectif (P2) : tu renvoies la liberté à la responsabilité. S'il n'y a pas de libre-arbitre, on ne peut pas attribuer de responsabilité à l'homme.

Cela pose une foule de questions, à mon sens. D'abord, je serais assez d'accord pour dire que s'il n'y a pas d'arbitre (donc d'action de choisior entre plusieurs options) parler de responsabilité n'a pas vraiment de sens. On est responsable parce qu'on a choisi ceci plutôt que cela, ou parce qu'on peut nous imputer ce choix. La responsabilité relevant du contrôle de ses membres par le groupe, il faut bien qu'elle ait un incidence sur le choix - choisir en connaissance de causes, c'est s'assurer que l'on saura aussi défendre ses choix, quel que soit le tribunal.

Maintenant, je ne suis pas du tout convaincu que l'arbitre doive être libre pour que l'on puisse parler de responsabilité. Mais le soucis est sans doute l'angle d'attaque.

Si je regarde ça sous P3, la responsabilité est un des organes psycho-sociaux que se donnent les groupes pour assurer la régulation des relations entre leurs membres. Elle s'appuie sur le concernement pour autrui (empathie, "care") ou la crainte de la faute pour intervenir dans les éléments déterminants de la délibération, le groupes sanctionnant ces délibérations qui mènent à des choix sanctionnables. Nulle liberté là-dedans, ce qui est bien normal, on est en P3, sauf à admettre que l'homme est capable d'un acte causalement libre.

Si je regarde ça sous P1 en revanche, il y a ce sentiment que j'ai de n'être pas déterminé à tel ou tel choix, que le choix qui se fait aurait pu être autre. En ce cas, je peux moi-même me reconnaître responsable. Un partie de la justice, chez nous, consiste d'ailleurs en la façon d'amener le coupable à se sentir responsable - plutôt que l'inverse :D. Mais en fonction de la façon dont penche la balance idéologique, on accordera plus de circonstances atténuantes (l'arbitre n'était pas libre du fait de contraintes lui échappant) ou moins (soit que l'arbitre ait toujours la possibilité d'être libre, soit que la liberté de l'arbitre n'ait rien à voir dans l'imputation de responsabilité).


Je ne sais pas encore en tirer grand chose. J'ai l'impression que la liberté à ce stade est une fiction, fondée sur une certaine expérience du choix, un certain ressenti de la contrainte, et probablement aussi (nouvel argument que je jette dans la nasse) une difficulté à prédire les conséquences d'une délibération chez autrui - difficulté que certains perspicaces ont l'art de contourner par ailleurs : "tu es si prévisible !", entend-on parfois.

J'aime assez l'orientation vers l'observation fine de ce qui se passe intérieurement. Cette sensation de liberté m'intrigue, et j'aimerais bien qu'on puisse la fouiller un peu. Qu'est-ce que ça veut dire "se sentir libre" ? Qu'est-ce que ça veut dire "faire un choix libre" ? Est-ce la même chose ? Je n'ai pas de réponse claire là-dessus - ou plutôt, j'ai l'impression que ce n'est PAS la même chose (car je me sens libre quand je suis en accord avec ce qui est, et tout choix, qui est lié à ce qui sera ou doit être, me crispe et s'impose à moi comme une limitation et une contrainte !), mais je ne vois pas bien pourquoi on parle de liberté dans les deux cas.
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Miss dans la lune »

Kliban, ta tripartition est très intéressante, j'ai relu hier soir le post dans lequel tu nous la présentais, et j'aurais quelques trucs à te répondre, ou te faire préciser, parce que tout ça m'a provoqué une demi insomnie, mais hélas pas très productive. Il faut que je couche tout ça à l'écrit. Là je n'ai pas le temps, mais j'essaierai avant le week-end.
Kliban a écrit : Qu'est-ce que ça veut dire "se sentir libre" ? Qu'est-ce que ça veut dire "faire un choix libre" ? Est-ce la même chose ? Je n'ai pas de réponse claire là-dessus - ou plutôt, j'ai l'impression que ce n'est PAS la même chose (car je me sens libre quand je suis en accord avec ce qui est, et tout choix, qui est lié à ce qui sera ou doit être, me crispe et s'impose à moi comme une limitation et une contrainte !), mais je ne vois pas bien pourquoi on parle de liberté dans les deux cas.
En fait c'est ça qui m'a le plus empêché de dormir. Je partage ton impression de malaise lorsque je dois faire un choix; moment où je fais un effort pour imaginer les possibles conséquences et donc la possibilité d'une perte, qui me serait imputable. Je suis donc dans une situation où je me considère comme "Créatrice", sensation vertigineuse, alors même que le champs des possibles n'est pas illimité (par exemple en versant une certaine quantité de peinture bleu et de peinture jaune, même si je ne sais pas si le vert sera turquoise, gazon, ou émeraude... il n'y a néanmoins aucune chance pour créer du rouge, de la patte à crêpe, un canard ou même un trou noir).

La théorie du chaos intervient aussi...

Bon je vais essayer de mettre un peu d'ordre dans ma tête avant d'aller plus loin.

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Ca part un peu dans tous les sens non ?
Pour moi l'idée d'infini n'est pas un concept fumeux mais une réalité, outre qu'elle est un objet mathématique. Elle fonde la notion de liberté, ouvrant le possible à une dimension inconnue. Le cerveau (cf l'article de P.Haggard et S.Clarke que tu cites Kliban) soumet en quelques fractions de seconde le choix à un algorithme prédictif inné avec lequel nous viendrions au monde (S.Dehaene) et enclenche une action qui vient ensuite à la conscience et là, nous avons cet instant T où une infinité de possibles que nous ne pouvons borner est présente, instant dans lequel la possibilité d'un choix libre existe. Mais tous les possibles sont déterminés bien sûr, et notre liberté cesse dès que le choix se fait.
Bon courage pour la suite ! :rofl:
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

(désolé du pavé, ça va être un peu long, mais le post de madeleine me pose des tas de questions... (Edit)Ce qui ne veut pas dire que Miss dans la lune dit des bêtises :P mais que j'attends que le tri se fasse :P(/Edit))
madeleine a écrit :Ca part un peu dans tous les sens non ?
Tu peux préciser pourquoi tu penses ça ? A quoi faudrait-il limiter la réflexion, notamment ?
De mon côté, je ne trouve pas, non. Ca s'étoile un peu, mais on reste bien dans le sujet, qui est complexe. Non ?
madeleine a écrit :Pour moi l'idée d'infini n'est pas un concept fumeux mais une réalité, outre qu'elle est un objet mathématique.
Je ne sais pas si tu m'attribues la notion de concept fumeux s'agissant de l'infini. Je dois rectifier, si c'est le cas : que je passe à "multiple" plutôt que d'employer infini, c'est que "multiple" est assez simple à partager entre des avis assez différents, alors qu'infini pose des tas de problèmes - et que le sujet pouvait, du moins je le croyais :D, se passer d'introduire cette notion. Si on commence à parler d'infini, dans sa connexion à la liberté, on se retrouve avec deux Concepts Compliqués (voire Monstrueux :P) sur les bras.
madeleine a écrit :Elle fonde la notion de liberté, ouvrant le possible à une dimension inconnue.
J'ai un peu de mal à suivre. En quoi l'infini fonde-t-il, en tant que tel, la notion de liberté ? Ne suffit-il pas, pour que je puisse parler de liberté, que j'aie un choix à faire entre seulement deux choses équiprobables ?
Mettons qu'alors on puisse dire (ce n'est pas sûr, mais cela peut se soutenir) : le choix que j'ai à faire entre ces deux choses équiprobables ne peut être connu a priori, il faut donc autre chose que ce que je connais pour que le choix se fasse, et cette autre chose relève donc d'une dimension inconnue ; cela n'implique pas que cette dimension inconnue relève de près ou de loin de la notion d'infini. Tout ce qui est de l'ordre de l'inconnu n'est pas de l'ordre de l'infini ; ou plutôt : si c'est bien le cas, il convient de le montrer. Mais ce n'est pas nécessairement ce que tu voulais dire. Est-ce que tu peux préciser ?
madeleine a écrit :Le cerveau (cf l'article de P.Haggard et S.Clarke que tu cites Kliban) soumet en quelques fractions de seconde le choix à un algorithme prédictif inné avec lequel nous viendrions au monde (S.Dehaene) et enclenche une action qui vient ensuite à la conscience et là, nous avons cet instant T où une infinité de possibles que nous ne pouvons borner est présente
Je suis un peu paumé. Je ne vois pas du tout comment la venue à la conscience fait survenir une infinité de possibles. Un grand nombre, sans doute. Mais une infinité ? Comment peut-on avoir en la conscience une infinité de choses (ce qui n'est pas identique à avoir l'infini dans la conscience) ?
madeleine a écrit :instant dans lequel la possibilité d'un choix libre existe. Mais tous les possibles sont déterminés bien sûr, et notre liberté cesse dès que le choix se fait.
Donc si je comprends bien (et je peux me tromper grave !), pour toi il y a une possibilité du choix. En fait, la conscience est libre parce qu'elle dispose d'instants extrêmement brefs où les possibles se présentent à elle, chacun étant par ailleurs parfaitement déterminé. Elle aurait alors la possibilité de dire quel possible elle choisit.

Ce n'est pas ce que disent les expériences qui ont été faites, pour ce que j'en comprends en tout cas. Elles disent : l'action qu'on va effectuer est engagée avant même qu'on ait conscience d'un choix. L'action est _déjà_ engagée. La venue à la conscience de cela (= _l'intention_ de faire l'action) permet au système cognitif de moduler cette intention - par une valeur morale, par exemple, qui est réveillée par l'intention et vient modifier l'ordre moteur.

Il n'y a là rien de la possibilité de choisir entre plusieurs lignes d'actions : un choix est fait par le système cognitif, de façon inconsciente et déterministe, de ce choix découle, toujours de façon déterministe, la conscience de l'intention, laquelle peut être modulée, encore de façon déterministe, par un autre élément du système cognitif, ce qui modifie, encore de façon déterministe, l'action - j'enfonce le clou pour que ce soit clair : il n'y a à aucun endroit de choix effectif entre plusieurs options, aucun moment où un arbitre pourrait intervenir de façon non totalement déterminée dans les choix.

De façon plus intrinsèque la conception d'un arbitre choisissant entre plusieurs options - que je t'attribue peut-être de façon erronée - pose bien plus de question qu'elle ne résout de problèmes. Le principal tient dans l'articulation entre :
  • instant dans lequel la possibilité d'un choix libre existe ;
    et
  • tous les possibles sont déterminés.
C'est une notion très particulière de la causalité, qui suppose qu'une cause est susceptible d'avoir des effets divers, et qu'il faut un organe - ici le libre-arbitre - qui soit à même de définir l'effet, de donner un effet à cette cause.

Comme ce type de causalité ne s'observe pas dans la nature (le monde décrit par P3), il faut donc supposer qu'elle est l'apanage de l'arbitre, au sens où à la fois il suscite des phénomènes multi-effets et la possibilité de choisir parmi eux de façon à limiter, pour une cause donnée, l'effet subséquent - en traduction : pour une diversité de choix, une seule chose choisie. La question se pose alors de savoir quelle est la nature de l'arbitre, qu'il puisse
  • être le seul objet pour lequel une causalité pluri-effective est possible ;
  • effectuer cette détermination d'un effet parmi la liste des effets qui se présente à lui : qu'est-ce que cette détermination "dans l'instant" ?
Il y a alors une contradiction à mon sens à essayer d'en rendre compte par les concepts de P3 (de la science, pour aller vite). Ils ne sont pas solubles dans le type de causalité que j'ai décrit : le principe par lequel P3 avance est bien de chercher sans cesse à montrer le principe de causalité (cause => un seul effet possible) à l'oeuvre, en fournissant des explications et des modèles qui tiennent à la critique expérimentale (ils sont descriptifs et prédictifs, en gros).

A mon sens, cette idée d'une pluri-effectualité des causes, résolue par la capacité de choix, relève de P1 : la façon dont nous nous vivons libres - et qui n'a que lointainement à voir avec ce que nous découvrons du fonctionnement de notre cerveau - de la même façon que la compréhension des mécanismes chimiques de la cuisson n'a que peu à voir avec la façon dont nous nous investissons dans la confection d'un rôti.

Mélanger sans précaution P1 et P3 entraine toujours des énoncés contradictoires - et donc intéressants, au demeurant, mais toujours conceptuellement assez confus.
► Afficher le texte
Bref, pour résumer ce point deux questions : est-ce que je te résume bien, quand je te résume ? et si c'est le cas, pourrais-tu clarifier 1. la notion d'infini dans son rapport à la liberté et 2. comment s'articulent la phase déterministe du choix et sa phase libre (parce que ça, pour moi c'est mystérieux, et à mon sens, relève d'un mélange des perspectives - mais je peux me tromper !).
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Rhôooo dis donc ! Je m'étais dit qu'avec ma façon de m'exprimer j'allais juste me faire jeter avec un élégant coup de pied au cul de cette discussion, mais il semble que non, chuis épatée :D
J'ai juste trop peu d'heures de sommeil sous le coude,là, pour faire à ta réponse la réponse attentive qu'elle mérite, mais demain, promis, je m'attelle au truc.
Bonne nuit aux joyeux zinsomniaques :hai:
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

En fait il semble que l'origine de ce terme de libre arbitre soit théologique, ce qui explique à mon sens que c'est un concept un peu non-naturel, mais ça n'engage que moi :rofl:
Est-ce que nous discutons bien pour essayer d'éclaircir si nos choix sont parfois le fait de notre seule volonté ? Et donc si nous disposons de la liberté d'agir (dont découlent ensuite responsabilité, morale et pénale, etc) ?

Et donc, depuis le début de ma participation, je fais une hypothèse, je n'affirme rien : j'essaie de construire avec vous, si ce n'était pas clair je vous prie de m'en excuser. Je prends ici la parole de la thèse et je postule que le libre arbitre existe.

Moi pour définir la liberté je ne peux me passer de l'infini, en tant que ce mot représente ce qui n'est pas fini, non borné; bien sûr il y a aussi la dimension poétique du terme ... Pour moi c'est l'infini qui met échec et mat le déterminisme.
Donc l'infini = ce qui n'est pas borné, et
la liberté = ce qui n'est pas contraint
L'espace non borné inclut l'espace de la liberté, par opposition ce qui est contraint est fini; mais je ne trouve pas davantage de mots, j'ai un peu peur d'avoir de la peine à défendre cette évidence personnelle pour l'instant.

Donc dans l'enchaînement des causes d'un choix on a
cause - perception - réaction - liberté - choix -déterminisme
et oui, mon espace de liberté dans cette chaîne a bien à voir avec ce que je comprends de la décohérence, mais également avec ce qu'en dit le bouddhisme. Il y a à un instant un éventail infini de possibles que le choix referme. Cet infini est la liberté du choix.

Je n'ai pas l'impression que ça soit bien exprimé non plus.
Je vais continuer à vous lire avec plaisir en attendant que je trouve une meilleure façon de contribuer (ou non) à ce débat. :hai:
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Il y a beaucoup de choses encore :)

Oui, la question de la liberté, en Occident, est théologiquement déterminée : il fallait opposer le libre pouvoir créateur de Dieu et son reflet dans la liberté de choix de l'homme (induisant la responsabilité face au péché) en regard de ce qui s'est progressivement défini comme un déterminisme strict - que je disais plus haut de mono-efficience. Cea pose un paquet de problèmes, dont certains nous sont déjà apparus, en particulier le mystère de la coordination de ces deux causalité, la libre et la déterministe.
Et donc, depuis le début de ma participation, je fais une hypothèse, je n'affirme rien : j'essaie de construire avec vous, si ce n'était pas clair je vous prie de m'en excuser. Je prends ici la parole de la thèse et je postule que le libre arbitre existe.
Et l'on examine, et c'est bien plaisant.
Est-ce que nous discutons bien pour essayer d'éclaircir si nos choix sont parfois le fait de notre seule volonté ? Et donc si nous disposons de la liberté d'agir (dont découlent ensuite responsabilité, morale et pénale, etc) ?
C'est bien ça, mais il me semble que nous avons à interpréter les expériences dont il a été question plus haut : notre volonté ne détermine pas nos choix. Jamais. Nos choix sont déterminé avant que notre volonté entre en jeu. Le bouquin de Joëlle Proust que j'ai rapidement cité est trè clair là-dessus. Notre volonté ne sert qu'à deux choses : nous approprier le choix déjà fait comme étant notre et se donner les moyens de réorienter - non pas de choisir autre chose, mais d'interrompre ce qui a déjà été choisi et de faire autre chose.

Ensuite, nos choix pourraient être le fait de notre seule volonté sans que cela implique liberté : il suffirait que notre volonté soit totalement déterminée. Il y a ici u petit abîme, que je passe trop vite et qui peut nous engloutir si nous continuons : si ce qui détermine ma volonté est aussi ce qui fait que je suis "moi" et que ma volonté est "ma" volonté, alors il est probable que depuis cette expérience que j'ai de "moi", je ne puisse le concevoir - "je" ne peut savoir _directement_ de quoi "je" est fait. Autrement dit, on peut concevoir que depuis P1, je sois effectivement libre (cela pourrait se soutenir) : il faudrait sortir de P1 et passer en P3 : faire de "moi" non plus celui qui perçoit mais ce qui est perçu, pour que l'on puisse rendre compte d'une détermination de la volonté. C'est une thèse que je ne soutiens pas de bout en bout, mais elle a de bons arguments en sa faveur.

Je rappelle qu'à mon sens il est _essentiel_ pour bien traiter ce sujet de ne pas mélanger P1 et MP3, sinon on n'y comprend plus rien. Si cette distinction n'était pas clair, il serait je crois important pour ce débat qu'on la précise.

Moi pour définir la liberté je ne peux me passer de l'infini, en tant que ce mot représente ce qui n'est pas fini, non borné; bien sûr il y a aussi la dimension poétique du terme ... Pour moi c'est l'infini qui met échec et mat le déterminisme.
Donc l'infini = ce qui n'est pas borné, et
la liberté = ce qui n'est pas contraint
L'espace non borné inclut l'espace de la liberté, par opposition ce qui est contraint est fini; mais je ne trouve pas davantage de mots, j'ai un peu peur d'avoir de la peine à défendre cette évidence personnelle pour l'instant.
D'accord. Tu as une définition de l'infini en puissance et non pas en acte - ce qui répond à la question plus : comment avoir une infinité de choses dans la conscience : ce n'est pas possible. C'est une définition négative de l'infini : ce qui fait trou dans le fini, la disparition d'une contrainte (je dirait plutôt une limite, pour ma part).

Du coup, dans la chaine causale que tu indiques, il y a un point et un seul de disparition de la contrainte, un seul point d'application de la causalité libre (CD Causalité déterministe - CL - causalité libre) :

30

CD cause - perception - réaction -

30

CL - liberté -

30

CD - choix -déterminisme

Et au point CL, le choix est "infini" dis-tu plus bas, au sens où, si je te comprends bien, il n'est pas limité. Il n'y a pas une infinité de possibilité devant lesquels on délibère, mais il y a une ouverture non contrainte des possibles.

J'aimerais ici qu'on puisse préciser trois choses :
  • A quelle expérience correspond cette ouverture des possibles ? Je ne parviens pas à la rattacher à quelque chose que j'aurais vécu.
  • Comment se fait le choix à partir de cette ouverture ? Comment choisit-on quelque chose, puisqu'on n'a pas cet infinité sous les yeux : on a juste une disparition de la contrainte ? Autrement dit, comment passer de CL à CD ?
  • Dans nos actes quotidiens, il se passe plein de choses, déterministes. Quand sommes-nous appelés à faire choix et comment cela se manifeste-t-il ? (c'est l'inverse de la question précédente : comment passer de CD à CL ?)
En revanche je pense que sur les deux points suivants, il y a mécompréhension, et j'en suis sans doute en partie responsable :
et oui, mon espace de liberté dans cette chaîne a bien à voir avec ce que je comprends de la décohérence, mais également avec ce qu'en dit le bouddhisme. Il y a à un instant un éventail infini de possibles que le choix referme. Cet infini est la liberté du choix.
Ni dans le bouddhisme (à ma connaissance), ni dans la théorie de la décohérence on ne trouve d'instant de choix absolu.
  • Pour le bouddhisme, il faudrait peut-être nuancer, je ne suis pas spécialiste. Mais pour ce que j'en comprend, la loi de la coproduction conditionnée exclut les actes libres.
  • La décohérence ets la théorie déterministe expliquant comment on passe d'un système quantique intriqué, ayant des propriétés qui, à notre échelle nous paraîtraient fort bizarres, à un système ayant des propriétés conformes à ce dont nous avons l'expérience. C'st une théorie physique tout ce qu'il y a de plus sérieuse et elle ne fait intervenir aucune liberté (ele permet même de faire taire les interprétations quantiques qui pensaient avoir besoin de faire intervenir la conscience de l'observateur pour expliquer certaines propriétés des phénomènes quantiques)
C'est un détail. En fait ta conception de la liberté est assez... chrétienne :) - celle d'une ouverture non à un pannel d'options - comme je le proposais - mais à un au-delà des options, une ouverture peut-être radicale. Mais cela n'explique pas bien comment cette causalité parvient à agir (CL -> CD) et à être éveillée (CD -> CL).

(Sur tout ce sujet, je soutiendrais volontiers que la liberté est un concept P1 dont peut rendre compte une certaine conformation de notre système cognitif - P3 - ce qui le rend très difficile à définir, les conceptions issues de P1 pouvant être assez variables, reliés à des branches très diverses de nos façon de nous représenter notre action et nous-même dans le monde, et le plus souvent incompatibles avec ce que P3 en fournira, et qui sera, quant à lui, beaucoup plus stable. La question de savoir s'il est possible de fournir une conception P1 - et donc invariablement une éthique - qui soit plus aisément articulable avec P3 est ouverte - elle a été tentée, on en trouve des ébauches dans Spinoza, et dans certains courants spirituels, dont le bouddhisme. )

Si vous voulez, on continue :) !
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Oh Kliban je suis désolée, à te lire ce soir avec environ, allez, sept heures de sommeil en trois nuits j'ai l'impression d'avoir été traduite par R2D2 ... :doh:
Tu peux m'expliquer, avec des mots tout simples stp, tes trois niveaux et leur donner un joli nom pour mon petit cerveau fatigué ? ou alors on dit que je vais réussir à dormir cette nuit et je relis tout et je fais le job toute seule ? Contingences, contingences ... j'adore jouer avec la décohérence, c'est très visuel comme théorie je trouve.

Donc j'ai tout relu et j'ai bien envie de continuer, mais comme on a jeté beaucoup de balles en l'air si j'ose dire, il faut que ça décante.
Est-ce que la possibilité d'un choix est toujours notre définition du libre arbitre ? Quel que soit le niveau sur lequel on l'envisage ?
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Miss dans la lune »

Alors selon ta Kliban-tripartition pour résumer ma vision:
Selon 3P: tout déterministe, à partir du temps zéro. Oui parce qu'admettons qu'il y ait une cause première, celle-ci n'étant pas déterminéé (puisque première), elle est libre.
Selon 1P: ça dépend de l'individu, si tu es Jacques le fataliste, ou Max (il est libre), et de ta définition de la liberté (cf l'absence de contrainte ressenti dont tu parlais, par exemple)

2P, je ne comprends pas pourquoi tu le classes dans "déterministe strict". Pour moi ce serait "libre strict", puisqu'il s'agit si j'ai bien compris ce à quoi référait cet axe, de la vision qu'a la société (occidentale, judéo-chrétienne), -le groupe, celui qui dicte les lois, la morale- de la liberté, de la responsabilité. (la somme, ou la vision globale moyenne de tous les P1 en gros non?)
Kliban a écrit : Maintenant, je ne suis pas du tout convaincu que l'arbitre doive être libre pour que l'on puisse parler de responsabilité.
La "responsabilité", n'est que de l'ordre de P1 (ou P2), elle n'existe pas en P3 (si l'on considère p3 tout déterministe). En P3, responsabilité=cause (pas de sens éthique).

En P1 comme en p2 (surtout en P2 même, puisque P1 peut être Jacques ou Max ;) , enfin si j'ai bien compris P2 et là rien n'est moins sûr), comment peut-on parler de responsabilité sans parler de "libre"-arbitre :grattelatete: . La justice se base là dessus (avec quelques nuances et exceptions d'irresponsabilité pénale).
Kliban a écrit : En outre, comment un être hors cadre pourrait-il avoir une action à l'intérieur du cadre reste, à mon sens, très mystérieux (et c'est un mystère, celui de l'articulation entre causalité libre et causalité déterministe, qui a agité l'Occident depuis fort longtemps : il est lié à la question de la séparation du corps et de l'esprit, entre autres).
Ce ne serait pas un être hors cadre, mais un être non-déterminé, libre. A ta question "comment pourrait-il avoir une action à l'intérieur du cadre" je répondrais "Comment ne pourrait-il pas avoir une action à l'intérieur du cadre? (bon, et pire, pourquoi :D ). M'enfin, ce serait l'anarchie dans le déroulement logique des choses s'il intervenait... perso, jamais rien vu de complètement "miraculeux" ;) (si ce n'est le commencement...)

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Bon, je reprends :) - me pointer très explicitement les endroits où je suis trop compliqué (c'est un de mes défauts).

Les trois "niveaux" d'analyse que je propose - ce sont plus des cadres que des niveaux, mais bon - sont liés à la façon dont on se rapporte à l'objet concerné. Je les ai noté par rapport aux personnes du discours, pour disposer d'une notation simple.
  • En P1, la première personne, "je" :
    c'est "je" qui est concerné, par comme un objet - quand je dis "je crois", "je pense que", "j'aime", etc., "je" n'a pas le statut d'un objet d'étude, il est celui qui est concerné, par un objet, une action, une émotion.
    On pourrait dire ce biveau subjectif, mais je n'aime pas trop ce terme, qui est toujours un peu dévalorisant. C'est en tout cas le niveau où chacun d'entre nous se détermine à l'action qui lui paraît la meilleure, le niveau de discours où nous sommes concernés par le monde, où nous y sommes engagés.
    On pourrait encore le dire éthique (au sens de la recherche de la meilleure vie pour soi-même) ou psychique.
  • En P3, troisième personne, "il", "le", "ça":
    c'est tout l'inverse : on est concentré sur l'objet en tant qu'il ne nous concerne qu'à la troisième personne. "Cette chose", "cette colonie de fourmi", "cet atome", "le cerveau", "la société américaine", etc. Cela caractérise le niveau de l'étude de l'objet, qui se fait toujours en essayant de gommer la position particulière du sujet qui étudie.
    C'est le niveau objectif des sciences et disciplines en "-logie" (bio-, socio-, psycho-, etc.).
  • En P2, deuxième personne, "tu" :
    on a quelque chose de plus complexe. On pourrait aussi parler de première personne du pluriel, "nous". Disons que P2 rend compte du fait que je ne suis pas un sujet isolé, engagé mais seul, connaissant mais seul.
    P2, c'est l'intersubjectif. Il vient du fait que je suis engagé dans un monde qui est essentiellement un monde d'autres avant que d'être un monde de choses. Il est sans doute peu probable que je puisse mettre en place des connaissances scientifiques ou une éthique en dehors de mon insertion dans un ensemble complexe de relations.
    C'est donc aussi le niveau des normes, que je partage ou auxquelles je m'oppose, et que je dirais encore moral ou politique.
J'espère que c'est un peu plus clair.

Mon point en introduisant cette tripartition - qui est un outil de travail, surtout - est de permettre de voir la façon dont on peut percevoir la liberté. A mon sens, on peut définir un tableau, selon qu'on pense que chacun des niveaux est ou non caractérisé par le déterminisme ou la liberté, ou un mixte des deux (j'ajoute ce point, qui me semble émerger de nos discussions) :

[table=width:100%;border:1px solid #cccccc;][tr=text-align:center;][td=border:1px solid #cccccc;][/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]Déterminisme[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]Liberté[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]Mixte[/td]
[/tr]
[tr=text-align:center;][td=border:1px solid #cccccc;]P1[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]La liberté ressentie est une illusion totale : nous sommes prédestinés.[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]Pas de liberté dans le social. La responsabilité n'est qu'un mode de contrôle des individus pour 1. engendrer des comportements adéquats et 2. retrancher les individus dont le comportement ne le serait pas assez.[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]Aucune causalité libre[/td]
[/tr]
[tr=text-align:center;][td=border:1px solid #cccccc;]P2[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]La liberté ressentie est un fait d'essence[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]La responsabilité est fondée sur la liberté des individus. On sanctionne ceux qui en usent mal - parce qu'ils auraient pu en user bien.[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]Causalité libre : miracles divins ou décisions humaines.[/td]
[/tr]
[tr=text-align:center;][td=border:1px solid #cccccc;]P3[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]La liberté ressentie correspond à des moment libres dans une succession de faits totalement déterministes - des éclairs de liberté[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]???[/td]
[td=border:1px solid #cccccc;]???[/td]
[/tr][/table]

Cette table est incomplète bien sûr - juste un outil de travail, encore une fois. Ce qui est important, c'est qu'on peut se bâtir une philosophie en piochant la relation de P1, P2 et P3 à la liberté dans l'un quelconque des cases (on n'est pas obligé de rester dans la même colonne). Ce qui devrait répondre à la première question de Mis dans la lune : je n'ai pas _classé_ P2 dans déterminisme strict. J'ai montré qu'on pouvait l'y mettre, que c'est une thèse que l'on peut soutenir.

De la même façon, on peut tout-à-fait imaginer une justice qui ne se base pas sur la notion de liberté - et la justice médiévale, par exemple, ne le fait pas. Ce n'est que dans une certaine configuration de ce que nous appelons "juste", sans doute liée à un accent mis sur l'individu, que l'on introduit la notion de liberté dans celle de responsabilité. Mais je ne suis pas assez versé ni à l'aise en philo du droit pour aller bien loin là-dessus pour le moment.

(par exemple : on peut condamner quelqu'un qui n'a pas voulu tuer : c'est le cas lors d'accidents, ou lorsqu'on condamne l'automobiliste alors qu'il était impossible qu'il évite le piéton qui a traversé sans faire attention : même toute notre justice n'est pas fondée sur une responsabilité-liberté).
Ce ne serait pas un être hors cadre, mais un être non-déterminé, libre. A ta question "comment pourrait-il avoir une action à l'intérieur du cadre" je répondrais "Comment ne pourrait-il pas avoir une action à l'intérieur du cadre?
Cela rejoint les questions que je posais plus haut à madeleine : comment passe-t-on de CL à CD, d'une causalité libre à une causalité déterministe ? Comment une causalité libre peut-elle rentrer dans le cadre de la causalité déterministe ?

Il y a là quelque chose de mystérieux. Supposons que je sois libre d'agir. A un moment donné, j'agis. Mais nous sommes tombés d'accord pour dire que de là, la causalité est déterministe : l'ordre moteur envoyé à la main saisit le verre et le mène à la bouche. Mais comment se fait le passage entre la décision d'agir - libre - et l'action ? Si l'on admet - ce que je crois erroné - que la décision d'agir est P3-libre, comment rendre compte (en P3) de la façon dont cette liberté se transforme en acte ?

Le P3-déterminisme implique l'unicité des effets pour une cause et l'unicité de la cause pour l'effet (même en mécanique quantique : l'équation de Schrödinger est déterministe) : il n'y a pas de trous, d'attente d'une décision (comme quand un ordinateur s'arrête pour te demander d'entrer ton mot de passe, par exemple). Une causalité libre doit donc intervenir dans cette chaine de causalités : la rompre, d'une certaine façon.

Outre que cette rupture est bien mystérieuse, comment pourrait-elle advenir sans remettre en cause le déterminisme même de P3 tel qu'on l'observe ?. On voit certains répondre à cette question par la rareté des "miracles" ou des décisions libres. C'est un argument que l'on ne peut contrer qu'en montrant qu'il n'en est pas besoin pour expliquer l'univers - mais il ne peut exclure la CL en droit : elle pourrait exister, sans être jamais utilisée, ou très rarement. Cela dit, la façon dont elle fonctionnerait serait de toute façon mystérieuse, autant que le fonctionnement d'une conscience créatrice.

Tu évoques, Miss dans la lune, à ce sujet le temps 0 du fiat lux, le moment de la création. Ca a du sens tant qu'on fait de l'espace-temps un absolu. Le souci est que l'on commence à penser que l'on pourrait rendre compte du temps comme d'une propriété émergente d'une physique plus fondamentale que celle que nous connaissons aujourd'hui - c'est ce vers quoi les physiciens d'aujourd'hui tendent. En clair : le temps tel que nous le comprenons apparaîtrait de certaines configurations de... du truc dont serait falte la matière, de la même façon, par exemple, que la fusion nucléaire apparaît dans le coeur des étoiles quand les conditions son réunies (c'est juste une image).

Tout ça est encore très théorique et même embryonnaire, mais si c'était avéré, le temps 0 n'aurait pas de sens par rapport à un acte de création, mais par rapport à un événement tout ce qu'il y a de plus matériel. Encore une fois, les options dans P3 peuvent toujours envisager de supprimer toute causalité libre des explications qu'on y fournit.


Tout ça pour dire que
  • en P3, si liberté il y a, on ne l'a jamais observée à ce jour - et on peut espérer n'en avoir jamais besoin.
  • en P1, je peux me concevoir libre, et cela peut avoir un sens pour mes actions. Mais ce n'est sans doute pas le seule chemin possible : je peux aussi me concevoir totalement déterminé, et cela peut avoir un autre sens pour mes actions -et peut-être les orienter différemment. Reste à savoir si je peux me sentir totalement déterminé - je crois que oui, mais je crois que cela coïncide avec la liberté au sens de l'absence de contrainte perçue, comme chez Spinoza. Il faudrait que je développe ce point - difficile.
  • en P2, on peut concevoir une responsabilité fondée sur l'idée de liberté et une responsabilité fondée sur l'idée de causalité. Il est intéressant de réfléchir aux types de sociétés que cela engendre, peut-être.
(Je ne sais pas si c'est plus clair raconté comme ça. Je suis encore au niveau du débroussaillage. Désolé de faire si long, mais ce sont des territoires dont les cartes dont complexes - et je ne sais pas si je parviens à toujours bien faire comprendre pourquoi je dois introduire ce type d'outils combinatoires : n'hésitez pas à reprendre précisément ce que je raconte pour me demander des précisions. Le plus compliqué dans ce type de discussions est de parvenir au point où nous parlons tous le même langage cela résout en général plus de la moitié - facile - des problèmes. Les choses sérieuses commencent après - nous n'avons fait que les esquisser pour le moment, je crois).

Edit : il y a d'ailleurs un soucis, que rappelle madeleine : nous parlons de plusieurs choses.
  • La liberté comme capacité de faire des choix. A mon sens, cela définit plus l'arbitre - dont on peut se demander s'il est ou non libre.
  • La liberté comme capacité à intervenir dans la causalité déterministe en l'interrompant et commençant une nouvelle série causale (succession de causes et d'effets struictement enchaînés)
  • La liberté comme non-contrainte.
Il faudrait probablement faire un travail de dépoussiérage de ces trucs-là.
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madeleine
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Edit : désolée, j'ai posté ceci sans avoir vu ta réponse, Kliban ... emploi du temps un peu chargé ... Et re-euh ... j'ai pas fait "aperçu" avant de poster pour les mêmes raisons ... c'est mieux comme ça ?

Je suis donc toujours la voix de la thèse de l'existence du libre arbitre.
Kliban a écrit :notre volonté ne détermine pas nos choix. Jamais. Nos choix sont déterminé avant que notre volonté entre en jeu. Le bouquin de Joëlle Proust que j'ai rapidement cité est trè clair là-dessus. Notre volonté ne sert qu'à deux choses : nous approprier le choix déjà fait comme étant notre et se donner les moyens de réorienter - non pas de choisir autre chose, mais d'interrompre ce qui a déjà été choisi et de faire autre chose.
Euh ... oui mais non ! Certains type de choix ont été examinés dans ces expériences, mais d'autres, en particuliers les choix de type délibératifs, n'entrent pas dans cette catégorie; c'est pourquoi je peux envisager que nos choix soient parfois le fait de notre seule volonté. Ce sont eux qui font intervenir le libre arbitre ; celui-ci est donc bien dans ma construction une compétence. Avoir une compétence n'entraine pas son usage systématique (et c'est bien dommage mais c'est un autre débat :rofl: )
Kliban a écrit :Ensuite, nos choix pourraient être le fait de notre seule volonté sans que cela implique liberté : il suffirait que notre volonté soit totalement déterminée. Il y a ici u petit abîme, que je passe trop vite et qui peut nous engloutir si nous continuons : si ce qui détermine ma volonté est aussi ce qui fait que je suis "moi" et que ma volonté est "ma" volonté, alors il est probable que depuis cette expérience que j'ai de "moi", je ne puisse le concevoir - "je" ne peut savoir _directement_ de quoi "je" est fait. Autrement dit, on peut concevoir que depuis P1, je sois effectivement libre (cela pourrait se soutenir) : il faudrait sortir de P1 et passer en P3 : faire de "moi" non plus celui qui perçoit mais ce qui est perçu, pour que l'on puisse rendre compte d'une détermination de la volonté. C'est une thèse que je ne soutiens pas de bout en bout, mais elle a de bons arguments en sa faveur.
Pas si vite !! Bien sûr que l'on lie choix et volonté, mais est-ce si simple ? Je n'y avais pas pensé mais ça mériterait un petit détour, non ? Parce que si je définis la liberté par "ce qui n'est pas contraint" c'est un mot rattaché au champ sémantique de la volonté aussi, il me semble ?

Kliban a écrit :Du coup, dans la chaine causale que tu indiques, il y a un point et un seul de disparition de la contrainte, un seul point d'application de la causalité libre (CD Causalité déterministe - CL - causalité libre) :

30

CD cause - perception - réaction -

30

CL - liberté -

30

CD - choix -déterminisme

Et au point CL, le choix est "infini" dis-tu plus bas, au sens où, si je te comprends bien, il n'est pas limité. Il n'y a pas une infinité de possibilité devant lesquels on délibère, mais il y a une ouverture non contrainte des possibles.
Ca me va "une ouverture non contrainte des possibles" !

Pour moi, ce que tu appelles CL est une rupture dans la chaîne causale sur un mode que je ne sais comment qualifier : subliminal ? parce qu'il intervient au seuil de la conscience ? Et que souvent elle n'y prête pas attention.
Mais il me semble qu'on en fait tous l'expérience, par exemple dans une hésitation. On trébuche sur CL en quelque sorte, on se dit "ah mais en fait c'est pas si simple ...", il y a une subtile déviation des contraintes. Mais on peut accentuer cela.


Kliban a écrit :En revanche je pense que sur les deux points suivants, il y a mécompréhension, et j'en suis sans doute en partie responsable :
et oui, mon espace de liberté dans cette chaîne a bien à voir avec ce que je comprends de la décohérence, mais également avec ce qu'en dit le bouddhisme. Il y a à un instant un éventail infini de possibles que le choix referme. Cet infini est la liberté du choix.
Ni dans le bouddhisme (à ma connaissance), ni dans la théorie de la décohérence on ne trouve d'instant de choix absolu.
"choix absolu " ??? D'où ça sort ??
Le bouddhisme offre à celui qui s'engage sur ce chemin la possibilité de s'extraire de la chaîne des causes ; je ne suis pas persuadée que ce soit l'endroit pour en parler, mais pourquoi pas ? De s'en extraire momentanément, puis définitivement, là c'est le momentanément que j'utilise.
Quant aux théories quantiques, elles sont faciles à appréhender dans leur forme, mais pas dans leurs applications que je ne maîtrise pas du tout ; mais il faut les prendre avec soi quand on raisonne parce qu'elles décrivent le réel et oser s'en emparer sans complexes c'était le conseil de mon prof de physique au lycée et je l'ai suivi depuis. Donc la décohérence tente à mon sens une description de ce qui se passe entre CL et CD, entre non-T et T. Toutefois, contrairement à ce que tu dis, je ne pense pas qu'on puisse faire l'impasse sur l'observateur en tant qu'il introduit la temporalité, mais c'est un autre débat (ou pas ?).

Kliban a écrit :Si vous voulez, on continue :) !
Ca serait dommage d'arrêter en si bon chemin :) :hai:
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Merci pour cette réponse :) Mais, euh, est-ce que tu pourrais remettre en forme un tout petit peu : c'est très dur de voir où tu cites et où tu réponds :) L'idéal est que la réponse soit alignée sur la marge de la page, et les citations dans les retraits. Ce serait possible ?

Je vais quand même voir si je peux répondre.
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Réponse à madeleine - j'ai du temps en ce moment je suis en fin d'arrêt maladie : au repos et la tête pas trop trop nébuleuse :)
madeleine a écrit :
Kliban a écrit :notre volonté ne détermine pas nos choix. Jamais. Nos choix sont déterminé avant que notre volonté entre en jeu. Le bouquin de Joëlle Proust que j'ai rapidement cité est trè clair là-dessus. Notre volonté ne sert qu'à deux choses : nous approprier le choix déjà fait comme étant notre et se donner les moyens de réorienter - non pas de choisir autre chose, mais d'interrompre ce qui a déjà été choisi et de faire autre chose.
Euh ... oui mais non ! Certains type de choix ont été examinés dans ces expériences, mais d'autres, en particuliers les choix de type délibératifs, n'entrent pas dans cette catégorie; c'est pourquoi je peux envisager que nos choix soient parfois le fait de notre seule volonté. Ce sont eux qui font intervenir le libre arbitre ; celui-ci est donc bien dans ma construction une compétence.
Donc si je te suis, nous nous restreindrions ici aux seuls choix délibératifs. Peux-tu définir ce que tu entends pas là ? Je veux dire : peux-tu donner un exemple simple d'une délibération, que nous puissions travailler dessus ? Et nous indiquer où dans la délibération intervient ce que tu disais d'une ouverture infinie ? Je pense aussi qu'il faudra y faire intervenir la volonté : montrer en quoi une délibération libre est le fait de notre volonté - plutôt que... de nous-même par exemple (ou bien "volonté" est le nom que "nous-même" prend au moment de liberté d'une délibération libre ?).

madeleine a écrit :
Kliban a écrit :Ensuite, nos choix pourraient être le fait de notre seule volonté sans que cela implique liberté : il suffirait que notre volonté soit totalement déterminée. Il y a ici u petit abîme, que je passe trop vite et qui peut nous engloutir si nous continuons : si ce qui détermine ma volonté est aussi ce qui fait que je suis "moi" et que ma volonté est "ma" volonté, alors il est probable que depuis cette expérience que j'ai de "moi", je ne puisse le concevoir - "je" ne peut savoir _directement_ de quoi "je" est fait. Autrement dit, on peut concevoir que depuis P1, je sois effectivement libre (cela pourrait se soutenir) : il faudrait sortir de P1 et passer en P3 : faire de "moi" non plus celui qui perçoit mais ce qui est perçu, pour que l'on puisse rendre compte d'une détermination de la volonté. C'est une thèse que je ne soutiens pas de bout en bout, mais elle a de bons arguments en sa faveur.
Pas si vite !! Bien sûr que l'on lie choix et volonté, mais est-ce si simple ? Je n'y avais pas pensé mais ça mériterait un petit détour, non ? Parce que si je définis la liberté par "ce qui n'est pas contraint" c'est un mot rattaché au champ sémantique de la volonté aussi, il me semble ?
Je ne comprends pas bien le rapport de ton interjection par rapport à ce que je racontais au-dessus en fait.J'ai m'impression que tu cites trop large et que le point qui te retiens est "nos choix pourraient être le fait de notre seule volonté", la suite (passablement complexe, je le reconnais) passant à la trappe. Tu confirmes ?

Je ne comprends pas non plus très bien ce que tu veux dire. Doit-on ou non lier volonté, choix et liberté ? J'ai l'impression que se cache derrière tout cela des questions de définition de la liberté, mais je ne parviens pas à 'm'e faire une image claire de ce que tu dis. Que signifie "est-ce si simple", par exemple ? On dirait que tu veux mettre en doute le rapport choix - volonté. Puis tu sembles en fait remettre en cause la définition de "liberté" comme "non contrainte" (ce qui est en effet un autre axe) pour le rattacher alors à la "volonté, comme si en fait "liberté"/choix" - "volonté" étaient bien liés. Je n'arrive pas à trouver mon chemin dans tes circuits courts :) est-ce que tu peux préciser ?
madeleine a écrit :Ca me va "une ouverture non contrainte des possibles" !
Oki :)
madeleine a écrit :Pour moi, ce que tu appelles CL est une rupture dans la chaîne causale sur un mode que je ne sais comment qualifier : subliminal ? parce qu'il intervient au seuil de la conscience ? Et que souvent elle n'y prête pas attention.
Mais il me semble qu'on en fait tous l'expérience, par exemple dans une hésitation. On trébuche sur CL en quelque sorte, on se dit "ah mais en fait c'est pas si simple ...", il y a une subtile déviation des contraintes. Mais on peut accentuer cela.
J'ai un big problem avec ce que tu dis ici :P

La rupture de la chaine causale que j'évoquais est une rupture dans l'ordre des choses - on dit "ontologique" quand on veut faire savant : qui concerne l'ordre des êtres.

Mais tu la reprends en la projetant dans l'ordre de ce dont on a conscience - on dit "épistémique", quand on veut se la pêter : qui concerne l'ordre de ce qu'on connaît.

Autrement dit, tu fais passer sans le dire le mode P3 (ontologique) où je situais la question de causalité, au mode P1 (épistémique en première personne). Du moins il me semble.

En fait, j'ai la nette impression à te lire que ce que tu appelle la liberté dans la délibération ne relève pas d'une intervention supplémentaire dans la chaîne des causes (P3), mais d'une ouverture de la conscience à plus de possibles qu'elle n'en avait imaginé auparavant (P1). Autrement dit, et tu me détromperas s'il le faut, ce serait ce moment où, devant l'imprévu d'un "c'est pas si simple", la conscience se trouve sans réponse, peut-être même sous le coup d'une intuition qui lui laisse entrevoir un espace non contraint de possible.

J'ai beaucoup de mal, si je ne me trompe pas dans ma restitution, à parler ici de "liberté". C'est plus un espace de silence soudain devant la sensation d'un panorama bien plus vaste que ce qu'on pensait. Je te laisse bien sûr compléter : je pense qu'il serait intéressant de préciser plus finement ce qui se passe en toi/nous quand ça arrive.
madeleine a écrit :
Kliban a écrit :Ni dans le bouddhisme (à ma connaissance), ni dans la théorie de la décohérence on ne trouve d'instant de choix absolu.
"choix absolu " ??? D'où ça sort ??
:D De ma première interprétation de l'expérience que tu nous proposais - un point de CL s'exprimant pas une perception de l'infini des divers, entraînant un choix qui retombe dans CD. Je pense qu'au vu de ce que tu as ajouté depuis, on ne peux pas parler de "choix absolu", mais j'aurai besoin que tu développes pour qu'on puisse s'en assurer.

Je préfère passer bouddhisme et décohérence en tab et spoil : ce sont des off-topic, qui pourraient bien nous entrainer loin, et je ne suis pas certain qu'on en ait réellement besoin pour le propos.
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