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j’ai désiré ouvrir un espace de discussion sur un sujet qui me passionne et sur lequel je travaille depuis euh... plus de 25 ans déjà ? La communication verbale et de l’art délicat qu’elle demande.
En ce qui me concerne, je pense que communiquer effectivement, est délicat. Je trouve que ceci est un bon aide-mémoire de ce qui se passe, se joue lors d’un échange. (Mais je me rappelle avoir lu une très belle définition de la difficulté de communiquer car il s’y joue tant et tant de choses par quelqu’un du forum, et j’espère que cette personne viendra intervenir sur ce fil.)
Le désaccord peut naître aisément car chacun n’a pas la même tolérance, la même façon de concevoir l’échange, et car il peut y avoir des enjeux de pouvoir (c’est pour certains si important « d’avoir raison »). Mais souvent il peut exister très simplement car l'émetteur et le récepteur ne parlent pas de la même chose... tout en pensant très sincèrement le faire. Aussi, il est recommandé pour savoir bien communiquer, de souvent rappeler, ce qui est « entendu ». De vérifier ainsi si le message reçu correspond bien à celui qu’a pensé envoyer l’émetteur.
Ainsi, pour reprendre le dialogue né avec Belgha sur le fil précédent, dans la phrase:
« Si tu ne peux pas être bon en jouant de ton instrument, fais autre chose, apprends la cuisine, le tourisme, soigne les animaux... il n’y a aucune honte à cela »
pour moi, nous ne parlons pas de la même chose. C’est normal : pas le même vécu, personnalités différentes... donc pour reprendre le schéma plus haut : faits/ressenti/retentissements/idées très divers. Divers ne voulant pas signifier en opposition ou en lutte de pouvoir selon moi sur le fond.
- Belgha a entendu cette phrase en réalité, dans un certain contexte, comme une authentique envie d’aider un élève en difficulté. Je pense que : « il n’y a aucune honte à cela » est signe pour lui d’une communication bienveillante. Si j’ai bien moi-même correctement entendu au travers de ce qu’il a écrit sa pensée, il regrette simplement que ces mots n’aient pas été accompagnés par une ouverture vers « néanmoins ta pratique et ton amour de la musique peuvent te permettre de te diriger vers plein d’autres métiers possibles au sein de celle-ci ». Et pour lui, c’est peut-être pour cela que cet élève arrêtera la musique pour aller vers un domaine qui n’a rien à voir, car cette phrase n’a pas été prononcée.
- La première chose que j’entends dans la phrase c’est déjà le « tu » qui tue. « Si tu ne peux pas être bon en jouant de ton instrument ». Moi, si j’avais été l’élève, je l’aurai reçu direct comme « Tu n’est pas capable ».
Pour moi, un enseignant ne doit pas s’adresser ainsi à son élève. C’est dire d’entrée que l’élève n’est pas bon à cause de lui-même. Ben voyons! C’est se dédouaner en tant que professeur de n’avoir peut-être pas été capable de l’aider à jouer mieux. Et ainsi banaliser et être indifférent à la passion et l’engagement que l’élève a eu en faisant une liste lambda de possibles métiers pour finir par dire « n’ai pas honte » en lui ayant créé auparavant ce sentiment de ne pas avoir été à la hauteur par le « Si tu ne peux pas être bon... ». Même pas « si tu n’est peut-être pas assez bon », ce qui aurait été déjà différent.
En ce qui me concerne, selon mes croyances, (qui ne sont que ce qu’elles sont), un enseignant sérieux qui pense qu’il vaut mieux réorienter un élève car il n’a pas le niveau, devrait le lui dire bien autrement. Par exemple : « Je suis conscient de ton investissement et de ta passion pour la musique. Mais il me semble, malgré tout le travail sérieux et engagé que je te vois réaliser depuis plusieurs années que cela ne sera pas suffisant pour envisager une professionnalisation. Est-ce que d’autres domaines t'intéressent? Je constate plusieurs qualités qui peuvent t’ouvrir des portes dans d’autres domaines, y compris au sein du milieu musical. Veux-tu que nous en parlions? »
L’emploi du « Je » , déjà, est primordial : il nomme le risque pris par l’émetteur de donner son avis, l’émetteur se définit. Il place la problématique dans son espace relationnel, au lieu du « tu » bien pratique pour renvoyer le problème chez l’autre. Enfin, dans ce genre de circonstances délicates, surtout face à un adolescent, Il doit y avoir reconnaissance de ses qualités et de son investissement (si celui-ci existe, bien sûr). Le « ne pas pouvoir » est une fin de non-recevoir affreuse. Alors voilà, il y aurait eu des possibles, et puis un jour, ben non, plus. Pour terminer, ouvrir à l’échange est extrêmement important. C’est pour toutes ces raisons que pour moi cette phrase n’est pas bienveillante, et indifférente complètement à ce qu’elle peut déclencher, particulièrement chez un jeune. En ce qui me concerne, si on m’avait dit cela, oui, j’aurais fait un autre métier, et certainement pas dans la musique.
J’ai ouvert ce fil car pour moi, le dialogue qui s’est instauré est directement lié à la question de la communication, ce qui est émis, ce qui est entendu, et non à savoir qui a raison ou tort dans l’exemple cité. Je pensais qu’il y avait là un sujet pour échanger, débattre. Encore une fois, l’exemple n’est pas choisi pour être confirmée dans le fait de savoir qui a raison. C'était l’occasion d’ouvrir un dialogue sur ce fait : ce n’est pas aisé d’échanger, de parler, de communiquer.
(J’ai mis presque 2h à écrire ce fil pour limiter les risques de complications de communication.


J’ai envie de conclure par ce texte que j’aime beaucoup, qui, j’espère vous touchera comme il me parle. Et oui, je suis une lyrique, je suis soprano quoi...
