/!\ alerte, pavé en approche /!\
o Le bazar linguistique, ou comment ne parler aucune langue.
Le Liban fait partie de l'Empire ottoman de 1516 à 1918. Les Ottomans imposent leur langue, ce n'est que quelques années après la mise en place du protectorat français (1926) que l'arabe est reconnu comme langue officielle (avec le français).
La langue française était déjà au Liban au XIXe, via les institutions chrétiennes qui implantent des écoles.
Aujourd'hui, le français est parlé dans les zones les plus aisées, surtout autour de Beyrouth. Mais la langue n'est pas maîtrisée et finalement, c'en est presque une à part entière.
Dans la région où j'ai fait ma scolarité, c'était : les parents parlent en français approximatif aux enfants, la plupart des cours est dispensée en français ou anglais au choix, peut-être un peu moins approximatif que celui des parents, les élèves parlent le libanais mais ont du mal avec l'arabe littéraire.
L'habitant du Liban moyen parle donc deux langues approximativement. Bon, c'est moins grave que dans beaucoup de pays d'Afrique !
o Le bruit.
Le klaxon est la cinquième roue de la voiture ; il est très dangereux de conduire sans. Il y a souvent des feux d'artifice, même en plein jour. Comme dans beaucoup de pays méditerranéens, on y fait véritablement une culture du bruit. Même partir en silence ne se fait pas, pendant les enterrements on jette des pétards, qui font un bruit sourd que tout le monde reconnaît.
Les restaurants, les plages ne sont pas considérés comme « accueillants » s'il n'y a pas de musique à fond... Je ne connais pas bien la France mais dans ma famille en Normandie, nos grands-parents sont irrités parce que mon frère et moi nous parlons trop fort.
D'ailleurs, les hommes avec l'accent français sont dits d'homosexuels, ici (je suis certaine que vous êtes ravis de l'apprendre), tout comme les libanais le sont pour les marocains. Parce que le ton est beaucoup moins dur.
o L’éducation.
En rapport direct avec le bruit ; les enfants peuvent crier comme ils veulent, on ne les regarde pas avec de gros yeux dans la rue ! (par contre attention, un père qui crie sur son enfant, ça ne va pas)
Franchement, je dirais que la seule chose qui peut faire la différence entre l’éducation libanaise et la française, c'est l'amour et la tolérance des enfants. C'est la seule chose que je vois. Les femmes aiment leurs enfants, et ceux des autres. Ce sont surtout les garçons qui sont bichonnés, les restes et peut-être la peur de la guerre aussi.
Mais les enfants ne font pas n'importe quoi, ni les adolescents d'ailleurs. La première fois que j'ai vu des adolescents fumer en cachette devant un lycée, le lycée en question était un lycée franco-libanais. La drogue aussi, ce n'est pas vraiment consommé par les jeunes, sauf peut-être les « riches ».
L’école et les études sont très, très importantes pour les enfants, question d'image. Le programme n'a pas encore été revisité pour être accessible à tout le monde ; le taux de réussite au bac ne doit pas être bien élevé (je ne saurais vous faire d'estimation, le dernier recensement de la population ayant été fait par les français il y a un peu longtemps).
Il faut beaucoup étudier dans le programme libanais, trois langues dès le début de la scolarité, l'histoire du pays est assez complexe, l'éducation civique est un vrai casse-tête, le niveau en sciences relativement élevé (disons qu'avec les connaissances pour le brevet libanais en physique-chimie, j'ai déjà les trois-quarts du programme français de seconde, la moitié de la première et un bout pour la terminale S).
La manière de gérer les élèves est également très différente. Mon frère (donc TDA(gité) et dispraxique)(celui qui fait des batailles de stylos avec bruitages et qui tourne le dos au tableau en classe) a eu quelques avertissements, sans plus, là où dans la plupart des écoles françaises il se serait tout simplement fait virer. La première et seule personne qui a voulu qu'on le mette sous Ritaline était canadienne.
Quand il y a une dispute entre élèves, il y a juste le CPE qui vient, calmement, qui demande à chacun de s'expliquer, le souci est réglé en deux minutes sans la moindre punition. Une punition ne tombe que quand un acte le mérite, ou en classe pour les manques d'assiduité.
o Le racisme
L'individu n'existe pas (encore ?) au Liban. Une personne va vous demander votre nom juste pour savoir de quelle religion vous êtes. Si ça ne marche pas et que vos noms n'indiquent pas de religion, l'air de rien, elle vous demande votre village d'origine ! Ou le prénom des parents.
Tout est dans les étiquettes.
Les noirs, les beiges et les marrons qui n'ont pas l'air arabe ne sont pas humains. Vraiment. Il y a des agences qui font venir (principalement des Philippines, du Bangladesh et du Sri Lanka) des filles ou femmes (certaines mentent sur leur âge) venant travailler dans les ménages, pour plusieurs clients ou plus fréquemment 24h/24 dans une famille.
Ce qu'elles vivent est la plupart du temps de l'esclavage. Les « propriétaires » leur prennent leur passeport, ne leur donnent que rarement des vacances (peu de gens leur laissent leur dimanche), les empêchent de sortir, les frappent, etc. Dans la rue elles sont souvent en uniformes et portent toutes les affaires derrière la famille.
Plusieurs se suicident chaque mois...
o Le rapport à la faiblesse, aux animaux.
Avec ma mère nous nous demandons souvent comment il est possible que la population libanaise soit si hostile envers les animaux. Notre voisin a déjà frappé notre chat (avec un bâton !) qui était passé devant sa porte. Nous connaissons un dresseur de chiens qui s'était installé en montagne avec quatre-vingt chiens (de race) pour son élevage. Ça faisait plusieurs années qu'il était là, seul. Puis des villas se sont construites à quelques centaines de mètres de son terrain. Les locataires ne sont bien évidemment pas contents...
Le mois dernier nous avons appris qu'il avait retrouvé tous ses chiens morts empoisonnés. Seuls restaient neuf chiots...
Les animaleries sont pour certaines assez impressionnantes. On peut voir en pleine ville dans une boutique : des poules, des cailles, des renards, des gibbons, des perroquets, des chats dans une cage pour oiseaux, des oiseaux dans une cage pour chats, des moineaux, des tortues, des lapins... Enfin, c'est vraiment « je suis sorti de ma maison et j'ai pris le premier animal qui passait ».
Les gens semblent avoir un véritable mépris pour la faiblesse, et beaucoup d'attirance pour ce qui est fort. Je ne sais pas trop comment interpréter ça. C'est peut-être simplement pour se protéger.
o L'Etat (le quoi ?

Euh, l’état... c'est simple, il n'y en a pas. Et tous ceux qui ont tenté d'installer une dictature ici s'y sont un peu cassé les dents. Même les Syriens, la terreur était présente, bien là... mais la vie continuait et finalement rien n'était vraiment contrôlé.
C'est le bazar permanent, partout. Ou l'art de la procrastination (les vendredis sont très, très chargés !) à grande échelle... La crise de 2008 ? Bah, c'était pas déjà la crise, là ?
Dans certaines régions de Beyrouth, seules deux heures d'électricité journalières sont fournies par l'état. Dans chaque quartier un générateur (appartenant souvent à un particulier ou à une entreprise privée) supplémentaire est nécessaire. L'eau potable, c'est juste en bouteilles.
Tous les partis politiques sont religieux. La seule institution qui tient à peu près la route, c'est l'armée ; le peuple la vénère , l'admire. Mais sans ordres au-dessus, ce n'est pas solide. Il y a de la corruption partout, pendant les élections les hommes politiques distribuent des plaques d'immatriculation (ici on peut acheter des plaques d'immatriculation plus chères, possédant moins de chiffres que les autres souvent, ou des jolies suites), des appartements, de l'argent pour qu'on vote pour eux, souvent plusieurs membres d'une famille se retrouvent bizarrement dans la même institution...
Le pire c'est que la révolution, ça ne risque pas d'arriver. C'est pas « Eh, pourquoi toi t'aurais plus de droits que moi ? », c'est « Dis, tu me prêterais pas un peu d'argent ? »

Les budgets de l'état n'ont pas été changés depuis plus de cinq ans...
Bref, on ne sait pas trop comment ça tient, tout ça, mais ça tient ! Avec peut-être quelques petites avancées...
Pour résumer : avec quatre ou cinq radars dans tout le Liban (et depuis un ou deux ans, des feux rouges !! sacrebleu), il n'y a jamais vraiment eu plus d'accidents mortels (par rapport à la population) qu'en France. Oui oui, ça résume, je trouve.
____
Valà, un joli pavé (mais j'avais prévenu) (en plus on dirait presque que c'est construit, alors einh). Il y a encore des choses à dire, évidemment... Si vous avez des questions ou que j'ai dit un truc incompréhensible (ou méchant, ou raccourci, ou,...) n'hésitez pas !
deux jours que j'essaye d'envoyer, ça suffit !!