
C'est un pote, constructeur de maison paille/ossature-bois depuis, pfiu.., 15 ou 20 ans, qui a construit cet habitat. Depuis qu'on se connait j’arrête pas de le saouler avec la construction en paille porteuse, parce que oui, c'est possible, largement. Lui il est pas aussi théorique que moi, ni aussi fou, mais avec le temps ça a fait son bout de chemin et il s'est fait ce que je vais vous présenter, en bottes de paille porteuse (c'est à dire qu'il n'y a pas autre chose que les bottes de paille pour faire les murs et supporter le poids de la charpente).
Je vous dit tout de suite comme je le vois: c'est une mise en oeuvre très simple mais qui montre le potentiel énorme de la paille. Des tests de résistance ont été fait et les petites bottes utilisées ici peuvent supporter la charge d'un habitat d'un étage voir plus. Avec des bottes plus grosses et de haute densité, y'a Werner Schnmidt, un architecte suisse, qui est déjà allé jusqu'à 4 étages, et il a commencé y'a 15 ou 20 ans.
Là c'est un projet modeste et provisoire que je vous présente, mais celui là j'y ai participé, c'est du concret. Je vais en profiter pour vous raconter entre les photos quelques trucs sur les habitats en paille et tout le potentiel que j'y vois.
Un truc important à dire, pour poser un peu la chose, c'est que ça a coûté moins de 5000€ sans la main d'oeuvre, ça fait entre 25 et 30 m² à vue de nez, c'est extrêmement bien isolé, écologique et biodégradable, et super sympa à faire. Là, super-copain il a voulu faire comme une yourte et il compte démonter le tout à moyen terme. Y'a donc moyen de faire mieux et moins cher, je vous l'expliquerais.
Enfin, je n'ai pas beaucoup de photos et elle sont pas terribles, veuillez m'en excuser, je tâcherais de compenser par le blabla.

Allons-y.
Parlons des fondations. Ici, c'est des pneus qui ont été utilisés. On les a posés en périphérie, remplis de cailloux qui empêchent le tassement et recouverts d'une bâche pour empêcher les remontées d'eau par capillarité et protéger les pneus des UV. Cette périphérie est recouverte d'une lisse (une sorte de planche) qui sert à répartir les appuis des futurs murs. Le centre est rempli uniquement de terre (mais je n'en suis pas sûr, j'étais pas là à ce moment) car faire ce qu'on appelle un hérisson (un lit de gros cailloux qui empêchent les remontées d'eau et isolent relativement) ou une isolation aurait été préférable (mais c'est du provisoire, comme on dit des années après

La charpente. C'est ce qu'on appelle une charpente réciproque, c'est stylé et assez simple à faire, y'a que des morceaux identiques. Et ça permet d'avoir un "oeil" central comme sur les vraies yourte. On pose le premier tronc sur un poteau et ensuite on y pose les suivants jusqu’à être revenu sous le premier.
Comme rien n'avait été calculé et que la première poutre n'appuyait pas sur la dernière, on a sanglé et laissé les troncs prendre leur place avant d'envoyer les vis... de très grosses vis.
C'est jolie!
Et j'en profite pour vous raconter que ce genre de charpente n'est pas indispensable, pas du tout. On pourrait gagner beaucoup de temps si l'emprise étais rectangulaire en faisant une simple toiture à une seule pente faible, il aurait alors suffit de disposer des poutres parallèles les unes aux autres. Et puis un rectangle est un peu plus facile à aménager, vu que les meubles pour murs arrondis sont rares, etc..
Mais c'est stylé, et puis mon pote il veut emballer ça avec une toile de yourte plutôt que d'y faire des enduits et une couverture durables.
La charpente, vous aviez peut-être remarqué, on l'a faite au sol. C'est parce que mon pote il a une pelleteuse à disposition!! C'est pas du tout indispensable, mais quand on l'a on ne se prive pas de ses services. Donc on a fait la charpente sur le bas des murs, puis il l'a déplacée à côté avec la pelleteuse. Là il est à deux doigts de la poser sur les murs dont je vous parle à la photos d'après, on les vois mieux!
Yeah!! Un grand moment, on va poser la charpente sur les murs.
Ces fameux murs en paille porteuse!! C'est pas compliqué, on a juste empilé des bottes de pailles rang par rang, en les serrant bien, jusqu'à atteindre la hauteur voulue. Les seules complications sont:
- Biaiser un peu le bout des bottes, à cause de l'arrondi des murs. C'est vite fait, il suffit de tirer un peu la paille d'un côté du ballot, vu que ça n'est tenu que par deux ficelles.
- Recouper certaines bottes pour en faire des demi (parce qu'on croise les rangs. cad qu'on ne pose les bottes entre deux bottes du rangs inférieur, comme pour une pose de briques ou de parpaings béton) ou les ajuster à la fin d'un rang. Là encore c'est assez facile: on enfile une grosse aiguille en bois, là où on veut couper, pour passer des ficelles, et on re-ficelle la botte à la dimension voulue.
- Là on ne l'a pas fait mais en général on plante des aiguilles (bambous ou morceaux de bois longs et fins) à travers les différents rangs de bottes, pour les tenir un peu. Ici c'est des sangles extérieures qui remplissent ce rôle.
La charpente arrive à sa place..
Et j'en profite pour parler un peu du sanglage des murs. C'est le point chiant à gérer en paille porteuse. Dans une ossature bois les bottes sont comprimées entre les montants et ils reprennent la charge du toit. Ici ce n'est pas le cas et il faut tenir un peu tout ça en attendant les enduits qui vont rendre le tout solide. A ce stade si vous mettez un bon coup d'épaule dans un mur il se déforme, et quand on y pose la charpente puis la charge sur la charpente, ça se tasse. Du coup on a mis des sangles verticales et horizontales pour serrer un peu toute cette paille et accélérer un peu le tassement.
Une belle vue de dedans!
Les troncs qui ont servi de charpente principale ne suffisent pas, on a ajouté des bambous (ressource locale et esthétique) perpendiculaires pour tenir la paille qui ira sur le toit.
Je vois qu'on n'avais pas encore passé les sangles verticales, qui étaient en attente, mais au final elles n'ont pas servi à grand chose, on aurait pu s'en passer, leur effet sur le tassement n'a pas concurrencé la masse du toit. Elles solidarisent le toit avec les fondations au cas où le vent veuille soulever le toit ce qui est peu probable vu que ce n'est pas si léger que ça.
Voilà une vue après la pose des bottes de pailles en toiture, et d'une bâche de protection.
C'est dommage que je n'ai pas pris de photo avant la pose de la bâche, c'était joli comme une grosse meule de foin à l'ancienne. Mais bon quand on bosse on ne pense aux photos qu'au moment des pauses.
Une vue de l'intérieur juste après la pose des bottes en toiture. On y a mis des vieux draps de récup pour faire le plafond.
Là, pour un habitat plus durable avec une couverture moins respirante qu'une toile de yourte, il aurait été judicieux de poser une bâche (un pare-vapeur) entre les bottes de paille et les draps. C'est une histoire d'eau: Toute la vapeur dégagée par la respiration, la cuisine ou les douches migre à travers la paille en toiture et a tendance à se condenser quand elle atteint l'extérieur plus froid (c'est le phénomène du point de rosée) ce qui pourrit l'isolant. Ce problème affecte la paille autant que les autres isolants conventionnels, faut pas croire que la paille est plus sensible, c'est généralement faux.
La dernière photo que j'aie de ce chantier; c'est la pose du feutre avant d'y mettre la toile de yourte qui emballe le toit.
C'est un choix discutable, moi j'y aurais mis une toiture végétale, moins cher et beaucoup plus durable; on aurait aussi pu y poser une toiture plus conventionnelle, mais plus chère surtout en temps de travail à cause de la forme ronde et un peu plus durable. Mais mon pote ne compte pas laisser cet habitat en place plus de deux ou trois ans, et il aime les yourtes, c'est à son goût. N’empêche que plus de la moitié du coût en matériaux de ce projet passe dans les toiles de yourte... (j'avoue que je n'aime pas les yourtes, c'est tellement cher et inefficace comme logement..)
Je prendrais d'ici peu des photos de l'ensemble terminé et habillé de ses belles toiles neuves.
Ce dont je n'ai aucune photo c'est l'étape où on a mis une léger enduit de terre sur les murs intérieurs. Les mains pleines de boue c'est pas le moment pour prendre des photos

Si on avait posé un epdm (bâche très résistante) en toiture et fait de vrais enduits en terre dedans et dehors, cela aurait été un habitat très performant et durable. Autant, voir plus, qu'une maison classique. c'aurait été aussi moins cher en matériaux mais plus coûteux en main d'oeuvre, et vu que c'est du "démontable" ça justifie le choix des toiles.
Ce petit projet montre déjà pas mal des possibilités exceptionnelles qu'offre la construction en paille. Même si j'aurais aimé aller plus loin, c'est déjà assez poussé par rapport à ce qui commence à être normalisé dans le genre.
En attendant les dernières photos, je répondrais avec plaisir à toutes les questions que ce genre de construction peut vous évoquer. Même que si vous êtes très intéressés, j'ai assez de photos d'une construction de maison à ossature bois et paille pour faire le même genre de topic.