J'aime la nature, j'aime être dehors, fabriquer des trucs avec ce qu'elle offre, profiter de sa beauté.
Le matin, loin des hommes et de leurs constructions, c'est magique pour moi, quelle que soit la saison. Il y a une luminosité, une odeur, un silence que je ne sais pas bien expliquer avec des mots mais qui ont à voir avec l'élan vital, la naissance.
Depuis quelques semaines, je rode autour d'un lieu insolite près de chez moi (cinq minutes en bagnole, dix minutes en vélo, vingt à pieds) et j'avais très envie d'y dormir, seule, dehors.
C'est pas la pampa puisque c'est en ville. C'est quand même une friche de six hectares où poussent des arbres, où il y a des ronces, pas d'eau courante, pas de lumière artificielle.
J'ai échangé avec des "habitants" du lieu (en fait, quelques personnes vivent là-bas en autonomie depuis un peu plus d'un an), avec ceux qui y viennent pour jardiner aussi ... et mon idée ne leur a pas semblé saugrenue (pour mes amis et connaissances par contre ... je suis définitivement barjot

).
Donc mercredi, je me suis installée là-bas dans un coin reculé de la friche qui a servi ponctuellement de camping sauvage. J'ai monté en vingt minutes (pfff) la tente deux secondes quatre places prêtée par des copines, j'ai ramassé du bois, préparé le terrain pour le feu (on vire les feuilles, les branches, quelques pierres pour sécuriser). J'ai allumé le feu avec le cousin de l'allume-feu de Melle Rose (Mr Solapin) et du petit bois, puis du plus gros et j'ai pu faire chauffer de l'eau pour le café puis pour le petit repas lyophilisé du soir. Vers 21H00 je me suis installée dans la tente avec l'idée de bouquiner et m*** la lampe que j'avais prévue (un truc qui se charge avec une batterie et qui a pas mal d'autonomie) ... ben j'avais oublié de la charger.
Du coup dodo avec les poules, sans souci et réveil au petit matin. Un café sur le réchaud fabriqué maison (une boîte de conserve bricolée grâce aux sites de survie, merci à eux) parce que quand même faire un feu pour une tasse je trouvais ça con.
Et le plaisir intense de boire ce truc chaud là, dans le silence humain, avec juste le chant des oiseaux, le craquement des feuilles, la brume et une lumière étrange puis le soleil qui passe à travers les pruniers ( y en a plein là-bas) et qui devient de plus en plus présent. C'est le passage de la nuit au jour, un moment unique. Certains disent que le soleil est le plus beau lorsqu'il se couche, je partageais cet avis avant de l'avoir découvert à son lever. Ça n'a rien à voir, c'est incroyable de mystère, de silence, de changement d'atmosphère. Et l'odeur de la terre mouillée mélangée à celle de mon café ... bref c'tait chouette.
Puis ce fut journée de jardinage ...

Une partie du jardin.
... et ensuite la préparation d'un repas pour des potes de passage avec les légumes et les aromates du jardin à la braise. Quelques heures de discute, de miam, de boisson et de "fais gaffe quand même" plus tard, je retourne dans la tente. Et là, peur, puis panique, j'ai même pas enlevé mes lunettes en me couchant ce qui ne m'arrive jamais ! Les maraîchers qui vivent là dorment à 200 mètres au moins dans leur camion et je suis trop fière pour aller les voir et puis pour leur dire quoi ? "
y fait nuit et j'ai les ch'tons".
Cette peur-là est totale, je grelotte et je certifie que je ne suis pas frileuse, que j'étais bien couverte et que de toute façon, météo clémente oblige, il ne faisait pas froid. C'est une peur en forme de type chelous avec des armes terribles, un truc archaïque. Aucune pensée rassurante ou de bon sens ne la fait diminuer. Tout bruit à l'extérieur la nourrit et bien évidemment qu'il y en a dans un sous-bois. Je me dis que putain si j'étais un mec, si je savais me défendre ... j'aurais pas les ch'tons, bref je gamberge. Il est deux heures du mat et mon taux d'adrénaline est dans des zones rarement atteintes.
Je décide que mes limites sont dépassées, je prends mon sac et rejoins ma voiture à dix minutes de là sous la lumière de la pleine lune. Bizarrement, en marchant, je n'ai pas peur.
Le chemin de jour.
La leçon que je me suis prise, c'est que la fierté est un truc qui peut te pousser à aller voir tes limites et que c'est donc une énergie positive, mais qu'elle n'est pas bonne conseillère en cas de danger (réel ou présumé).
N’empêche j'ai à mort envie d'essayer encore parce que je pense que cette peur-là est surmontable, que ça vaut le coup de tenter à nouveau ce défi. Par contre plus de tente, entendre des trucs sans pouvoir visualiser un minimum je trouve que ça alimente la trouille. Je vais réfléchir à comment dormir autrement.