Voici ce que dit Françoys Gagné, Professeur de Psychologie, à propos de l'accélération scolaire:
Un joyau méconnu: l'accélération scolaire
Et l'étude américaine à laquelle il fait référence (qui est disponible en français):
A Nation deceived
L'accélération scolaire est plus facilement acceptée par les enseignants et la direction au niveau du primaire, mais cela devient nettement plus difficile au niveau du collège (le travail par cycle, ou en classe double, dans l'enseignement primaire permet plus de flexibilité et facilite la possibilité de passage au niveau supérieur). Certains enseignants y sont farouchement opposés (sans forcément donner leurs raisons), et d'autres estiment que l'élève doit être excellent dans toutes les disciplines pour pouvoir y prétendre. Un bilan WISC est alors en général demandé (soit par la famille, soit par les enseignants, avec l'accord de la famille) et une décision est prise en commission pédagogique en fonction des recommandations du Co-Psy.
Voici ce que l’Éducation Nationale, au niveau académique (ici Montpellier), en dit: "Accélération du cursus : elle est possible mais elle doit rester une exception validée par des spécialistes. En effet, elle va augmenter les difficultés dans les domaines peu investis ou mal maîtrisés et elle risque d’aggraver, dans certains cas, les difficultés de socialisation de l’élève." (Source:
EIP: pistes de réponses pédagogiques pertinentes)
Je n'ai pour ma part pas d'opinion tranchée. Mais je constate.
J'ai eu dans mes classes cette année une élève brillante dans tous les domaines, avec en outre une très grande créativité et maturité, qui apprend avec une rapidité et une précision extraordinaire (c'est la meilleure élève que j'ai eu en 13 ans de carrière), mais qui n'a jamais demandé de saut de classe, malgré des 19-20 dans toutes les disciplines (je dis bien
toutes). J'ai d'ailleurs demandé en conseil de classe pourquoi il n'avait jamais été proposé de saut de classe à cette élève. Il m'a été répondu que la famille ne l'avait jamais demandé, et que de toutes façons c'était trop tard au niveau du collège pour le faire. Cette élève n'a jamais montré de signes d’ennui en classe et ne s'est jamais plainte du rythme imposé. J'ai eu la chance de l'avoir en classe pendant 2 années consécutives, et je suis très admirative de sa grande intelligence interpersonnelle (plus encore que les autres formes qu'elle manifeste), car elle laisse leur place aux autres, et intervient en classe uniquement si ses camarades n'ont pas trouvé la réponse. Elle est jalousée pour ses résultats, mais son calme, sa maîtrise de soi, sa douceur et sa réserve ont fait qu'elle parvient à désamorcer l'agressivité (latente ou pas) des autres. Elle force le respect de tous.
Une autre de mes élèves, arrivée cette année en 6e, a par contre demandé un saut de classe dès la rentrée scolaire. Les collègues et la chef d'établissement se sont montrés très réticents et défavorables, arguant que les résultats de l'élève n'était pas suffisamment homogènes et assez élevés (elle tournait dans les 15-16 dans certaines disciplines mais avait 13 dans d'autres). Il a en outre été dit à la famille que le saut de classe ne pouvait se faire au niveau de la 6e. La procédure a néanmoins été suivie, et l'élève a passé un bilan WISC auprès de la Co-Psy. Le bilan ayant montré une forte hétérogénéité, il a été dit à la famille que le saut de classe ne pourrait pas se faire.
De mon côté, j'ai vu une élève, très mûre pour son âge (tant physiquement que mentalement), très motivée par les apprentissages en premier trimestre, qui posait beaucoup de questions pertinentes et s'intéressait aux cours, progressivement s'éteindre en cours d'année. En math, elle est passée de 14 de moyenne à 07 (ou 05, je ne me souviens plus exactement) en fin d'année scolaire.
Et enfin, pour clôturer ce retour d'expérience, j'avais un autre élève de 6e cette année- un garçon cette fois- qui avait 2 ans d'avance. Son jeune âge passe d'abord inaperçu car il est très grand, mais sa façon de bouger, sa motricité (il peut être très maladroit), son comportement lorsqu'il est hors classe, montraient qu'il était plus jeune. Sur le plan scolaire, il a obtenu de brillants résultats (homogènes) toute l'année, et ce sans travailler à la maison (source: ses parents). Il a eu la malchance de tomber dans une classe avec des élèves particulièrement perturbateurs, ce qui a ralenti considérablement le rythme de travail du groupe classe. En janvier, cet élève a commencé à se renfermer sur lui même. Ses parents, très attentifs, se sont rendus compte du malaise de leur fils et ont contacté le professeur principal. Le problème était principalement l'ennui en classe (et aussi l'effarement face à des comportements en classe inacceptables de la part de certains camarades).
Un autre saut de classe ne pouvant être envisagé, les parents ont décidé de se rendre avec leur fils à une journée portes ouvertes d'un établissement privé qui accueille des EIP en classe spécifique. Leur fil a tellement été emballé par ce qu'il y a vu qu'il leur a demandé de l'y inscrire à la rentrée suivante, malgré le fait que cela l'obligerait à être en internat la semaine. Cette visite, et l'acceptation de ses parents, a eu pour effet de dynamiser à nouveau cet élève, qui a retrouvé tout son allant jusqu'à la fin de l'année scolaire. Pour la petite histoire, il a fait un bilan WISC, car demandé par l'établissement privé, et il a été accepté (il semblerait qu'il y ait une liste d'attente; un autre de mes élèves, surdoué lui aussi, a demandé a intégrer cet établissement mais n'a pas été pris).
Je trouve que mes observations rejoignent assez bien ce que dit Zyghna :
Avoir un moule, c'est utile pour les grandes lignes, mais il faut savoir en sortir si l'enfant ne s'y plait pas.