Il existe sur ce forum, dans ce salon, un sujet un peu similaire Le diagnostique...et après ? Mais après lecture, il m'apparait que ces deux sujets sont dissemblables. Je ne suis pas spécifiquement intéressé ici, comme c'est le sujet du topic cité, par les thérapies mises en oeuvre post-test, si ce n'est de façon incidente, si elles font partie d'une réponse choisie par les individus à haut quotient intellectuel aux questionnements ou souffrances encore présentes ou nées après le test. Ici, ce sont le vécu et son ressenti qui nous intéresseront.
La question que je reprendrais du titre de ce topic est donc la suivante : vous qui avez passé un Wisc ou un Wais depuis quelques mois, quelques années voir d'avantage ; qui vous savez surdoués parce que vous avez obtenu un score supérieur ou égal à 130 et qui théoriquement ne devriez plus vous interroger sur le bien fondé de la reconnaissance de votre douance ; qui avez un certain recul sur cet événement majeur à même d'expliquer tant d'inconnus de votre passé et à vous contraindre à redéfinir votre perception de vous même et de votre identité, quelles ont été les étapes de votre évolution jusqu'à ce point ?
Que votre évolution ait été simple et naturelle ou qu'elle soit douloureuse et compliquée à retracer, que vous en ayez une vision claire ou embrouillée, que vous puissiez en faire un récit linéaire ou segmentée, quoiqu'il en soit, si vous voulez bien en faire part ici, sachez que je vous en serais gré.
Avant de passer le WAIS, j'entendais des voix me dire que toutes les peurs et les angoisses présentent avant le test disparaissaient rapidement une fois obtenu un résultat >130 au Wais. J'ai aussi entendu que le chiffre même perdait toute importance une fois que l'on pouvait se considérer à proprement parler surdoué, parce que détecté sans équivoque. Et que tout ce qui mobilisait l'esprit ensuite c'était de vivre, en fonction de ces nouvelles caractéristiques, qui auraient toujours été là, mais en vertu desquelles nous n'aurions pas réussi à vivre, faute d'en avoir conscience, faute de reconnaissance de leur existence.
En ce qui me concerne, force est de constater, un an après avoir reçu mes résultats, que cela n'a pas été vrai pour moi.
Il a y bien sur un avant et un après, mais avec le recul, je me rend compte que je doute encore. Ou du moins que tout en acceptant ma douance, je cherche encore des confirmations dans des caractéristiques autre que le chiffre du Wais, dans des changements quotidien que j'espère voir advenir et qui témoigneraient de la présence d'une intelligence "différente".
Pour autant, je n'aspire pas à me reconnaître à tout prix quitte à forcer les ressemblance et pouvoir ainsi placidement bêler avec le troupeau. J'ai plutôt une tendance naturelle à remarquer mes différences justement et à m'en servir contre moi, pour alimenter mes doutes. Surdoué certes, mais limité, une sorte de sous-sur-doué.
Car d'une certaine manière, il me semble que j'aspirais à la fois à être reconnu surdoué sans équivoque, mais en même temps, à ce que l'on détecte un blocage, une entrave qui expliquerait mes limites et mes incapacités. Le complexe de l'albatros, ou "anorexie intellectuelle", était à mes yeux l'explication la plus naturelle et je pensais que l'on allait m'en faire cadeau.
J'ai eu droit à un autre type de présent : un Qi élevé et homogène. Pas d'anorexie, "tout va bien" m'a-t-on dit, "vous pouvez faire tout ce que vous voulez désormais" m'a t-on précisé. Il n'y aurait pas de "déclic" salvateur, j'étais déjà en pleine possession de mes moyens sans le savoir. Pas de quoi se plaindre au surplus d'un résultat en demi-teinte, gosse de riches parmi les gosses de riches.
Alors il y a la dimension psychologique sur laquelle j'ai pu insister moi-même en d'autres lieux. La douance agissant bien comme une inconnue dans l'équation de la connaissance de soi qu'il était impossible de résoudre en en ignorant l'existence. Agissant aussi à la manière d'un produit tout à la fois masquant et catalyseur de nos névroses.
Piètre consolation que cette explication, quand rien ne change -en mieux-, que tout au contraire semble s'effondrer en soi, que la douance loin d'être intégrée et outil de dépassement de soi devient béance et qu'au fond de ce gouffre résonne les pleurs oubliés d'une enfance semble-t-il inaccessible. Réminiscence sur laquelle on fait peser vos espoirs de "guérison".
Cette première année post-test j'ai donc testé la dépression et les antidépresseurs. Je déconseillerais les seconds aux surdoués si je pouvais me permettre de généraliser l'expérience que j'en ai. Je ne crois plus en leur capacité à apaiser, je connais bien par contre leurs effets secondaires, pendant et après. Dans le plus parfait déni des professionnels de santé. Ce qui n'arrive pas à la majorité n'existe pas en vrai semble-t-il. Toujours agréable de voir ignorer son ressenti, surtout quand on est d'évidence semble-t-il aux premières loges pour pouvoir en faire un témoignage averti. Passons, l'on ne m'y reprendra plus. J'ai cru savoir suite à quelques discussions que j'ai pu avoir avec d'autres hqi, que je ne serais pas le seul à avoir pris cette résolution.
Donc où en suis-je un an après ? J'aurais tendance à dire plus mal en point qu'un an auparavant, où un certain espoir le disputait à la fébrilité devant le rituel de passage dans la douance qu'est le Wais. Il me reste cependant deux espoirs d'évolution au sein de ce marasme (pour ce qui est de ce vers quoi je peux me projeter, après, il reste toujours la possibilité de "bonnes" surprises) :
D'une part, les premiers aperçus que j'ai de la Théorie de la Désintégration Positive de Kasimier Dabrowsky. Théorie très étudiée depuis plusieurs décennies dans les milieux de la douance aux États-Unis et au Canada ou Dabrowsky à enseigné à la fin de sa vie. Selon cette théorie (ou du moins le peu que je crois en avoir compris à ce point), la désintégration de la psyché de l'individu lors de crises émotionnelles fortes est un passage obligé avant une recomposition positive de son identité autour de nouvelles valeurs. Si je veux, je peux donc chérir mes névroses et autres souffrances existentielles en me disant qu'elles sont le matériau qui me permettra d'avancer un peu plus vers moi-même.
D'autre part, une sorte de lassitude cognitive qui fait que d'incapacité à lire de longs textes en incapacité à me concentrer durablement sur un sujet (incapacités dues à la dépression, la désintégration, des molécules chimiques de merde, ou que sais-je d'autre) je me vois peu à peu contraint de renoncer bon gré mal gré à mon habitude d'affronter les problèmes par le côté rationnel de la chose. Finies les réflexions inter-minables dont on espère qu'il sortira une sorte de solution quasi magique et parfaite à la question posée. Je me vois contraint de vivre au quotidien un peu autrement. Et comme je ne sais pas tellement comment m'y prendre, je ne sais pas non plus tellement à quoi m'attendre. De l'inconnu nait l'espoir plutôt que la peur. Une fois n'est pas coutume.