Kokopelli est peut-être le plus ancien des Kachinas. On le trouve représenté sur des pétroglyphes vieux de trois mille ans, avec, déjà, sa flûte et sa bosse. Il semble même qu'on le connaisse, sous des noms divers, du Pérou au Canada ; ce qui est en tout cas certain, c'est que toutes les tribus du sud-ouest des États-Unis se le sont approprié : les Pueblos (Hopi, Zuni), par leurs ancêtres communs, les Hisatsinom, "les Anciens" ; les Navajos, arrivés plus tard, qui ont adopté le petit flûtiste de ceux qu'ils appellent les "Anasazis", les "anciens ennemis".
Son origine est évidemment inconnue : on en fait tantôt un marchand ambulant, qui colportait des biens et des nouvelles des régions lointaines, assurant ainsi le lien entre les communautés ; tantôt un séducteur impénitent qui aurait mis dans son lit la plus jolie fille de son village en dépit de son dos voûté ; tantôt l'avatar anthropomorphe d'une espèce de taon du désert à la sexualité frénétique. De sorte qu'il est probablement tout cela à la fois.
Kokopelli marche sans cesse : en chemin, il distribue les trésors que cache sa bosse - du grain, des enfants à naître, des instruments de musique, des mocassins neufs, encore d'autres choses. Et tandis qu'il donne ainsi sans compter, il ne cesse de jouer de sa flûte, répandant autour de lui la joie et le souffle de vie.
Il laisse dans son sillage des champs ensemencés et une tripotée d'enfants.