Ici, certains membres ont abordé le sujet en ces termes
W a écrit :Est-ce que le surdoué a nécessairement une pensée "arborescente" ? Est-il "neurodroitier" (je n'accorde pas trop de crédit à cette théorie mais c'est une manière de dire "vision grand angle") ?
Ces questionnements sont évocateurs de la désinformation qui circule sur le net et des dangers qui y fourmillent pour toutes les personnes en quête d'elles-mêmes et/ou en souffrance.X a écrit :Au cours de mes nombreuses pérégrinations sur les surdoués, j'ai trouvé le terme de neuro droitier qui regroupe les caractéristiques des surdoués sans faire référence au QI. Peut être est-ce une voie pour les personnes qui n'auraient pas réussi leur test de QI ou ceux qui ont peur de le tenter ?
C'est aussi bon pour moi qui vient de recevoir mes résultats de Mensa : négatif -> 4% au lieu de 2% à un des tests et 14% au lieu des 10 % requis à un autre test. Je peux ainsi caresser l'illusion de trouver des points communs avec d'autres, vous les surdoués sans se sentir un Robinson au milieu de la foule.
Ce qui m'interpelle le plus c'est le pourcentage estimé dans la population : 30 % voire peut être 15% mais qui reste éminemment plus important que les 2% de QI > 135. Il me semblerait immoral de laisser toutes ces personnes sans qualificatif autre que "gens bizarres".
Ces derniers temps, les termes "neuro-droitier" et "neuro-gaucher" sont devenus très en vogue et petit à petit l'idée farfelue selon laquelle "surdoué" = "neuro-droitier" (ou à peu près) commence à émerger sur les fora traitant de la douance, via des liens de développement personnel ou de coatching exploitant le filon (et ayant trouvé de quoi le raccrocher, puisque c'est aussi "à la mode", au vécu des personnes surdouées). Il y aurait ainsi toute une catégorie de la population qui fonctionnerait avec son "cerveau droit" et l'autre avec son "cerveau gauche". Bien évidemment cette première catégorie est toujours décrite en des termes valorisants, car c'est avant tout à des personnes se reconnaissant dans sa description que les "vendeurs de bonheur en 5 leçons" s'adressent.
Voici pour commencer un extrait de Cerveau, sexe et pouvoir. de Vidal et Benoit-Browaeys (très bon bouquin pour ceux que cela intéresse), qui détaille l'origine de cette curieuse vision simplifiée et bipolaire du fonctionnement cérébral.
L'idée que les hémisphères ne sont pas équivalents et que chacun a sa spécialisation est ancienne, mais la "théorie des deux cerveaux" lancée dans les années 70 par trois neurologues de l'Université Harvard, Geschwind, Levitsky et Galaburda, l'a largement popularisée. Selon cette approche, chaque hémisphère cérébral joue un rôle particulier : on parle de "latéralisation" du cerveau. L'hémisphère gauche est considéré comme le spécialiste du langage et de la pensée rationnelle. De son côté, l'hémisphère droit est vu comme le siège de la représentation de l'espace et des émotions. Cette conception s'est d'abord fondée sur des observations anciennes réalisées chez des patients porteurs de lésions cérébrales. Paul Broca, notamment, en 1861, avait repéré dans l'hémisphère gauche une zone systématiquement endommagée chez des sujets ayant perdu la capacité de parler (aphasie). (Cette zone importante pour le langage fut d'ailleurs nommée "aire de Broca"). D'autres corrélations ont suivi, permettant de relier région lésée et perte de fonction. Une lésion survenant dans l'hémisphère droit induit généralement une altération des capacités à percevoir les formes et à s'orienter. De proche en proche, une cartographie du cerveau a pu être établie, avec des aires nécessaires à la vision, l'audition, la motricité, le langage, etc.
Ces observations ont été très importantes à l'époque pour la compréhension du fonctionnement du cerveau, dont l'étude commençait à peine. Cependant, il faut garder à l'esprit que les effets de lésions cérébrales doivent être interprétées avec prudence. Car le fait d'observer un trouble fonctionnel, suite à la lésion d'une région, n'implique pas obligatoirement que cette région soit le siège de la fonction. Par exemple si la parole disparaît, cela signifie que la zone touchée est nécessaire à l'expression verbale, mais elle n'est pas forcément suffisante. Le déficit induit par une lésion ne dit pas tout d'une fonction.
Malgré des bases expérimentales manifestement peu étayées, la théorie des deux cerveaux a séduit beaucoup de monde car elle est simple et cristallise une représentation bipolaire du monde. On ne s'étonnera pas que cette théorie soit devenue le creuset de toutes sortes de spéculations plus ou moins mystiques. Dans les années 70, à l'heure où le mouvement hippies recherchait des méthodes d'épanouissement, de nouveaux gourous ont exploité le filon symbolique des deux cerveaux, présentés comme le yin et le yang. A gauche le langage, la raison, l'esprit d'entreprise et tout ce qui représente les valeurs de l'Occident. A droite, la perception de l'espace, l'affectivité, la contemplation et les valeurs de l'Orient et de l'Asie. Nombres d'ouvrages et de stage "d'initiation" proposaient des méthodes pour "penser équilibré". Et le filon n'est toujours pas épuisé ! Ces arguments sont toujours utilisés dans une certaine presse grand public.
Cet extrait est issu du travail réalisé sur http://www.charlatans.info. Une synthèse très documentée y a été faite ICI et Là, et bien mieux que je ne pourrais moi-même la faire ce soir, je vous conseille donc d'aller y jeter un oeil.
La PNL, notamment, a repris toute une partie de cette théorie pour en faire son fond de commerce. Je rappellerai que la PNL ne peut en aucun cas être considérée comme une science, elle a d'ailleurs été officiellement épinglée dans un rapport contre les sectes. Voici une citation qui pourra, je l'espère, alimenter une réflexion sur le sujet. Elle est issue du site http://www.prevensectes.com/pnl1.htm. Il n'est pas le seul à pointer la PNL et les concepts dérivés du doigt, mais il résume assez bien tout ce que j'ai pu lire par ailleurs. Vous pouvez aussi aller voir sur Wikipedia.
L'absence de preuves est un fait. Beaucoup de postulats sont présentés comme des faits reconnus par la communauté scientifique, ce qui est loin d'être le cas. Il n'y a qu'à choisir, à titre d'exemple, "la théorie des deux cerveaux". Ce paradigme a séduit depuis très longtemps l'entreprise et, en particulier, le management (La simplicité attire, la complexité fait fuir ! !). Or comme l'ont démontré certains chercheurs, cette hypothèse n'a jamais été validée et comme le soulignait d'ailleurs le neurologue H. Heacan la systématisation de cette théorie reste spéculative (in La recherche en neurobiologie, 1988, J.M Abgrall, "les charlatans de la santé", 1998, etc.). L'affirmation péremptoire et la répétition de ce type de message constituent des stratégies destinées à convaincre ses interlocuteurs et à faire oublier l'absence de fondements scientifiques.
(je crois l'avoir déjà mise ailleurs mais deux avertissements valent mieux qu'un lorsqu'il s'agit de dérives sectaires et de désinformation).
Au cours de ma pratique, j'ai pu observer en de nombreuses occasions combien le cerveau est bien plus complexe que ce l'on est capables d'appréhender. Il échappe à tout schéma. Jamais encore je n'ai pu observer de visu un de ces cas d'école qui entre dans toutes les cases. Il y a peu, je me suis rendue aux Journées de Neurologie de la Langue Française pour réactualiser mes connaissances dans le cadre de mon métier. La spécialisation des hémisphères y a été clairement remise en cause, notamment concernant le langage.
D'une manière générale je voudrais donc vous rappeler à tous que :
- toute théorie sur le cerveau qui paraît si simple que le premier crétin venu est capable de la comprendre et de la maîtriser est probablement une théorie erronée, sans quoi l'affaire serait "pliée" et d'éminents chercheurs ne se casseraient pas les bonbons à tenter de comprendre ce qui échappe encore à toute la communauté scientifique.
- il paraît important, en toute occasion, et surtout dans le domaine de la médecine ou de la psychologie (globalement de tout ce qui touche au soin) de vérifier les références des personnes derrière les théories, surtout si elles sont séduisantes : vérifier notamment leur formation, et leur renommée auprès de leurs pairs permet déjà de faire un tri non négligeable.
- il paraît important de laisser la médecine aux médecins, la psychologie aux psychologues et la plomberie aux plombiers, le mélange des genres, généralement ne fait pas bon ménage. Vous en connaissez vous des "spécialistes en tout" qui maîtrisent réellement leurs sujets ?