dans ce topic, j'aimerais vous proposer que nous amenions ensemble, de façon décalée, des analyses rigolotes et approfondies des grands vilains de fiction.
Je n'enfonce pas les portes ouvertes, sur le lien entre grand vilain et grand héros, la catharsis chez le vilain, le vilain en tant que challenge, etc.
Plusieurs éclairages peuvent être apportés sur le même vilain, ce qui nous permettrait tous de mieux les appréhender et comprendre leur intérêts philosophiques et scénaristiques.
Et j'ouvre le bal
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Vous l'avez peut être déjà croisé dans les films Marvel, Thanos est un grand méchant ouh qu'il est méchant de leur multivers. En particulier, c'est le méchant qui a la facheuse tendance de temps en temps à obtenir l'omnipotence pour mettre fin à l'univers, alors vous comprenez...Thanos
Noms : Thanos
Contexte : Univers Marvel
Nature : Titan eternel
Fonction : Serviteur de la mort, Président du fan club de Nietzsche
Mec plutôt sympa et brillant, père de famille, il a tout sacrifié à son amour pour la mort.
Mais ainsi que je vais le dérouler, c'est sa recherche personnelle dans une pure application du nihilisme dont seul en essence il serait capable qui motive beaucoup de ses actes.
Car oui, c'est un fait admis, Thanos est fan de Nietzsche (au point qu'un "Stade Nietzsche" pour les grands oratoires philosophiques lui est attribué dans le multivers)
Le gantelet de l'infini et l'ordre naturel
Nietzsche dans son oeuvre s'est attaché à la déconstruction de toute les valeurs en les opposant à un naturalisme aussi austère que celui de Zola et un doute aussi Cartésien que pas celui de Descartes qui réintroduit Dieu vite fait dans ses raisonnements.
Pour Nietzsche, l'humain n'est rien de plus que la somme de sa psyché dans le sac de viande (en résumant), et il n'y a pas de concept d'ame, ou de "chose supérieure" à laquelle il y ait matière à se raccrocher, et de fait l'argument de vente de la chrétienté qui cimente le socle social occidental d'un paradis ultérieur une illusion dangereuse.
Le gantelet de l'infini est un artefact essentiellement associé à Thanos.
Il s'agit d'un simple gant sur lequel sont enchassées 6 "valeurs fondamentales" qui sous tendent toute l'existence, appelées "Gemmes de l'infini".
Dans les films récents, plusieurs ont été mises à jour : l'ether, le tesseract, et dans mes souvenir une dans les Gardiens de la Galaxie et une autre dans Avengers 2.
La possession du dit gantelet offre le pouvoir absolu sur la nature, celui qui le porte l'incarnation d'un ordre naturel auquel il n'existe aucune échapatoire. L'artefact pose un cadre à la réflexion autour du rôle du héros et de l'anti héros face à cet obstacle ultime qu'est le caractère impitoyable de la nature.
Volonté vers la puissance
Nietzsche défend que chaque homme est animé par une tension interne à vouloir "devenir plus", qu'il qualifie de "volonté vers la puissance".
L'important dans l'histoire de Thanos, c'est son acquisition du pouvoir. A ce titre, l'univers cinématographique reprend une narration en fil rouge de ce phénomène, dans ses interventions de plus en plus invasives à l'écran dès qu'une gemme est en jeu.
C'est une ascension amorale, violente, emplie de traitrise, ce qu'il admettra lui même.
Ces valeurs qu'il baffoue n'ont pas de sens pour un penseur nihiliste qui ne se soucie que de la vérité "généalogique" à l'origine de l'ordre naturel.
Mais plus encore, "l'essence" de Thanos, c'est une essence éternelle titanesque et nommée d'après la mort (contrairement à d'autre personnages, il ne s'appelle pas Jean-Simon Plimpot dans son anonymat). Il est essentiellement le serviteur de la mort.
Et la mort, élément de l'ordre naturel auquel il est pleinement dévoué dans une ferveur quasi religieuse lui pose de façon axiomatique le caractère problématique du fait qu'il y ait plus de vie à l'instant 0 qu'il n'y a jamais eu de morts. Et de lui dire de régler ça.
C'est la "Volonté vers la puissance" qui va animer Thanos à justifier qu'il a besoin des gemmes pour cette mission, une sorte de tension interne irrésistible vers la réalisation de sa nature.
Au delà donc, des codes moraux, des valeurs relatives, des constructions sociales...
Ainsi, il accomplit sa mission sans passion, en claquant des doigts pour supprimer arbitrairement une vie sur deux dans l'univers. Et de demander à la mort si elle est satisfaite.
Réalisation du surhomme
Et la mort n'est pas satisfaite. Certes, la mission a été remplie, mais pas par le "pouvoir en propre" de Thanos, et l'ordre naturel est changé.
Thanos, qui de fait, a gagné, point final, va écouter alors le conseil du diable (l'adversaire, l'épreuve ultime de l'âme), et lancer un défi : il renoncera à son trône à la moindre défaite. Té, il va même le faire une main dans le dos si nécessaire.
"Le défi de Thanos" peut s'interpréter de la façon suivante : "je ne crois pas que l'on puisse arriver à la puissance pour réaliser une essence supérieure sans aide extérieure, prouvez moi le contraire".
Bon, en pratique il rouste tout le monde, y compris la personnification de l'univers.
Bref, grosso modo, il gagne.
Mais pas sans peine, pas sans dialectique, pas sans échange sur des valeurs fondamentales avec toutes ces forces, humaines et supérieures, qu'il affronte.
Absolument pas sans souffrance.
Cette souffrance ne devrait pas exister pour l'existence supérieure en accord avec l'ordre de la nature.
Mais si on veut aller plus loin...
L'omniscience, expérience pratique de l'éternel retour
Afin de réduire à néant toute la création, Thanos fait appel à l'intégralité du pouvoir du gantelet de l'infini.
A cet instant, on peut supposer qu'il a conscience de toutes les lignes temporelles et univers parallèles flous du multivers dans lequel il est inscrit (sans briser le quatrième mur), et peut observer son existence en boucle.
Un "feedback universel", ou, comme dit Nietszche, un "Eternel Retour".
En dehors de tout concept de résurection, Nietzsche pose un pari : quel choix ferais-je si, mourrant maintenant, je devais opter entre revivre cette vie à l'identique, ou devenir néant ? Et de dire que le choix le plus difficile des deux est le premier, et que ce choix qualifie le surhomme.
Contraposée, il faut donc vivre sa vie de sorte à ce qu'on puisse souhaiter qu'elle se répète.
Pour l'imagerie, les supplices du tartare dans la mythologie grecque incluent des exemples célèbre de boucles éternelles de souffrance (Sysiphe, Tantale, les Danaïdes)
Ainsi, je propose que la seule façon pour que l'histoire reprenne un sens ex-nihilo avec un temps qui s'écoule à nouveau, c'est que Thanos soit, comme il le devient, artisan de la destruction de la boucle qu'il a lui même créée en parvenant à une "boucle qui qualifie le surhomme".
Et donc il se sabote, perd le gant, fin de l'histoire, petits oiseaux.
Le soucis d'une telle projection de ma part est son esthétique, car cela signifierait que la réalisation du status d'Übermensch de Thanos ne pourrait se faire que sur l'intégralité de sa vie, analyse qui doit être faisable d'ailleurs, je crois qu'il est mort en ce moment (et je n'ai le temps de lire tous les comics, j'ai aussi des sujets sérieux à traiter )
Bref, pas démontré, potentiellement non démontrable. Mais c'est joli et ça lie bien le tout.
Et après ?
Après je n'ai pas tout lu, en particulier pas les derniers Infinity qui doivent être plus frais donc plus canons, mais il y a quelques trucs marrants par la suite.
Notamment, après sa confrontation à de nombreux "surhommes", Thanos expérimente un clonage de lui même en différents exemplaires melant ses valeurs (psyché) et la nature de base des dits surhommes (leur corps et leurs pouvoir en somme).
C'est une histoire aussi étrange qu'amusante.
Mais peut être constaterez vous par vous même tout cela bientôt, car le gros bonhomme (qui à l'origine était un gringalet dans sa conception) va prendre de plus en plus de place à l'écran.
Hors-sujet
Voilà, si ça vous a plu, la prochaine fois je fais "Le Joker, l'hyper-lucidité, et la personnalité ENTP"